de la mort, et enterré bien des années après avec
le drapeau de la croix de Lorraine confectionné par lui
et ses camarades d’enfer. « Replié dans son cercueil,
comme il avait demandé. Pour le reste, il n’avait jamais
voulu en parler... » Alors elle a fini par aller chercher les
réponses elle-même, à Auschwitz. A tout filmé, malgré
les remontrances d’un agent de sécurité. Jeanine voulait
montrer à ses frères et sœurs où leur père avait été
déporté. « Montrer que ça avait existé. Les fours créma-
toires, les chambres à gaz avec les traces d’ongles sur les
murs. » Jeanine, la grand-mère, balaye soudainement
une larme et se prend à raconter ce trajet en tramway à
Montpellier – « C’est Chicago maintenant ! » – au cours
duquel un homme a bien failli oser une main aux fesses
de sa petite-fille de 27 ans. « Je voudrais qu’elle puisse
vivre en toute tranquillité. » Pour Noël, « devinez donc »
le cadeau que son fils lui a offert : les Mémoires de Jean-
Marie Le Pen. Elle les lira, « pour voir », même si elle
n’aurait « jamais, jamais » voté pour lui. Lui, le fondateur
du parti désormais présidé par Marine Le Pen. Lui,
l’homme du « détail ».
Le soir même, on aperçoit sa chevelure orangée au
cœur du meeting organisé par le candidat soutenu par
le Rassemblement national à Sète, Sébastien Pacull.
« Faut bien écouter tout le monde, on ne sait jamais. »
D’autant que, pour l’occasion, cet ancien président du
parti Les Républicains dans l’Hérault, désormais adoubé
par Marine Le Pen, a invité son nouveau parrain local :
Robert Ménard, encore lui, devenu évangéliste de
l’union des droites. Parmi les militants sétois, Léon
Scotto sort de son portefeuille un objet devenu rare :
une carte LR à jour de cotisation. « Là-haut [com-
prendre au siège à Paris], il faut qu’ils mettent un peu
d’eau dans leur vin, sinon on va finir par tous la jeter à
la poubelle! » Le soutien du parti d’extrême droite à son
candidat ne le choque absolument pas. « S’il était sou-
tenu par Macron, là, il n’aurait pas ma voix! »
LUNEL
« Regardez, j’ai eu Mahomet! » René Caizergues a eu la
fève. Le retraité est venu du Gard pour partager la
galette héraultaise organisée par Julia Plane, la tête de
liste RN à Lunel. Lui n’a pas renouvelé son adhésion au
« parti de Le Pen », mais il en conserve les idées. « La
Marine, je la sens pas. » La victoire, il a arrêté d’y croire
après la dernière présidentielle. Ou plutôt, après le
débat de l’entre-deux tours. « Le fiasco. J’ai compris
qu’on n’allait jamais gagner avec elle. » Ce qui ne l’empê-
chera pas de la choisir une nouvelle fois : « Pas le choix!
Et en même temps, organiser une primaire, vu le foutoir
que ça a été chez les autres la dernière fois... »
En arrière-plan, Julia Plane pose avec Thierry Mariani.
L’ancien ministre sarkozyste vient de prononcer un dis-
cours dans la droite ligne de son récent ralliement au
RN : « Quand on se balade dans tes rues, on voit que ça
a un peu changé, que ce n’est plus vraiment occitan. »
Yvon acquiesce bruyamment pendant la distribution de
galette : « Ça fait des années que je dis à Julia Plane de
continuer à occuper le terrain. Qu’un jour, ça finira par
marcher. Les immigrés, eux, ils ont occupé le terrain et
maintenant ils nous la mettent dans le baba. » Des bulle-
tins d’adhésion traînent sur une table tricolore entre
deux bouteilles de cidre. Ici, la candidate est RN et elle
le revendique, de la flamme sur son logo aux photos
d’elle punaisées dans sa permanence de campagne. Ici,
aux côtés de Gilbert Collard et de Louis Aliot, là,
Ci-contre, de haut en bas,
la galette des rois, salle Vauban,
à Lunel (Hérault), le 26 janvier,
en présence de Thierry Mariani
et de Julia Plane, tête de liste RN
pour la ville.
Le quartier de la Devèze,
à Béziers (Hérault), le 29 janvier.
Un graffiti antifasciste,
le 28 janvier, à Vauvert (Gard).
Page de droite, le quartier
de la Devèze, à Béziers (Hérault),
le 29 janvier.
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LE MAGAZINE
Sandra Mehl pour Le Monde