34 // Mardi 7 avril 2020 Les Echos
Le service de visioconférence Zoom
va devoir reconquérir Wall Street.
« We make our customer happy. » Avec ce mot d’ordre pour Zoom Video
Communications, son patron Eric Yuan n’a eu d’autre choix que de faire
son « mea culpa » – et plusieurs jours durant – après la mise en cause de son
appli de visioconférence sur le terrain de la sécurité et de la confidentialité.
Même si cela ne va pas de soi dans la Big Tech américaine, si sûre
de son bon droit, c’était nécessaire pour espérer redorer un blason terni
par les « Zoombombing », ces violentes intrusions qui gâchent les réunions
des utilisateurs. Car Wall Street ne pourra incriminer – pour mieux
s’en accommoder – la jeunesse du fondateur comme chez Facebook,
ou sa créativité impossible à canaliser comme chez Tesla. Le père
de la firme de San José est au contraire apprécié pour sa maturité et
son obstination, fruits de longues années chez WebEx, racheté par Cisco.
Et son modèle d’affaires a su rassurer les investisseurs lassés des licornes
trop « paniers percés » comme Uber, grâce à ses services business to busi-
ness en train de devenir rentables au moment de l’introduction en Bourse.
Le confinement planétaire à l’origine d’une explosion du nombre d’utilisa-
teurs s’est retourné contre ce chouchou boursier, qui a de beaux restes
puisque sa chute ne l’a pas privé de tous ses gains de 2020. Sa valorisation
reste toutefois trop stratosphérique (environ 40 fois les ventes) pour rendre
joyeux, à quelques jours de son premier anniversaire de cotation.
Happy Unhappy
Quand les bénéfices prévisionnels
deviennent trop incertains, ceux
du passé donnent quelques
repères. Le ratio « cours sur
bénéfice ajusté du cycle » – dit
aussi ratio CAPE ou PE de Shiller –
a ainsi le double avantage d’être
calculé sur des chiffres certains,
du passé, et de lisser le cycle éco-
nomique en utilisant la moyenne
des résultats ajustés de l’inflation
des dix dernières années. Il mon-
tre que la valorisation du marché
américain n’est pas tombée aussi
bas qu’en 2008 avec le « coro-
nakrach », alors que la zone euro
s’en rapproche. Plus mal lotis,
les marchés émergents affichent
une décote record (65 %) par
rapport aux actions de l’Oncle
Sam, relève l’Institute of
intekrnational Finance (IIF).
Les explications abondent, cours
des matières premières, situation
sanitaire, endettement. Il y a
quand même de l’exagération
dans l’air, à moyen terme
s’entend, évidemment.
Les actions émergentes semblent bien décotées face aux valeurs américaines.
Les voraces et le coriace
Le patron de JP Morgan prépare
ses actionnaires à tous les scénarios.
Cette fois, c’est dit, et même écrit. Le patron de JP Morgan, Jamie Dimon
prévoit une méchante récession, combinée à un stress financier d’un
genre similaire à 2008. Voir revenir le patron bancaire américain le plus
coriace, après une lourde intervention cardiaque, ne peut donc que ras-
surer Wall Street. Le PDG déjà en fonction à l’époque ne peut toutefois
faire de miracle devant le trou béant creusé dans la croissance et l’em-
ploi par une pandémie. Si le pire des scénarios se matérialise, le
« board » qu’il préside envisagerait probablement de suspendre le divi-
dende, par « extrême prudence ». Il n’avait pas eu à le faire à la fin de la
dernière décennie, mais l’incertitude pour les années à venir serait peut-
être pire. Malgré ces temps exceptionnels, les actionnaires bancaires
s’accrochent à leur dividende, avec une voracité qui peut sembler dépla-
cée. C’est tout simplement parce que, pour eux, le mal est déjà fait. Com-
me le soulignent les analystes de Citi, la distribution des banques améri-
caines comprend 70 % de rachats d’actions et 30 % de dividendes, con-
tre 10 % et 90 % respectivement pour leurs homologues en Europe. Ces
« buyback » ont été gelés chez les grands établissements systémiques de
l’Oncle Sam. Et depuis cette annonce, à la mi-mars, le pays a compris
que le coronavirus ne serait pas si facile à surmonter. Les actionnaires
hongkongais de HSBC qui envisagent de traîner leur banque en justice
pour crime de lèse-coupon semblent encore plus décalés des réalités.
// Budget de l’Etat 2020 : 39 9,2 milliards d’euros // PIB 2019 :2. 47 9,4 milliards d’euros courants
// Plafond Sécurité sociale :3.428 euros/mois à partir du 01-01-2020 // SMIC horaire : 10 ,15 euros à partir du 01-01-202 0
// Capitalisation boursière de Paris : 1.827,78 milliards d’euros (au 06-01-2020)
// Indice des prix (base 100 en 2015) :103,55 en décembre 2020 // Taux de chômage (BIT) :8,6 % au 3e trimestre 2019
// Dette publique :2.415,1 milliards d’euros au 3etrimestre 2019
=
Les chiffres de l’économie
Histoire de CAPE et de marchés
crible
EN VUE
Stefan Löfven
I
l n’y a pas eu ce week-end que le
discours de la Reine Elisabeth
- « Nous nous reverrons bien-
tôt » –, merveilleuse robe vert fluo,
cette reine que les Français se sont
mis à adorer. « Little sausage »
comme la surnomme Philippe a dû
battre des records d’audience. Sacrée
saucisse! Un autre monarque s’est
exprimé à propos de la pandémie qui
nous obsède, Carl XVI Gustaf de
Suède. En ce dimanche des
Rameaux, il a rappelé le message de
Pâques : « Le voyage e st l ong et difficile.
Mais, à la fin, la lumière triomphe. »
En attendant, ce voyage consistera à
« nous préparer à rester à la maison »,
dit-il. Simple conseil royal car la
Suède choisit la communication
contre la contrainte. Ainsi parcs,
cafés (service à la table), cinémas s ont
ouverts, seules sont interdites les réu-
nions de plus de 50 personnes, les
visites a ux maisons de retraite. Après
le modèle économique suédois, le
monde s’interroge donc sur son
modèle sanitaire. En tout cas, il ne fait
pas de miracle. « Nous allons compter
les morts par milliers », a prévenu le
Premier ministre suédois Stefan
Löfven tout en avertissant que « la
pandémie pourrait durer des mois et
non des semaines ».
Un économiste suédois cité
par « Le Monde » parle de
460.000 années de vie perdues, « on
ne peut p as choisir, d it-il, entre un recul
du PIB et de nombreux morts, on aura
les deux ». Les chiffres de mortalité
sont déjà nettement supérieurs à
ceux de ses voisins nordiques, et la
cote de confiance du Premier minis-
tre social-démocrate en poste depuis
2014 est passée d e 26 à 44 %.
Comprenne qui pourra. Ancien
patron du syndicat des métallur-
gistes Stefan Löfven était soudeur.
Espérons q u’il soit aussi b on ajusteur.
Net rebond à la Bourse de Paris
- A la Bourse de Paris, l’indice
CAC 40 a terminé la séance de lundi
en hausse de 4,61 %, à 4.346,14
points. Les investisseurs ont été gal-
vanisés par le ralentissement des
décès liés au Covid-19 dans plu-
sieurs pays européens. Le moral
des marchés n’a pas été entamé par
la rechute des cours du pétrole
après le report de la réunion entre
l’Opep et la Russie pour trouver une
issue à la guerre des prix.
Du côté des valeurs, les secteurs
les plus affectés par la crise liée au
coronavirus ont été les premiers
bénéficiaires du rebond de l’indice.
Renault a ainsi signé la meilleure
performance du CAC 40 avec un
bond de 14,17 %. Le constructeur
automobile a été aussi porté par les
propos rassurants des dirigeants de
l’alliance Renault-Nissan au « Wall
Street Journal » sur la capacité du
groupe à surmonter la crise. Peu-
geot a gagné 8,97 %. Bouygues a
grimpé de 13,48 %. Le groupe Accor
a aussi repris un peu de hauteur
avec une hausse de 12,92 %. L’Oréal
est la seule valeur du CAC 40 à avoir
enregistré une baisse lundi.
Même tendance ailleurs en
Europe. Le DAX allemand a pro-
gressé de 5,77 %, Londres, de 3,08 %
malgré l’hospitalisation d u Premier
ministre britannique Boris John-
son atteint par le coronavirus.
Madrid a terminé en hausse de
3,99 %, et Milan de 4 %.