Les Echos - 06.03.2020

(sharon) #1

20 // ENTREPRISES Vendredi 6 et samedi 7 mars 2020 Les Echos


cette usine de 400 salariés dans la
procédure des investissements
étrangers en France soumis à auto-
risation.
Fabriquant des rails pour la
SNCF, elle est considérée comme
un actif stratégique. « Nous som-
mes toujours intéressés par l’usine
d’Hayange [...], et nous espérons
avoir prochainement une réponse
positive des autorités françaises » ,
affirme le directeur général de Jin-
gye, Li Huiming, d ans l e communi-
qué. E n visite en Moselle en janvier,
des représentants du groupe chi-
nois avaient promis d’investir
60 millions d’euros sur cinq ans,
pour faire passer la production de
300.000 à 500.000 t onnes. Mais l es
syndicats étaient restés sceptiques.
« Le projet n’était guère détaillé » ,
indique Grégory Zabot, secrétaire
CFDT du CSE de British Steel
Hayange.

Appel à candidatures
En réalité, selon nos informations,
Jingye semble avoir bien peu de
chances d e l’emporter. « Bercy n’est
pas très enthousiaste, et c’est un
euphémisme » , indique un bon
connaisseur du dossier. Espérant
sans doute que Jingye se retire de
lui-même, le ministère de l’Econo-
mie a même diffusé, il y a quelques

Tintanet, délégué CFE-CGC de
l’usine mosellane. « Nous sommes
détenus depuis des années par des
financiers, et on voit où ça nous
mène. »

Une usine stratégique
Av ec un carnet de commandes
plein, l’usine d’Hayange suscite les
convoitises. Elle est d’autant plus
stratégique aux yeux de Bercy
qu’e lle a conclu un gros contrat
d’approvisionnement avec Asco-
val, l’aciérie de Saint-Saulve dont le
sauvetage a mobilisé une bonne
partie de la classe politique depuis
deux ans et aujourd’hui détenue
par le fonds Greybull. « Bercy ver-
rait d’un bon œil une reprise grou-
pée des deux sociétés » , indique une
source bien informée.
En attendant, la question de son
approvisionnement pourrait se
poser à court terme : elle fabrique
ses rails à partir de produits semi-
finis fournis par l’usine britanni-
que de British Steel à Scunthorpe.
« Les prix risquent d’augmenter
avec le rachat de British Steel par
Jingye. Mais depuis plus d’un an,
nous sommes habitués aux turbu-
lences dans l’approvisionnement » ,
soupire Grégory Zabot. Un nou-
veau contrat serait d’ores et déjà en
cours de négociation.n

Anne Feitz
@afeitz
et Pa scale Braun
— Correspondante à Metz

Qui va reprendre l’usine de rails
d’Hayange? Au lendemain de
l’annonce par le chinois Jingye de
la reprise de British Steel, en
faillite, sans son usine française, la
question est sur t outes les lèvres en
Moselle.
Officiellement, l’industriel chi-
nois est toujours dans la course. Il
affirme attendre l’accord du gou-
vernement français, qui a placé

SIDÉRURGIE


Le chinois Jingye
a annoncé mardi
la reprise de British
Steel, en faillite, mais
sans l’usine d’Hayange,
dans l’attente d’une
réponse du gouverne-
ment français.

Celui-ci a, de son côté,
reçu quatre autres
offres sur l’usine
de rails mosellane.

L’ usine de rails d’Hayange de


British Steel attise les convoitises


credi, d’un accord avec Rome sur un
nouveau plan industriel. Un accord
encore soumis à moult conditions et
qui prévoit désormais une conclu-
sion... en mai 2022.

Clôture du contentieux
judiciaire
Après plusieurs passes d’armes judi-
ciaires entre ArcelorMittal et les
administrateurs de l’aciérie, les dis-
cussions avaient repris fin 2019, afin
d’assurer un avenir à l’aciérie géante,
lourdement déficitaire et au cœur
d’un scandale environnemental.
L’accord conclu mercredi remet
les choses à plat. Il met un terme
aux contentieux en justice (l’exa-
men de celui lancé par les adminis-
trateurs judiciaires devait démar-
rer ce vendredi) et prévoit un
« investissement significatif » de
l’Etat italien, via des sociétés publi-
ques, dans des technologies de pro-
duction d’acier moins polluantes.

Le montant de cet investisse-
ment public devra être équivalent
à la somme que doit encore verser
ArcelorMittal par rapport au prix
d’achat initial, explique le groupe
dans son communiqué.
Censé permettre la construction
d’une usine de réduction du mine-
rai de fer, il devra être réalisé avant
le 30 novembre prochain (faute de
quoi le groupe sidérurgique aurait
le droit de se retirer à nouveau du
projet). ArcelorMittal de son côté
construira un four électrique.

Un précédent plan
jugé inacceptable
« No us sommes s atisfaits d e l’accord
qui assure immédiatement la conti-
nuité opérationnelle du site » , a
déclaré le ministre italien de l’Eco-
nomie, Roberto Gualtieri. Les syn-
dicats ont de leur côté jugé le plan
insuffisamment détaillé sur l’enga-
gement financier des différentes

parties et sur les perspectives en
termes d’emploi.
L’accord initial de rachat, conclu
fin 2018 pour 1,8 milliard d’euros,
prévoyait 2,4 milliards d’investisse-
ments dans la remise aux normes
environnementales et la reprise de
10.700 des 13.800 salariés. Mais
ArcelorMittal est resté loin de son
objectif – faire remonter la produc-
tion de l’aciérie géante de 4,5 à
6 millions de tonnes et revenir à
l’équilibre dès 2019.
Ayant perdu des centaines de
millions d’euros en Italie l’an der-
nier, le groupe détenu par la famille
Mittal avait proposé fin décembre
un nouveau plan, tablant sur
4.700 suppressions de postes sup-
plémentaires. Un plan que Rome
avait jugé inacceptable.
— A. F.

(


Lire « Crible »
Page 40

L’ horizon de l’aciérie Ilva en Italie s’éclaircit


après l’accord conclu par ArcelorMittal


C’est le grand feuilleton industriel à
rebondissements dans la sidérurgie.
Après avoir retiré, début novem-
bre 2019, son offre de rachat de l’acié-
rie Ilva, dans le sud de l’Italie, Arce-
lorMittal revient finalement dans la
course à la suite de la signature, mer-

SIDÉRURGIE


Après des mois
de conflit, le géant
mondial de l’acier
et le gouvernement
italien sont parvenus
à un accord.

Rome s’est notamment
engagé à investir, via
des sociétés publiques,
dans des technologies
plus propres.

L’usine d’Hayange, qui compte 400 salariés, affiche actuellement un carnet de commandes plein. Phot o Patrick Hertzog/AFP

mois, un appel à candidatures
parallèle, sous le contrôle du tribu-
nal de commerce de Strasbourg.
Les repreneurs intéressés ont jus-
qu’à mi-mars pour remettre leurs
offres.

Interrogé mercredi sur le sujet,
le ministre de l’Economie, Bruno
Le Maire, a affirmé avoir déjà reçu
« quatre offres de reprise
d’Hayange, dont trois qui sont très
sérieuses ». Il n’a pas donné plus de
précision mais, de source syndi-
cale, elles émanent du groupe bri-
tannique Liberty House de Sanjeev
Gupta, du fonds britannique Grey-
bull (ex-maison mère de British
Steel), du numéro un mondial du
secteur ArcelorMittal, et de l’alle-
mand Saarstahl. « Un industriel
serait bienvenu » , souligne Patrick

Le ministre
de l’Economie,
Bruno Le Maire,
a affirmé avoir déjà
reçu « quatre offres
de reprise d’Hayange,
dont trois qui sont
très sérieuses ».

viseurs et les ordinateurs porta-
bles. Et d’inaugurer, de même
avec ces quatre produits, l’indice
de réparabilité dont la loi
compte doter les produits neufs
à partir de janvier 2021.
Pour décanter le concept de
« réparateurs labellisés », Eco-
system lance un annuaire en
ligne des réparateurs ayant son
« agrément » (qualifiés en élec-
tricité, ayant une assurance, etc).
Sur cette base, quatre fonction-
nements possibles du fonds de
réparation sont envisagés.
« D’abord une aide directe au
consommateur si la réparation a
été effectuée par un professionnel
figurant dans l’annuaire » , expli-
que Guillaume Duparay. L’aide
pourrait aussi prendre la forme
d’un « couponing » (le consom-
mateur disposerait d’un « bon
de réparation »), ou être une
aide au réparateur s’il remplit
certains critères. « Enfin, ce
pourrait être une aide aux gros-
sistes et stockistes pour abaisser le
coût des pièces détachées » , ajoute
l’éco-organisme. A partir de
2022, les réparateurs auront par
ailleurs l’obligation de proposer
aux clients des pièces détachées
d’occasion. Là encore, les pro-
duits et les pièces seront définis
par un décret à paraître.

Au total, Ecosystem attend
18 textes d’application de la loi
pour s’organiser, y compris sur le
fonds prévu en 2022 pour aider
au réemploi (distinct du fonds de
réparation). Si le cadre reste
nébuleux, la nécessité d’une
seconde vie ne fait pas débat.
Selon un sondage de l’éco-orga-
nisme, la durée de vie moyenne
d’un smartphone est de trois
ans, durant laquelle 26 % ont eu
besoin d’une réparation (effec-
tuée dans 62 % des cas). Par
contraste un lave-linge dure huit
ans, durant lesquels 27 % ont eu
besoin d’être réparés (70 % l’ont
été) et on ne s’en sépare que
quand il ne fonctionne plus
(66 %) ou moins bien (20 %).n

Myriam Chauvot
[email protected]


Mieux vaut réparer que jeter,
mais cela peut coûter cher, sur-
tout lorsqu’il s’agit d’équipe-
ments comme les smartphones,
vite obsolètes. A partir de jan-
vier 2021, les consommateurs
bénéficieront d’une aide finan-
cière, grâce au fonds de répara-
tion instauré par la loi économie
circulaire votée il y a un mois, si
le réparateur est labellisé.
L’argent viendra des éco-orga-
nismes, qui financeront ce fonds
grâce aux éco-contributions
qu’ils reçoivent des acteurs
industriels et commerciaux
mettant les produits neufs sur le
marché. Un des premiers
concernés devrait être l’éco-or-
ganisme Ecosystem, qui prend
en charge environ 80 % des
déchets d’équipements électri-
ques et électroniques (DEEE) en
France (le solde allant à Ecolo-
gic). Reste à préciser cette nou-
velle aide à la réparation.


Quatre aides possibles
Quels produits en bénéficieront,
comment fonctionnera l’aide et
quelle sera son importance? La
loi ne le dit pas, renvoyant à un
décret attendu en juillet. « La
balle est dans le camp des pou-
voirs publics
, note Guillaume
Duparay, directeur des relations
institutionnelles d’Ecosystem.
Selon les débats parlementaires,
les filières concernées seraient a
priori celle des DEEE et, possible-
ment, celles d es jouets et du textile.
Nous donnerons la semaine pro-
chaine à l’administration notre
analyse du sujet pour les DEEE. »

Pour roder le dispositif, Eco-
system propose de lancer en
2021 ce fonds de réparation sous
la forme d’un « pilote » qui ne
couvrirait que quatre produits
de sa filière DEEE : les machines
à laver, les smartphones, les télé-


CONSOMMATION


La loi économie
circulaire prévoit
un fonds qui aidera
financièrement les
usagers pour la
réparation de divers
produits.


C’est un des axes
d’action en vue
pour l’éco-orga-
nisme Ecosystem.


Prod uits électriques


et électroniques : un


fonds de réparation


pour 20 21


Exxon veut forer de plus belle malgré


le réchauffement climatique


ÉNERGIE ExxonMobil va continuer à investir massivement
dans l’exploration de gisements d’hydrocarbures et le forage de
puits pétroliers, au moment où se multiplient les politiques de
lutte contre le réchauffement climatique. Le géant pétrolier
prévoit d’investir jusqu’à 3 3 milliards d e dollars en 2020, soit 6 %
de plus qu’en 2019, ce qui tranche avec la stabilité ou le retrait
des autres majors pétrolières.


à suivre


Classement de Saint-Emilion : décision


sur l’ouverture d’un procès le 28 mai


VIN La Cour d’appel de Bordeaux se prononcera le 28 mai sur
l’ouverture ou non d’un procès devant le tribunal correctionnel
sur l’affaire concernant le classement des grands crus de Saint-
Emilion de 2012. E lle dira si deux f igures du Bordelais doivent être
jugées pour y avoir pris une part active alors que leurs domaines
étaient candidats. Le Château Angélus avait progressé dans le
classement et le Château Trottevieille s’était maintenu. Les pro-
priétaires avaient balayé les accusations de conflit d’intérêt.


Les éco-organismes
financeront
ce fonds grâce aux
éco-contributions
reçues des acteurs
industriels
et commerciaux
qui mettent
les produits neufs
sur le marché.
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