Les Echos - 03.03.2020

(Dana P.) #1

Les Echos Mardi 3 mars 2020 ENTREPRISES// 21


Anne Drif
@ANNDRIF


Le leader mondial de la vision noc-
turne est sur le point de perdre son
pavillon français. Donné favori,
l’Américain Teledyne est entré en
négociations exclusives pour rache-
ter Photonis au fonds Ardian pour
une valeur d’un peu moins d e
500 millions d’euros, de sources
concordantes. Ce dossier, qui divise
au plus haut niveau au sein de l’Etat,
serait déjà en procédure d’examen
par la direction générale du Trésor.
C’est à Bercy que revient l’arbi-
trage ultime en faveur de la cession
au titre du contrôle des investisse-
ments étrangers, a réagi en janvier le
Premier ministre sous le feu des cri-
tiques de 17 députés de tous bords.
Les parlementaires, mais aussi un
pan du ministère des Armées, lié
aux technologies d’application mili-
taire et des services de renseigne-
ment, s’opposent au passage sous
bannière étrangère de cet actif jugé
« critique » pour les opérations de
terrain souvent nocturnes. « Après le
rachat du fabricant des appareils de
mesure des rayonnements nucléaires
Canberra et Premium Analyse, spé-
cialiste français de la détection du gaz
tritium, par l’américain Mirion, nous
sommes en passe de créer de nouvelles
dépendances technologiques vis-à-vis
d’acteurs étrangers très proches du
ministère américain de la Défense »
,
critique un proche du dossier.
Le groupe américain a réalisé
plus de 60 acquisitions ces dernières
années pour un total de 3,6 milliards
de dollars avec l’objectif de se déve-
lopper dans l’imagerie, les infrarou-
ges, les rayons X, les instruments de
contrôle pour la marine ou encore


DÉFENSE


La société d’électroni-
que californienne
Teledyne serait entrée
en négociations
exclusives
pour reprendre
Photonis.


Le dossier divise
au plus haut niveau
au sein de l’Etat.


tion de 24 satellites qui aura
nécessité un investissement de
10 milliards d’euros.
Résultat, le projet britannico-
britannique connaît désormais
« une pause ». Plus précisément,
l’étude de faisabilité lancée en
2018, et qui devait être publiée ce
mois-ci, est à l’arrêt. C’est pour-
tant elle qui devait fixer l’archi-
tecture du projet et ouvrir ainsi
la voie au début des travaux.
Le Cabinet Office, chargé de
coordonner le travail des diffé-
rents ministères, a lancé auprès
d’eux une étude pour s’interro-
ger sur la pertinence d’avoir un
système complet de géolocalisa-
tion au niveau national. Une
alternative à ce projet pharaoni-
que serait d’utiliser les systèmes
américain ou européen pour la
géolocalisation, puis de recourir
à quelques satellites britanni-
ques pour affiner et crypter les
données. Un programme certes
moins ambitieux, mais qui
aurait l’avantage d’être aussi
moins coûteux.
« Repousser le début des tra-
vaux sur le projet britannique
revient à maintenir une forme de
pression sur l’UE en continuant
de brandir la menace d’un sys-
tème concurrent, alors que les
négociations s’engagent avec les
Vingt-Sept sur la relation future
entre les deux blocs », décrypte
un industriel européen.
Londres peut encore négo-
cier un accord avec Bruxelles
pour avoir le droit d’utiliser le
volet militaire de Galileo, qui lui
est désormais fermé pour cause
de Brexit. Il pourrait aussi négo-
cier une dérogation ou un
accord avec l’UE pour que ses
industriels puissent concourir
sur les prochains appels d’offres
destinés à rajeunir la constella-
tion, et dont ils sont désormais
exclus à cause du Brexit. Mais,
sur le plan technique, les indus-
triels européens disent pouvoir
continuer sans leur aide.n

Alexandre Counis
@alexandrecounis
— Correspondant à Londres

Le gouvernement britannique
avait réagi de manière très san-
guine à l’annonce par Bruxelles
de l’expulsion du Royaume-Uni
du programme de « GPS euro-
péen », Galileo, en raison du
Brexit. Un peu trop peut-être : le
projet alternatif alors annoncé
par Londres pour concurrencer
la constellation souffre désor-
mais d’un retard à l’allumage.
Selon le « Financial Times »,
le projet qui devait permettre au
Royaume-Uni de disposer de
son propre système de géoloca-
lisation est retardé d’ « au moins
six mois ». A l’origine de ce
retard : des désaccords entre
ministres et hauts fonctionnai-
res britanniques quant à son
périmètre et à sa forme. « Le pro-
blème est que ce programme a été
lancé dans l’environnement poli-
tique du Brexit, mais il n’y a pas eu
de discussion entre parties pre-
nantes sur ce qu’était le besoin », a
expliqué au quotidien britanni-
que le dirigeant d’un groupe de
l’industrie spatiale.

Dérapage des coûts
Au tre difficulté : le coût élevé
d’un tel programme lorsqu’il est
supporté par un seul pays.
D’autant qu’il a déjà dérapé :
estimé à l’origine entre 3 et
4 milliards de livres, il est désor-
mais évalué à 5 milliards pour
concurrencer le programme
européen Galileo, une constella-

ESPACE


L’étude de faisabilité
qui devait être
publiée ce mois-ci
est désormais
à l’arrêt.

Et certains au
gouvernement
s’interrogent
sur le périmètre
qu’il faut donner
au projet, selon le
« Financial Times ».

Retard pour le


rival britannique


de Galileo


PLUS QU’UNE GARANTIE, UN ENGAGEMENT
En 10 ans d’existence, nous n’avonscesséd’approfondir notreconnaissancedes besoins de nos utilisateursetdeperfectionner notresavoir-faireetnotreexpertise de latéléphonie outdoor.
Aujourd’hui,cescompétenceset l’engagement quotidien de nos ingénieursnous permettentdeconcevoiret de produiredes smartphoneset tablettesdequalité, conçus pour durer.
C’estpourquoi, nous sommes désormais en mesuredevous proposer3ans de garantie sur l’ensemble de notrenouvelle gammeCORE.Àdécouvrir sur CROSSCALL.COM
CROSSCALLSAS. RCS Aix en Provence518 706890.Modèleprésenté :CORE-M4:DASTête :0,72W/Kg.Le DAS(débit absorption spécifique) destéléphonesmobiles quantifie le niveau d’exposition maximal de l’utilisateur aux ondes électromagnétiques, pour une utilisationàl’oreille.Laréglementation française impose que leDASnedépasse pas 2W/kg.

UN MOBILE

GARANTI 3ANS,

ÇA TOMBE

FORCÉMENT BIEN.

Le groupe Photonis va passer


sous bannière américaine


l’électronique pour la défense et le
spatial. Il cherche désormais à se
déployer hors de ses bases américai-
nes pour réduire sa dépendance aux
opérations extérieures menées par
les Etats-Unis. Un opposant du pro-
jet pointe la mise en cause de Tele-
dyne par le bras armé du Trésor
américain en matière de sanction
(Ofac) pour des exportations au Sou-

dan. A ce stade, cependant, le minis-
tre de l’Economie, Bruno Le Maire,
s’est montré plutôt ouvert. « Aucune
décision n’a encore été prise, a-t-il
déclaré sur Sud Radio mi-février.
Nous regardons toutes les options,
pour intégrer Photonis dans une
chaîne de valeur industrielle, qui per-
mette le développement de l’emploi et
la protection de cette technologie, et
nous serons très attentifs a u respect de
nos intérêts de souveraineté. »

Ancrage en France
Un partisan du projet souligne
l’ancrage de Teledyne en France au
travers de deux filiales, e2v vers Gre-
noble dans les semi-conducteurs
et Oldham Simtronics dans la détec-
tion de gaz vers Arras. « Qu’est ce qui

doit primer? La poursuite de l’appro-
visionnement technologique aux
armées françaises ou risquer de ren-
dre l’entreprise moins viable, faute de
repreneur et créer un incident politi-
que en cas de rejet officiel? Ces logi-
ques doivent aussi être prises en
compte » , nuance-t-on au sein du
ministère des Armées.
Sur le plan industriel, l’absence
de vente imposerait simplement au
fonds actionnaire de garder l’entre-
prise plus longtemps, réagit un
opposant. Le temps de trouver une
alternative française? Interrogé
par les sénateurs, le directeur géné-
ral de l’armement, Joël Barre, a
affirmé avoir demandé à Safran et
Thales de se pencher sur le dossier.
Sans succès, à ce stade.n

L’américain Teledyne est entré en négociations exclusives pour racheter le leader mondial
de la vision nocturne Photonis. Phot o Getty Images/EyeEm

« Aucune décision
n’a encore
été prise. »
BRUNO LE MAIRE
Ministre de l’Economie

5

MILLIARDS DE LIVRES
Le coût du programme pris
en charge par un seul pays.
Free download pdf