RACONTER L’ACTUALITÉ, C’EST FAIRE SE RENCONTRER SUR LE PAPIER DES
GENS, des époques, des histoires et des thèmes qui n’ont pas toujours grand-chose en
commun. C’est aussi jouer sur plusieurs registres : du plus grave au plus léger, en par-
tant du principe que tout raconte quelque chose. Parfois, les articles ouvrent plusieurs
voies, comme s’ils étaient parcourus par divers courants. C’est le cas de l’enquête que
Claire Bastier, journaliste installée en Israël, consacre au boom du yoga dans les terri-
toires palestiniens. Ils n’échappent pas à l’engouement mondial que suscite cette pra-
tique venue d’Inde. La complexité de la situation à Ramallah, Naplouse, Bethléem ou
dans les villages plus isolés constitue une toile de fond omniprésente, et le yoga fait
naturellement office de moment d’apaisement dans un quotidien anxiogène, étouf-
fant. Mais il entre aussi en lutte avec la religion, centrale, quelles que soient les com-
munautés. Ici, on médite sur fond de musique soufie, là on ne chante pas les « om ».
Et il n’est plus possible de pratiquer avec des professeurs israéliens... Car rien, même
cette miraculeuse respiration profonde chère à la discipline, n’efface la guerre, la vio-
lence, la rancœur, l’incompréhension, la frustration.
Certains de ces sentiments sont également à l’œuvre, très loin pourtant de la Terre
sainte, chez les personnes que la journaliste politique Lucie Soullier a rencontrées
pendant son road-trip le long de l’autoroute A9, où le Front national (le RN désor-
mais) s’est implanté profondément. Sur ces terres occitanes, de Perpignan à
Carpentras en passant par Lunel – « l’arc de crise », selon le politologue Jérôme
Fourquet –, certaines mairies ont basculé et les discussions roulent inlassablement
sur « Marine ». L’enjeu étant de savoir si on est plus ou moins proche d’elle. Ce qui se
dit, sans tours et détours, c’est le désespoir, au sens d’une absence d’espoir. Avec son
corollaire, la haine de l’autre.
Marie-Pierre LANNELONGUE
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