Les Echos - 10.03.2020

(Rick Simeone) #1
Guillaume Bregeras
@gbregeras

Le suspense n’aura pas duré
bien longtemps. Dès l’introduc-
tion de la conférence de presse
organisée ce matin à Paris dans
les locaux de l’Unesco, Maurice
Lévy a confirmé que la cin-
quième édition de VivaTech
aurait bien lieu du 11 au 13 juin
prochain, comme prévu. Cet
engagement intervient dans un
climat d’angoisse pour les évé-
nements de dimension mon-
diale, dont la liste des annula-
tions ne fait que s’allonger.
PredictHQ vient d’ailleurs d’esti-
mer à 1 milliard de dollars le coût
économique de ces reports ou
annulations à travers le monde.
En France, l’optimisme est de
mise : les organisateurs (dont le
Groupe Les Echos-Le Parisien)
ont déroulé le programme,
dont l’un des points d’orgue
devrait être la conférence
d’Evan Spiegel, le PDG de Snap-
chat, qui a obtenu la nationalité
française en décembre dernier.
D’autres personnalités de la
tech mondiale ont également
été annoncées, comme Mit-
chell Baker, PDG de Mozilla,
Ginni Rometty, PDG d’IBM, ou
Young Sohn, directeur de la
stratégie Samsung. D’autres
noms devraient enrichir le
tableau de chasse de VivaTech
dans les semaines à venir, mais
leur participation reste suspen-
due à l’évolution de la crise du
Covid-19.
Parmi les autres annonces,
VivaTech a mis l’accent sur sa

Florian Dèbes
_@FLDebes


Certaines « Deep tech » sont plus
pressées que d’autres. Contraire-
ment à leurs pairs au sein des autres
start-up ancrées dans le monde de la
recherche, les trois cofondateurs de
CryptoNext Security se projettent
sur un marché qui existe déjà bien!
Ils feront partie des rares à pouvoir


SALONS


Les organisateurs
du principal événe-
ment tech européen
se montrent con-
fiants sur la bonne
tenue du Salon du
11 au 13 juin à Paris.

Ils annoncent
notamment la venue
du PDG de Snap-
chat, Evan Spiegel,
et un focus sur
l’innovation
au service
de l’humanité.

Le patron de


Snapchat sera à


VivaTech, maintenu


en juin prochain


quent la téléconsultation avec Livi
sont salariés par l’entreprise. En
France, elle en compte aujourd’hui
120 médecins, et indique avoir per-
mis 65.000 téléconsultations depuis
le lancement du service d ans l’Hexa-
gone en septembre 2018. Seulement
50 % de ces dernières ont donné lieu
à un remboursement, les autres
n’entrant pas dans le cadre juridique
qui le permet.
Une situation qui évoluera une
fois que le décret sera entré en appli-
cation, notamment si ce dernier per-
met de consulter des médecins en
dehors de sa région de résidence.
« La différence pour nous n’est pas
énorme, c’est pour les patients que ça
change, il y aura plus de gens qui
auront accès à la télémédecine » ,
estime Jonathan Ardouin, directeur
général France de Livi. Et Maxime
Couterman de se réjouir d’un poten-
tiel changement d’approche de ce
mode de consultation en France :
« Les bons éléments ressortent du
débat, les autorités comprennent au
détour de cette crise l’intérêt de profi-
ter de la souplesse d’acteurs natio-
naux comme nous » , estime-t-il.
Chez Medadom, qui salarie éga-
lement ses médecins, les équipes

sont mobilisées pour faire face à
une croissance des demandes « qui
atteint 100 % depuis hier » , indique
son fondateur Nathaniel
Bern. « Nous avons mobilisé tous les
médecins pour qu’ils dédient plus de
plages horaires à la téléconsultation,
illustre-t-il. Ils sont mobilisés pour
faire face à une pression croissante,
dans un contexte où les gens font
appel à la téléconsultation pour des
choses plus graves que d’habitude. »
La start-up Qare, qui revendique
80.000 téléconsultations en 2019, a
choisi comme Doctolib de mettre s a
solution à disposition des médecins
gratuitement le temps de la crise
sanitaire. La jeune pousse, chez
qui « une grande majorité des télé-
consultations ne sont pas rembour-
sées » , selon son PDG Olivier
Thierry, devrait profiter des mesu-
res à venir. Mais pas q uestion d e s’en
réjouir. « Nous profitions déjà d’une
croissance très accélérée, cette crise
nous oblige à mettre les bouchées
doubles à court terme pour être en
mesure d’y apporter une réponse,
mais nous n’avions pas besoin de
cette épidémie, et le plus tôt elle sera
résolue, le mieux » , tranche le direc-
teur de l’entreprise.n

lLes start-up doivent juguler une très forte hausse des demandes


de vidéo-consultations dans le contexte de croissance du coronavirus.


lUn décret du ministère de la santé doit assouplir le recours des patients


à cette méthode très encadrée.


La télémédecine poussée


en avant par le Covid-19


Doctolib va installer son outil chez les praticiens, les former et leur proposer le service sans
les facturer pendant les mois de mars et d’avril. Photo Eric Piermont/AFP

Guillaume Bregeras
@gbregeras
et
Déborah Loye
@Loydeborah


En l angage « start-up », cela ressem-
ble à une phase d’hypercroissance.
Depuis le début de la propagation
du virus Covid-19 en France, les jeu-
nes pousses de téléconsultation
voient les demandes des patients
exploser, avec un pic inédit la
semaine dernière alors que les
autorités préparent les Français au
passage en stade 3 reflétant la libre
circulation du virus sur l’ensemble
du territoire. Chez Doctolib, la
croissance s’est élevée à 40 %, tandis
que Medadom et Livi affichent



  • 50 %. Le compteur risque encore
    de chauffer avec la mise en place,
    par un décret dont la publication est
    prévue ce lundi 9 mars, de l’assou-
    plissement des r ègles d ’accès à cette
    pratique à peine libérée depuis un
    an. Le remboursement de la con-
    sultation par vidéo ne serait alors
    plus soumis à une visite physique
    chez le praticien dans les douze
    mois précédents l’avis médical
    effectué via une caméra.
    Pour répondre à cette accéléra-
    tion, chacune a choisi d’apporter
    une réponse précise. Du côté de
    Doctolib, c’est d’abord un « engage-
    ment philanthropique »,
    selon les
    mots de son PDG, Stanislas Niox-
    Château. Ce dernier a choisi d’ins-
    taller l’outil chez les praticiens, de
    les former et de leur proposer le ser-
    vice sans les facturer pendant les
    mois de mars et avril. Ce choix coû-
    tera entre 500.000 et un million
    d’euros, mais permet à la jeune
    licorne la mise à disposition de
    3.500 médecins en vidéo-consulta-
    tion sur son site, soit un peu moins
    de 10 % des professionnels utilisant
    son service de prise de rendez-vous.
    « Ce déploiement mobilise une cen-
    taine de personnes chez nous, expli-
    que le PDG de Doctolib. C’est une
    décision dure sur le plan économi-
    que, mais qui est importante à la vue
    de la crise sanitaire que nous traver-
    sons. »

    Cette décision entame aussi les
    autres projets sur lesquels la


SANTÉ


sécurité post-quantique dans les
logiciels. C’est un impératif pour
garder à jour sa technologie.
Du côté de ses concurrents, le bri-
tannique PQ et le canadien Izara ont
déjà levé l’équivalent de 10 millions
de dollars chacun. CryptoNext Secu-
rity vient de finaliser une levée de
pré-amorçage auprès du fonds
QuantoNation de l’homme d’affai-
res Charles Beigbeder. La start-up
garde le montant secret mais une
autre levée de fonds est d’ores est
déjà prévu pour cette année.

4
À NOTER
Pour cause de coronavirus,
la moitié des événements
prévus durant la Deep Tech
Week n’auront pas lieu. Hello
Tomorrow, son point d’orgue,
a été décalé aux 21, 22
et 23 octobre prochain.

certaines données n’auront pas
besoin d’être encore secrètes dans dix,
quinze ou trente ans », pointe
Gérome Billois, consultant pour
Wavestone.
Incubée par Thales à Station F,
CryptoNext Security implémente
déjà dans les l ogiciels et les a ppareils
de sécurité du groupe français son
savoir-faire développé sous la hou-
lette de Jean-Charles Faugère, direc-
teur de recherche à l’Inria. La
start-up a vu le jour en juin 2019
après que le mathématicien a
obtenu l’aval d’un comité de déonto-
logie pour une mise à disposition
l’éloignant de la recherche publique
en vue de poursuivre une activité
entrepreneuriale. Un Graal qui lui
avait été refusé l’an passé.
En parallèle de son activité com-
merciale, la jeune pousse continue
toutefois de participer aux travaux
de recherche académique sur
l’implémentation des standards de

dans l’attente de savoir les déchif-
frer. D’où l’intérêt de se protéger à
l’épreuve du quantique dès
aujourd’hui.
Eprouvée depuis les années 1990
et très répandue, la cryptographie
asymétrique protège aujourd’hui
l’ensemble du trafic Internet via les
sites en « https », les signatures élec-
troniques et les données sensibles
des entreprises, notamment dans la
finance. Aucun hacker n’a encore
réussi à casser le système. Mais les
ordinateurs quantiques de demain
pourraient y parvenir en quelques
minutes.
« C’est un bouleversement pour la
sécurité informatique dont va décou-
ler la naissance d’un marché du chif-
frement résistant au quantique à plu-
sieurs milliards de dollars dans le
monde », poursuit Frédéric de Port-
zamparc, le directeur des opéra-
tions. « Les clients commencent à
s’informer. Le sujet sera majeur mais

mes en face d’une opportunité qui ne
se reproduira pas », poursuit-il.
Les machines quantiques n’exis-
tent pas encore. Mais les récentes
avancées de Google et IBM rendent
le danger de plus en plus réel. Et cer-
tains s’y préparent. Des agences
gouvernementales sont suspectées
de stocker en grande quantité des
données confidentielles chiffrées...

présenter leur produit lors de la
Deep Tech Week organisée cette
semaine par bpifrance, le BCG et
Hello Tomorrow. Il a déjà été testé
par l’armée en vue de garder secrè-
tes ses communications sur les ter-
rains hostiles.
Pourtant, leur technologie de
chiffrement des données résistante
à la puissante informatique quanti-
que ne subira pas le feu des cyberat-
taques avant plusieurs années. « A
un horizon encore indéfini, le quanti-
que fera tomber le système de chiffre-
ment le plus utilisé aujourd’hui »,
explique Ludovic Perret, le PDG de
la jeune pousse aux six salariés.
Son logiciel, qui a vocation à être
implémenté dans les offres des
grands acteurs de la sécurité infor-
matique, promet de résister quand
le chiffrement traditionnel sera
devenu obsolète. « Et puisqu’il
faut, dès maintenant, protéger les
données de cette menace, nous som-

DONNÉES


Cofondée par des
chercheurs de l’Inria,
cette start-up travaille
sur une technologie
de chiffrement des
données résistante
à la puissante informa-
tique quantique
de demain.


CryptoNext Security, déjà en prise avec la cybersécurité du futur


Des agences
gouvernementales
sont suspectées
de stocker en grande
quantité des données
confidentielles
chiffrées... dans
l’attente de savoir
les déchiffrer.

volonté de s’imposer comme
un acteur de l’« innovation pour
le bien de l’humanité », selon les
termes de Maurice Lévy. Un
credo repris par Julie Ranty,
directrice générale du Salon,
qui a détaillé le dispositif prévu :
un challenge spécifique monté
avec l’Unesco pour identifier les
pépites répondant aux enjeux
environnementaux, sociétaux,
et de préservation du patri-
moine de l’humanité. Plusieurs
prix ou soutiens (XTC, Famae,
Twitter...) viennent étoffer ce
dispositif dans un environne-
ment où « la t ech devrait ê tre res-
ponsable de 8 % des émissions de
gaz à effet de s erre en 2025 » , rap-
pelle la directrice générale. Des
innovations produits seront
également présentées, à
l’image de l’œuf végan produit
par Les Merveillœufs ou du
procédé de recyclage des eaux
imaginé par Hydraloop.

En dehors de ce contexte,
d’autres sujets seront mis en
lumière comme la mobilité
urbaine, la d eeptech, ou la diver-
sité. Au total, les organisateurs
attendent 13.000 start-up visi-
teuses, et 1.800 seront hébergées
sur les stands des partenaires.
Difficile d’é valuer avec certitude
le taux d e présence d e ces j eunes
pousses, et si la barre des
124.000 visiteurs enregistrés en
2019 sera franchie, mais les
organisateurs assurent avoir un
plan B si les mesures de précau-
tion prises par le gouvernement
devaient se prolonger au mois
de juin. « Quoi qu’il arrive, il y
aura une édition en 2020, assu-
rent-ils. Et, avec le maintien d’évé-
nements de taille comme le som-
met Afrique-France à Bordeaux
une semaine avant VivaTech,
nous sommes confiants. »

4
À NOTER
VivaTech organise
la 2e édition du prix
« scale-up », avec cinq des
plus gros fonds européens :
Accel, Balderton, Idinvest,
Northzone et Partech.

Les organisateurs
attendent
13.000 start-up.

start-up travaillait, mais pourrait
aussi jouer également en sa faveur.
Ce processus accélère la couverture
du territoire e n téléconsultation et le
nombre de médecins abonnés à son
service facturé 79 euros par mois :
180.000 actes ont été réalisés avec
cette technologie sur Doctolib
depuis sa mise en place en jan-
vier 2019. Face à cette même crois-

sance, les concurrents de Doctolib
s’organisent aussi : « Il y a les cas
recouvrant la symptomatologie du
Coronavirus, mais aussi les patients
souffrant d’autres choses et ne sou-
haitant pas se déplacer chez un méde-
cin » , indique Maxime Couterman,
directeur médical chez Livi (filiale
française du suédois Kry). Contrai-
rement à Doctolib, ceux qui prati-

Depuis le début de la
propagation du virus
Covid-19 en France,
la croissance a atteint
à 40 % chez Doctolib,
tandis que Medadom
et Livi affichent + 50 %.

START-UP


Mardi 10 mars 2020 Les Echos

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