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33Il se réveilla brusquement, Suzy dormait tranquillement à son côté.
Il était soulagé que cette discussion n’ait jamais eu lieu. Il n’avait plus
sommeil. Il alluma une discrète veilleuse et prit son journal pour écrire :Mardi 11 avril 2051Il n’y aura jamais autant de paix et d’amour que dans les yeux
d’une femme qui prend son enfant dans ses bras pour la première
fois. Tout l’univers est dans ce regard.
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Le désir d’enfant est lié, dans l’inconscient, au besoin de
transmettre son génome comme s’il s’agissait de pérenniser
un trésor irremplaçable. C’est l’orgueil de communiquer à sa
descendance son être unique qui continuera à vivre en eux après
sa propre disparition.
La manipulation de la ligne germinale a modifié cet inconscient
de manière irrémédiable. Avec l’IA, la robotisation, les réseaux
connectés, l’homme « augmenté », on est arrivé à créer des entités
qui n’ont plus grand-chose d’humain.
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La tourmente du mensonge souffle les unes après les autres les
flammèches de vérité qui scintillent encore. Lorsque la dernière
sera éteinte dans un soupir de fumée, nous serons dans les ténèbres,
sans rien pour nous guider. Nous n’aurons même pas les étoiles de
la nuit du marin.Assommé par la fatigue, il posa son stylo, éteint et se rendormi.***
Les jardins de l’Élysée étaient encore embrumés. Dans un angle de
la grande pièce aux lambris dorés, sur un guéridon de style Empire,— On pouvait le faire si tu avais voulu!
— Calme-toi! tu sais bien que ce n’est pas possible!
— Si !! On pouvait le faire!Suzy donnait libre cours à sa colère dans un flot ininterrompu de
paroles. Alain ne pouvait qu’écouter. Toute réponse à ses arguments
n’était qu’un nouveau tremplin pour d’autres reproches.— La vérité, c’est que tu ne voulais pas d’autre enfant! Nous
aurions pu avoir un enfant à nous! Avec tout ce qui nous lie, il aurait
été l’essence même de nos perceptions si profondes de la vie!— À nos âges, Suzy! De toute façon, tu n’aurais pas pu le porter!— On réalise maintenant des grossesses par autrui, tu n’as pas
voulu!Dans la pénombre, il apercevait le profil de sa compagne, couchée à
côté de lui, mais il y avait autre chose : Comme suspendu en lévitation
au niveau de Suzy, mais à côté du lit, il y avait une forme allongée. Il
crut voir un garçon d’environ quinze ans qui semblait dormir.— On lui aurait donné tout ce que nous savons du monde, des
hommes, de la terre, de l’espace!— Ça suffit! tais-toi!Surprise par la violence d’Alain, elle s’arrêta et se tourna vers
l’ombre qui disparut aussitôt.
Ils se tournaient maintenant le dos, chacun dans sa triste solitude.
Il la comprenait mais ne pouvait rien lui apporter de plus qu’une
tendre attention, elle lui donnait tout mais elle manquait tellement de
ce que, jeune femme, elle attendait de la vie.