Les Echos - 06.03.2020

(sharon) #1

24 // HIGH-TECH & MEDIAS Vendredi 6 et samedi 7 mars 2020 Les Echos


leader sur ces systèmes cruciaux
pour les simulations numériques
des systèmes de défense et les
découvertes scientifiques, mais
aussi pour « la capacité d’innovation
des industries nationales », note Chi-
rag Dekate, directeur de la recher-
che chez Gartner.

La Chine a perdu
sa couronne en 2018
« Le calcul haute performance est
présent partout, de la fabrication des
avions à celles des détergents, en pas-
sant par les services financiers et la
prospection de gisements pétroliers »,
poursuit l’analyste. La compétition,
qui a lieu en parallèle de celle dans
l’informatique quantique, plus
expérimentale pour le moment,
dure depuis plus d’une décennie.
En 2016, la Chine a reconquis la
couronne, jusque-là américaine, du
supercalculateur le plus puissant du
monde... avant de céder à nouveau
sa place deux ans plus tard, quand
les Etats-Unis ont mis Summit en
marche. Les troisième et quatrième
machines avec le plus de petaflops
sont cependant chinoises et 45 % des
500 machines les plus performantes
sont s ituées dans le pays, contre 2 3 %
aux Etats-Unis, selon les dernières
données de l’organisation TOP500
publiées en novembre. Plusieurs
analystes affichent cependant leur
méfiance face à ces chiffres : « De

supercalculateur le plus puissant
du Vieux Continent est installé en...
Suisse. En Allemagne et en France,
deux machines se placent respecti-
vement au 9e et au 11e rang, mais il
s’agit, pour l’un, d’un supercalcula-
teur Lenovo (chinois), et, pour
l’autre, d’une architecture IBM
(américaine). La machine Atos du
Commissariat à l’énergie atomique
(CEA) se hisse à la 17e place et repré-
sente la meilleure performance
européenne du classement.

L’ Europ e à la traîne
« L’Europe est à la traîne car nous
n’avions pas la même classe de bud-
get », pointe Philippe Notton, le PDG
de Sipearl, une start-up en passe de
développer le microprocesseur
d’un futur ordinateur exaflopique
européen. En 2015, la Commission
européenne a débloqué 1 milliard
d’euros pour atteindre ce graal à tra-
vers l’initiative EuroHPC. Mais
avant de penser au milliard de mil-
liards d’opérations à la seconde, elle
veut déjà atteindre, d’ici à la fin de
l’année, la centaine de millions
d’opérations à la seconde.
Trois appels d’offres pour le déve-
loppement de ces machines pré-
exaflopiques sont en cours. Une
enveloppe de 415 millions d’euros
au total. Atos espère l’emporter face
à IBM et Cray. Le cap de l’exaflopi-
que est espéré pour 2023.n

quinze ans, que HPE peut
aujourd’hui s’affirmer comme le
seul acteur américain fabriquant
des systèmes exaflopiques (réalisant
plus d’un milliard de milliards d’opé-
rations par seconde).

Cœur de métier
en difficulté
Cray, rachetée pour 1,4 milliard de
dollars par HPE il y a six mois, a été
fondée en 1972 et a rapidement
acquis un statut « équivalent à Apple
dans les smartphones », raconte
Dekate Chirag. « Quand vous pensez
à une société à la pointe de l’innova-
tion dans les supercalculateurs, c’est
celle qui vous vient immédiatement en
tête » , explique l’analyste de Gartner.
Avec ce rachat, HPE fait grossir sa
division dédiée au calcul haute per-
formance, alors que son cœur de
métier, les serveurs et le matériel
réseau, souffre de la conversion de
ses clients au cloud.
« Le calcul haute performance
représente 12 % des revenus d’HPE
aujourd’hui. Le but est de doubler la
taille de l’activité dans les prochaines
années » , indique Peter Ungaro. Le
pionnier de la Silicon Valley avait

déjà racheté Silicon Graphics Inter-
national en 2016 pour se renforcer
dans ce domaine. Mais avec les
supercalculateurs de Cray, HPE a
désormais 71 machines parmi les
500 systèmes les plus performants
au monde, selon le dernier classe-
ment établi par l’organisation
TOP500 en novembre. Soit autant
que le numéro 2, le chinois Sugon,
derrière son compatriote Lenovo.
Surtout, Cray permet à HPE de
prendre l’avantage sur ses rivaux
IBM et Dell pour remporter les
juteux contrats gouvernementaux
aux Etats-Unis. Jusqu’ici, les deux
plus gros supercalculateurs achetés
par des laboratoires fédéraux, le
Summit et le Sierra, avaient été fabri-
qués par Big Blue. Mais les trois nou-
veaux appels d’offres du départe-
ment de l’énergie pour créer des
machines exaflopiques ont tous été
remportés par Cray.

Simulation d’explosion
de bombes
La puissance d’El Capitan, qui
repose notamment sur les cartes
graphiques d’AMD, permettra, par
exemple, au Lawrence Livermore

National Laboratory de faire des
simulations en 3D d’explosion de
bombes « quotidiennement au lieu
de tous les mois », explique Bill
Goldstein, son directeur. Permettant
aux Etats-Unis de continuer à éviter
les tests nucléaires dans le monde
réel et de s’assurer de la sécurité d’un
arsenal vieillissant.
L’effort, auquel le ministère de
l’Energie a consacré 600 millions de
dollars, doit ensuite r uisseler vers les
entreprises. « En co-investissant à
hauteur de 40 % ou plus, les entrepri-
ses peuvent conserver la propriété
intellectuelle de la technologie et la
licencier à qui elles le souhaitent »,
indique Terri Quinn, la directrice
associée en charge du calcul haute
performance du Lawrence Liver-
more National Laboratory.
La société compte installer des
versions miniatures dans les centres
de données de son partenaire Micro-
soft dès 2023. « Les challenges du
laboratoire de Livermore sont aussi
rencontrés par les entreprises, qui
font face à l’explosion des données et la
nécessité de faire des analyses en
temps réel » , souligne Antonio Neri,
le PDG d’HPE. — A. M.

ViacomCBS étudie la cession


de l’éditeur Simon & Schuster


ÉDITION Selon la presse anglo-saxonne, ViacomCBS est prêt à
se séparer de S imon & Schuster, qui publie n otamment Stephen
King et Judy Blum. Estimant qu’il ne s’agit pas d’un « actif clé »,
le groupe en voudrait 1,2 milliard de dollars afin de dégager du
cash supplémentaire pour ses activités de vidéos en streaming.


en pixels


importante en Chine des passa-
gers dans les aéroports et métros
où nous opérons, a-t-il pour-
suivi. Toutefois seuls 17 % de nos
achats proviennent de Chine [...].
Par ailleurs, si l’on ne constate pas
de ruptures de charge dans l’élec-
tronique, asiatique pour l’essen-
tiel, on relève des retards. » Mais
il ne baisse pas les bras : « Des
opportunités peuvent apparaître
en Chine, qui n’étaient même pas
envisageables il y a encore un
mois et demi. Nous resterons
“manœuvrants” et n’hésiterons
pas à les saisir. »
Les marchés sont plus dubi-
tatifs : « En dépit d’une marge
décente, tous les regards seront
tournés vers les prévisions qui
sont faibles et devraient provo-
quer une baisse de 10 à 15 % des
attentes sur le bénéfice p ar a ction
en 2020 » , relèvent les analystes
de JP Morgan dans une note.
« Il est clair que JCDecaux est
trop exposé en raison de sa forte
présence en Asie et de son exposi-
tion au secteur du luxe et des
voyages. »

« JCDecaux est une
entreprise digitale »
Situation paradoxale, puisque
l’année 2019 demeurera celle où
l’afficheur aura réalisé des résul-
tats r ecord – les meilleurs depuis
sa cotation – avec un chiffre
d’affaires ayant progressé de
7,5 %, à 3,89 milliards d’euros,
avec une croissance organique
de 2 %. La marge opérationnelle
s’est établie à 792,2 millions
d’euros, en hausse de 13,2 %, soit
un taux de marge de 20,4 %
contre 19,3 % un an plus tôt.
Dans la foulée, JCDecaux a
révélé un résultat net d’exploita-
tion avant charges de déprécia-
tion d e 385,2 millions d ’euros, en
hausse de 11,7 %, et un résultat
net part du groupe de 265,5 mil-
lions d’euros, en progression
de 34,6 %.
« Notre transformation digi-
tale c ontinue de tirer la croissance
avec un chiffre d’affaires digital en
hausse de 33 % comparé à 2018,
qui représente désormais 25,2 %
de notre chiffre d’affaires », indi-
que le groupe dans un commu-
niqué. De quoi amener Jean-
Charles Decaux à conclure :
« JCDecaux est désormais une
entreprise digitale : 100 % de nos
appels d’offres sont à composante
numérique. »

(


Lire « Crible »
Page 40

Vé ronique Richebois
@VRichebois


JCDecaux paie très cher sa forte
exposition en Asie-Pacifique,
qui pèse 30 % de son activité, et,
en particulier, le fait que la
Chine, son premier marché en
termes de chiffre d’affaires (15 %
du total), soit aussi le pays le plus
sévèrement touché par l’épidé-
mie de coronavirus. La crise à
Hong Kong avait déjà impacté
négativement les chiffres du
second semestre 2019, entraî-
nant une baisse de 11 % de la
croissance organique du chiffre
d’affaires dans la région. « Nous
avons eu le meilleur premier
semestre en Chine en 2019 que
nous n’avions jamais connu et le
pire second semestre jamais
subi »
, a ironisé Jean-Charles
Decaux, codirecteur général du
groupe JCDecaux SA.
Jeudi matin, l’annonce, lors
de la révélation des résultats
annuels de JCDecaux, d’une
baisse prévisible de 10 % de son
chiffre d’affaires au premier tri-
mestre 2020 a entraîné une
chute de 5,08 %, à 19,42 euros du
titre, dans les premiers échan-
ges boursiers. Avant que l’action
ne regagne du terrain, clôturant
en Bourse à 20,38 euros, en
baisse de 0,39 %.
Dans la foulée de son
annonce, Jean-Charles Decaux
avait indiqué que, « compte tenu
de l’ampleur de la perturbation
liée à Covid-19, n otre marge o péra-
tionnelle groupe devrait être
négativement impactée en
2020 »
, sans d onner de précision
chiffrée. « En Asie-Pacifique,
notre activité est impactée depuis
début février, avec une baisse très


COMMUNICATION


Après une année
2019 record, l’épidé-
mie de coronavirus
menace les perfor-
mances du groupe,
la Chine figurant
comme son premier
marché.


JCDecaux avertit


d’une chute


de 10 % de son


chiffre d’affaires


3,89

MILLIARDS D’EUROS
Le chiffre d’affaires
de JCDecaux en 2019.


nombreux systèmes chinois ont une
efficacité de 35 % ou 50 % par rapport
à la performance affichée », affirme
Bob Sorensen, vice-président du
cabinet Hyperion R esearch. Les pro-
grès de la Chine inquiètent cepen-
dant suffisamment les Américains
pour que le département du Com-
merce ait décidé en mai de bloquer
l’accès de plusieurs fabricants de
supercalculateurs chinois aux
puces et cartes graphiques fabri-
quées par les géants américains
Intel, Nvidia et AMD. Mais la mesure
« a eu l’effet inverse à celui désiré,
poussant la Chine à redoubler ses
efforts pour construire des équiva-
lents », déplore Terri Quinn, la direc-
trice associée pour le calcul haute
performance du Lawrence Liver-
more National Laboratory.
Face à cette bataille entre les deux
premières puissances mondiales,
l’Union européenne se contente
pour l’instant des places d’hon-
neurs au classement du TOP500. Le

200

MILLIONS DE MILLIARDS
Le nombre d’opérations qu’est
aujourd’hui capable de faire le
Summit, la machine la plus
puissante du monde.

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LES ECHOS
FORMATION

INFORMATIQUE


Anaïs Moutot
et Florian Dèbes

Deux milliards de milliards d’opéra-
tions par seconde. C’e st le record
que prévoit d’atteindre El Capitan,
un nouveau supercalculateur fabri-
qué par Hewlett Packard Enterprise
(HPE) pour les trois laboratoires
fédéraux chargés de la sécurité
nucléaire aux Etats-Unis. Le sys-
tème, installé au Lawrence Liver-
more National Laboratory, dans la
baie de San Francisco, deviendra
opérationnel en 2023.
Actuellement, la machine la plus
puissante du monde, le Summit,
installée au Oak Ridge National
Laboratory, est capable de réaliser
200 millions de milliards d’opéra-
tions par seconde. El Capitan consa-
cre le passage de l’ère du « peta »
(1 million de milliards d’opérations)
à celle de l’« exa » (1 milliard de mil-
liards). Deux autres machines de 1 et
1,5 exaflops ont également été com-
mandées par le ministère de l’Ener-
gie américain à HPE, qui les livrera
en 2021. Avec ce nouvel arsenal, les
Etats-Unis veulent garder leur
avance sur la Chine, qui a annoncé
un système exaflopique pour 2020.
Les deux pays s ont engagés
dans une course pour la place de

lEn 2023, les trois laboratoires chargés de la sécurité nucléaire


aux Etats-Unis auront accès au supercalculateur le plus puissant jamais créé.


lIl pourra réaliser 2 milliards de milliards d’opérations par seconde.


Bras de fer sino-américain


autour des supercalculateurs


« El Capitan est dix fois plus rapide
que le supercalculateur le plus rapide
actuellement et plus puissant que la
totalité des deux cents plus g ros super-
calculateurs combinés dans le monde.
Il permet de faire en une seconde ce qui
prendrait huit ans à tous les cerveaux
de la planète au rythme d’un calcul
chaque seconde de leur vie. »
Peter Ungaro n’a pas lésiné sur les
superlatifs lors d’un événement
organisé mercredi par Hewlett-Pac-
kard Enterprise (HPE) pour présen-
ter El Capitan, le nouveau supercal-
culateur qu’il construit pour les trois
laboratoires fédéraux en charge de
la sécurité nucléaire aux Etats-Unis.
Le nouveau directeur de la divi-
sion dédiée au calcul à haute perfor-
mance d’HPE était la star de la
conférence de presse organisée à
San José, au cœur de la Silicon Val-
ley. Car c’est grâce à sa fusion avec
Cray, la société qu’il dirigeait depuis

Hewl ett-Packard Enterprise met le turbo


Alors que l’activité
de serveurs et de matériel
réseau de HPE souffre,
le géant californien
développe sa division
dédiée au calcul intensif.

El Capitan est le nom du nouveau supercalculateur installé au Lawrence Livermore National Laboratory, dans la baie de San Francisco.

Hewlett Packard Enterprise
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