Libération Vendredi 6 Mars 2020 u 3
rappeur Ninho, du groupe Tryo et du chan-
teur Matt Pokora sont aussi annulés. Sibeth
Ndiaye a eu beau déclarer «la vie du pays ne
s’arrêtera pas à cause du coronavirus», il y a
du ralentissement dans l’air.
Petit à petit, l’inquiétude s’exprime : les châ-
teaux de la Loire font état de réservations au
point mort pour les beaux jours, la clientèle
asiatique faisant défaut. L’Opéra de Paris ap-
pelle ses visiteurs «présentant des symptômes
grippaux» à éviter ses deux salles, Bastille et
Garnier. Même si aucun cas n’a été enregistré
à Lourdes, la direction du sanctuaire est sur
le qui-vive face à ce diable de coronavirus :
bassins fermés, confessionnaux avec gels hy-
droalcooliques... Dans le Morbihan, très tou-
ché (une vingtaine de cas et un décès depuis
dimanche), les médecins généralistes mettent
le paquet sur la téléconsultation. La France
clignote, ralentit, s’adapte. Mais à ce jour, au-
cun quotidien français n’a osé rivaliser avec
le tabloïd australien de Darwin, NT News :
pour mieux tourner en dérision la razzia sur
le papier toilette liée à la panique coronavirus,
il a publié des pages blanches destinées à ses
lecteurs qui viendraient à en manquer.•
En cascade, et suite à l’interdiction de rassem-
blements de plus de 5 000 personnes en mi-
lieu clos, des grands rendez-vous sont suppri-
més ou reportés : après l’annulation du Salon
du livre à Paris, voici celle du MIPTV à Can-
nes, deuxième plus grand événement mon-
dial dédié aux professionnels de la télévision.
A Cannes aussi, le salon immobilier Mipim est
reporté de mars à juin, tandis que la Foire de
Lyon attendra mai. A Paris, les concerts du
«Un bureau de vote doit impliquer les préven-
tions usuelles : se laver les mains, venir avec
son propre stylo pour les scrutateurs qui le sou-
haitent... Mais à part quelques personnes avec
des masques dans le métro, on n’a pas l’impres-
sion d’un vent de panique dans le pays.»
«LA VIE DU PAYS NE S’ARRÊTERA PAS»
Nonobstant, cette démonstration de mobili-
sation, la vie du pays se trouve déjà bousculée.
stopper l’arrivée, ensuite pour ralentir» et «il y
a un moment [...] vous le savez infiniment
mieux que moi, pour gérer une épidémie qui de
toute façon est inexorable», a déclaré en pré-
ambule le Président qui a bousculé son agenda
pour se consacrer entièrement au coronavirus.
Dans le même temps, une partie du gouver-
nement, autour de la ministre de la Cohésion
des territoires, Jacqueline Gourault, recevait
jeudi, pour la deuxième fois en une semaine,
les associations d’élus locaux pour échanger
sur les mesures concrètes à décliner «dans les
territoires». Le ministre de l’Intérieur, Chris-
tophe Castaner, a officiellement garanti la te-
nue du scrutin municipal, tandis que son ho-
mologue de l’Education, Jean-Michel
Blanquer, a fait un point sur la situation dans
les écoles (lire page 5). «On souhaite que les as-
sociations d’élus se sentent autant associées
que possible», dit-on dans l’entourage de Gou-
rault. «Ce n’est pas l’Etat seul qui fait face au
Covid-19», ajoute-t-on à Matignon. Dans l’en-
tourage du Premier ministre, on rappelle qu’à
dix jours du vote, cette réunion avec les élus
locaux devait permettre de dédramatiser le
risque de contamination les jours de vote :
D
ix-neuf jours qu’il est au
gouvernement. Presque au-
tant qu’il ne serre plus les
mains, sort «très régulièrement» de
sa poche son flacon de gel hydro -
alcoolique et maintient une dis-
tance de sécurité avec ses interlo-
cuteurs. Face à l’épidémie de
coronavirus, le ministre de la Santé,
Olivier Véran, est au front, occupé
à coordonner la réponse des autori-
tés, sanitaires et politiques. Pas
question de risquer une contami-
nation alors même que son agenda
est blindé. Toutes les régions mé-
tropolitaines étant désormais tou-
chées par l’infection, le bascule-
ment au stade épidémique (la
phase 3) sera bientôt officiel. Le mi-
nistre «s’y prépare».
Après l’Oise, la Haute-Savoie et
le Morbihan, un rassemblement
évangélique à Mulhouse a été à
l’origine de plusieurs cas de con-
tamination, jusqu’en Corse... Vu
la vitesse de propagation du vi-
rus, n’est-on pas déjà au stade 3
de l’épidémie?
Il faut un contact avec quelqu’un
pour risquer une contamination.
Avec le coronavirus, on n’est pas sur
une transmission aérienne mais par
LE VIRUS S’ÉTEND SUR LE GLOBE
nLe nombre de pays touchés par le coronavirus est passé à 90 jeudi,
avec notamment la découverte d’un premier cas en Afrique du Sud. Dans
l’ensemble de ces pays, 97 510 cas ont été confirmés, dont plus de 53 600
concernent des personnes déjà guéries. 3 346 personnes sont mortes du virus.
nLa Corée du Sud est le deuxième foyer de contamination, avec plus de
6 000 cas confirmés (dont 35 morts), et l’Italie le deuxième foyer de mortalité
(148 morts). En Iran, le Covid-19 aurait fait au moins 107 morts d’après le
ministère de la Santé, et 126 d’après l’agence officielle Irna. Le gouvernement a
décidé de fermer écoles et universités, et installe des check-points.
nEn Europe, le nombre de cas a doublé en vingt-quatre heures aux Pays-Bas
pour atteindre 82, et la Grèce a découvert 21 nouveaux cas d’un coup, tous
de retour d’un voyage en Israël où ils avaient voyagé dans le même bus.
Olivier Véran,
mercredi à l’Elysée.
PHOTO STÉPHANE
LEMOUTON. ABACAPRESS
«On ne paralysera
pas la vie
économique et
sociale du pays»
Le ministre de la Santé,
Olivier Véran, détaille
à «Libération» les
mesures envisagées
par le gouvernement
pour la phase 3
de l’épidémie.
gouttelettes (toux, éternuement) ou
indirectement par les mains : on
porte sa main à son visage environ
60 fois par heure en moyenne, sans
s’en apercevoir. L’épidémie est ca-
ractérisée quand il y a beaucoup de
gens malades et que le virus circule.
Mais les épidémiologistes ne fixent
pas un nombre de malades à partir
duquel on basculerait automatique-
ment en stade 3. Aujourd’hui, on est
dans une situation assez similaire
à celle de l’Allemagne ou de l’Espa-
gne avec 423 personnes infectées.
L’Italie en a plus de 2 500... Le virus
ne circule pas encore activement
sur tout le territoire français. L’épi-
démie sera actée dès lors qu’on con-
sidérera comme inutile d’aller cher-
cher les cas contacts. On n’y est pas.
Mais on s’y prépare.
Quelle est votre priorité?
Ralentir autant que possible la cir-
culation du virus. On doit gagner du
temps, c’est tout le sens de la mobili-
sation lors de la phase 2. Il faut éviter
de saturer l’hôpital alors que l’épidé-
mie grippale est toujours en cours,
même si le pic est passé. Ce temps,
nous le mettons à profit pour orga-
niser le parcours de soins entre la
ville et l’hôpital, équiper, former les
soignants, et informer les Français.
La réponse à l’épidémie est-elle
uniquement nationale?
Non. La semaine dernière, à Rome,
avec six de mes homologues euro-
péens, on est tombés d’accord, à
l’initiative de la France, pour ne pas
fermer les frontières, partager des
procédures d’infor- Suite page 4