Les Echos - 06.03.2020

(sharon) #1
Le nouveau coronavirus SARS COV-2 (en jaune) observé au microscope à la surface des cellules. P hoto AP/SIPA

que les gouttelettes contaminées
pouvaient être transportées par les
flux d’air. Toutefois, la même étude
a montré que le virus ne survivait
pas au nettoyage des surfaces con-
taminées à l’aide d’un désinfectant
d’usage courant, appliqué deux fois
par jour.

4 À QUEL POINT
LE COVID-
EST- IL CONTAGIEUX?
Le taux de contagiosité, également
appelé taux de reproduction de
base ou « Ro » par les spécialistes,
donne le nombre moyen de person-
nes qui contractent le virus à partir
d’un individu infecté. Il tourne
autour de 2,2 pour le SARS-CoV-2,
ce qui le rend 1,7 fois plus conta-
gieux que la grippe saisonnière.
Les malades sont contagieux
pendant la période d’incubation,
laps de temps séparant leur propre
contamination de l’apparition des
premiers symptômes, mais cette
période varie fortement dans le cas
de Covid-19 : si le délai moyen est de
cinq à six jours, il peut varier de un à
quatorze. Ce délai maximal de qua-
torze jours explique les mesures de
« quatorzaine » prises par les auto-
rités d es p ays contaminés pour con-
tenir l’épidémie.

5 QUEL EST LE TAUX
DE LÉTALITÉ
DU CORONAVIRUS?
Le taux de létalité d’un virus, autre
indicateur clé avec son taux de con-
tagiosité, se calcule à partir du rap-
port du nombre de personnes décé-
dées sur le total des cas de
contamination. Dans le cas
de Covid-19, ce taux s’établit actuel-
lement à 3,44 %. En France et dans
les pays aux systèmes de santé les
plus performants, entre 1,5 et 2 %
des malades décèdent, souligne-
t-on au ministère de la Santé. C’est
bien plus que la grippe saisonnière
en France (entre 0,17 et 0,5 %, selon

les années), mais beaucoup moins
que la précédente épidémie provo-
quée par un coronavirus de SARS-
CoV, celle du SRAS (syndrome res-
piratoire aigu sévère), datant de
2002-2003, e t dont le taux de létalité
avait été estimé à 13,2 % chez les
moins de 60 ans et 43,3 % chez les
plus de 60 ans.
Selon les données collectées
depuis le début de l’épidémie
Covid-19, 80 % des personnes infec-
tées ne développent qu’une forme
bénigne de la maladie et guérissent
spontanément, 14 % développent
une forme sévère et 6 % une forme
critique qui nécessite un passage en
réanimation.
Pourquoi y a-t-il si peu de guéri-
sons déclarées? Les hôpitaux de
référence pour l’accueil des mala-
des sont tellement débordés, qu’ils
n’ont pas le temps de les signaler,
souligne-t-on au ministère de la
Santé. On dit souvent qu’un rhume
dure six jours ; il semble à ce stade
qu’un coronavirus dure deux
semaines.

6 QUI EST LE PLUS
TOUCHÉ
PAR LE CORONAVIRUS?
No us ne sommes pas tous égaux
face à l’épidémie. Comme pour la
grippe saisonnière, notre suscepti-
bilité (disposition à contracter le
virus) à l’égard de Covid-19 varie
grandement d’un individu à l’autre
en fonction de ce que les spécialis-
tes appellent notre empreinte
immunologique. Statistiquement,
il a pparaît q ue le v irus touche consi-
dérablement plus les vieux que les
jeunes : une large majorité des victi-
mes (80 %) étaient âgées de plus de
60 ans au moment du décès, et seu-
lement 2 % des cas confirmés en
Chine concernent des patients de
moins de 20 ans.
Les raisons de ce déséquilibre
par tranches d’âge ne sont pas clai-

rement établies, mais les scientifi-
ques soupçonnent que le système
immunitaire des plus jeunes est
particulièrement efficace contre ce
genre de coronavirus. Ce n’est pas
toujours le cas. Lors de l’épidémie
de g rippe A (H1N1) de 2009-2010, l es
adolescents et les jeunes adultes
avaient été davantage touchés que
les personnes âgées. De même, le
virus H5N1, responsable de la
grippe aviaire, affecte davantage les
enfants et les jeunes adultes.

7 LES POUVOIRS
PUBLICS
ONT-ILS SURRÉAGI
FACE AU CORONAVIRUS?
Les Français font le parallèle avec la
grippe, qui tue 8.000 à 10.000 per-
sonnes par an, presque dans l’indif-
férence générale. Mais les épidé-
miologistes sont formels : c’e st un
nouveau virus qui émerge, il faut
donc se méfier. I l n’existe pas de vac-
cin contre le Covid-19. Le vaccin
antigrippal n’est certes pas une bar-
rière parfaite, mais il peut aider,
pourvu qu’on accepte de se faire
vacciner. Par ailleurs, « les taux de
mortalité du Covid-19 ne sont pas
négligeables, et ils sont largement
supérieurs à la grippe » , justifie-t-on
au ministère de la Santé. Dans les
pays aux systèmes de soins les
moins performants, ils peuvent
grimper jusqu’à 5 %.

8 Y A-T- IL DES PAYS
MIEUX ORGANISÉS
QUE LES AUTRES
FACE AU CORONAVIRUS?
Be rceau du virus, la Chine a pris des
mesures drastiques et inédites de
restriction des libertés publiques,
qu’il serait malaisé de mettre en
œuvre dans une démocratie libé-
rale. Grâce à ces contraintes, l’é pi-
démie est en train de refluer. Mais
alors qu’elle se développe dans le
reste du monde, il est probable que
« l’incendie éteint revienne par la

fenêtre » , souligne-t-on au minis-
tère de la Santé.
La situation de la Corée du Sud
est préoccupante, s’agissant d’un
pays moderne avec des hôpitaux
haut de gamme. Mais la mortalité
rapportée au nombre de cas n’est
que de 0,5 % : ces statistiques reflè-
tent l’effort de dépistage de rue des
Coréens. En Europe, l’Italie se
démarque, avec 2,6 % de décès par
rapport au nombre de cas. Les a uto-
rités italiennes ont tardé à remon-
ter la première chaîne de transmis-
sion, peut-être du fait d ’une
organisation décentralisée du sys-
tème de santé. France, Allemagne
et Espagne en sont à peu près au
même stade, celui de l ’endiguement
(stade 2), avec plusieurs centaines
de cas.

9 EST- CE QUE
LE PASSAGE AU
STADE 3 DE L’ ÉPIDÉMIE EN
FRANCE SIGNERA L’ ÉCHEC
DE LA STRATÉGIE
DE SÉCURITÉ SANITAIRE?
C’est une digue qui va sauter, mais
ce n’est ni une surprise ni une catas-
trophe. Au stade 1, le virus est à nos
portes et il faut empêcher son arri-
vée. Au stade 2, il circule sur une
partie du territoire. Au s tade 3, il c ir-
cule « activement » : pour la grippe,
c’est le moment où l’on atteint le
seuil de 10 cas pour 100.000 person-
nes. Pour le coronavirus, ce sont les
épidémiologistes qui donneront le
signal.
En tout cas, à la Direction géné-
rale de la santé (DGS), on se félicite
d’avoir réussi à retarder l’explosion
du nombre de cas, car cela a permis
de passer le pic de la saison grip-
pale, de se rapprocher des beaux
jours – le virus est moins dangereux
en plein air —, et de s’organiser. Les
Français ont été nombreux à adop-
ter les « gestes barrières » : tousser
dans le pli du coude, se moucher, se
laver les mains, cesser de s’embras-

ser ou de se serrer les mains. « Au
lieu d’avoir un malade qui conta-
mine trois personnes, il n’y a plus que
2, voire 1,5 personne contaminée » ,
souligne-t-on à la DGS.
Le passage au stade 3 est en
revanche jugé inévitable, d’autant
plus que « le virus va continuer à cir-
culer tant que la population mon-
diale ne sera pas immunisée ». Les
autorités disent ne pas pouvoir esti-
mer à quel moment le pic épidémi-
que sera atteint.

10
QUELLES SERONT
LES NOUVELLES
« MESURES-BARRIÈRES »
AU STADE 3?
Au p lus fort d e la grippe espagnole,
en 1919, on a fermé le port de
Marseille avec une chaîne. Mais
arrêter les transports n’est plus
envisageable dans notre monde
interdépendant, considère-t-on au
gouvernement. Les pouvoirs
publics vont plutôt demander aux
Français de faire des efforts de soli-
darité pour protéger les personnes
vulnérables : éviter de se rendre
dans un Ehpad en v isite ou
d’emmener sa progéniture chez u n
malade chronique – les enfants
brassent beaucoup de virus sans le
savoir... Alors qu’aujourd’hui qua-
siment tous les malades sont hos-
pitalisés, on va renvoyer chez eux
les cas légers, et faire de la place
pour les plus fragiles.
Les gens vont pouvoir circuler,
mais on conservera des quarantai-
nes, t oujours pour ménager les plus
faibles. Les parents d’enfants désco-
larisés du fait de la fermeture de
leur établissement peuvent déjà
obtenir un arrêt de travail indem-
nisé sans jour de carence, en pas-
sant par un site dédié de l’Assu-
rance Maladie. Les règles de la télé-
consultation pourraient encore
être assouplies si nécessaire, et les
médecins libéraux appelés en ren-
fort, explique-t-on au ministère.n

lUn peu plus de deux mois après l’apparition du virus, la France se prépare au stade 3, dit « épidémique ».


lA-t-on raison de s’inquiéter? Peut-on d’ores et déjà parler d’un échec de la stratégie de sécurité sanitaire?


Contamination, contagiosité, létalité :

ce qu’il faut savoir sur le coronavirus

Yann Verdo
et Solveig Godeluck


1 QUEL EST LE BILAN DE
L’ ÉPIDÉMIE EN FRANCE
ET DANS LE MONDE?

Se lon le bilan arrêté jeudi 5 mars à
9 heures GMT, le nombre de per-
sonnes infectées par le Covid-
(l’épidémie qui s’est déclarée fin
décembre en Chine et qui est provo-
quée par un nouveau coronavirus
appelé SARS-CoV-2) s’élève à
95.371, dans 84 pays et territoires.
Parmi elles, 3.284 sont décédées.
La Chine (hors les territoires de
Hong Kong et de Macao) comptait
80.409 c as d ont 3 .012 décès.
Les pays les plus touchés après la
Chine sont la Corée du Sud (5.
cas, 35 décès), l’Italie (3.089 cas,
107 décès), l’Iran (2.922 cas,
92 décès), le Japon (320 cas et plus
de 700 autres sur le paquebot « Dia-
mond Princess », avec un total de
12 décès).


2 ET EN FRANCE?
Dans l’Hexagone, où
7 morts en France sont déjà décé-
dées du coronavirus, on recensait,
jeudi soir 423 cas confirmés, dont
au moins 15 dans un état grave, hos-
pitalisés ou en réanimation.
Mercredi, l a porte-parole du gou-
vernement Sibeth Ndiaye a déclaré
qu’il était « peu probable malheureu-
sement »
que la France échappe au
stade épidémique (stade 3 : celui où
l’on constate que le virus circule sur
l’ensemble du territoire). Jeudi, la
Corse, l’une des deux dernières
régions épargnées jusqu’ici en
métropole, a rapporté ses trois pre-
miers cas. Ce même jour Emma-
nuel Macron a évoqué une « épidé-
mie qui de toute façon est
inexorable ».
Actuellement, les rassemble-
ments de plus de 5.000 personnes
en milieu clos sont interdits et une
bonne centaine d’écoles, collèges et
lycées restent fermés, principale-
ment dans l’Oise et le Morbihan,
deux des trois principaux foyers de
cas groupés.


3 QUEL EST LE MODE
DE CONTAMINATION?

Le coronavirus SARS-CoV-2 se
transmet essentiellement par voie
respiratoire, c’est-à-dire par les
gouttelettes et postillons de salive.
Les spécialistes estiment qu’il peut
se propulser jusqu’à 1,8 mètre lors-
que les malades toussent ou éter-
nuent. Mais la toux n’est malheu-
reusement pas le seul mode de
contamination.
Une étude publiée mercredi
4 mars dans la revue américaine
« JAMA » est, en effet, venue confir-
mer ce que l’on soupçonnait, à
savoir que les malades contami-
naient largement leur environne-
ment immédiat, tout particulière-
ment leur chambre à coucher et
leurs toilettes. L’étude a en effet a na-
lysé 15 surfaces de l’habitat (cham-
bre et toilettes) d’un malade ne pré-
sentant pourtant que des
symptômes bénins : le virus a été
retrouvé sur 13 d’entre elles,
incluant sa chaise, son lit, sa fenêtre
et le sol, mais aussi le lavabo et la
cuvette de ses toilettes, suggérant
que les selles pourraient être une
voie de transmission.
Les échantillons d’air de la cham-
bre se sont révélés négatifs, mais
ceux prélevés sur ses grilles d’aéra-
tion sont revenus p ositifs, montrant


ÉPIDÉMIE


ÉVÉNEMENT


Vendredi 6 et samedi 7 mars 2020 Les Echos

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