Les Echos - 03.04.2020

(Chris Devlin) #1
LESECHOSWEEK-END– 51

CLAP DE FIN


MARC DUGAIN


APRÈSL'ÉPREUVE


Devant moi, la mer déchaînée et le spectacle
des rues fantômes de mon village. La consigne
est scrupuleusement respectée. Quand le temps
le permet, onpeut entendre des cris d’enfants
qui jouent dans un jardin. Mais le bruit,
le bruit quiobsède, quidérange,adisparu,
remplacépar le chant des oiseaux quifêtentleur
période de reproduction etle moratoire
sur les nuisances humaines.Pour éviter
le concert des tondeusesàgazon, j’aifaitcirculer
danslequartierlarumeur selonlaquelle
les accidents domestiques ne sont plus traités
aux urgences et que cen’estpas le moment
de se couper l’orteil. Les journées finissent par
se structurerentre le travail et l’écoledes enfants.
Dans des métiers de concentration comme
l’écriture, il est impressionnantde voir comment
la réclusion aideàproduire.L’accessoire
adisparu et le sentiment d’avancerpose
la vraie question du confinement. Et si en sortir
se révélait plus difficile que d’y rester?Ons’est
habituéàvivrepour debonavecceux qu’on
aime, on est concentrés sur la tribu.Neva-t-on
pas craindre de reprendre savoiture, de se jeter
dans des files interminables, de retrouver
une vie sociale dont on nousvante les mérites
mais qui ne nous aura pas forcément manqué?

Certainss’impatientent, enveulent aux vieux
qu’ils tiennent responsables de ce confinement.
Tout simplement parce qu’ils nes’imaginent pas
que lespersonnes âgées ont été jeunes et
croient qu’eux-mêmes ne vieilliront jamais.
C’est une des conséquences les plus tristes
de cette épidémie, tous ces seniors quis’en vont
en catimini, loinde leurs familles,enterrés seuls
et àlava-vite.Le rituel qui accompagne la mort
est éminemment sacré et levoir expédier
de la sorte est choquant.Autant que de laisser
mourir d’asphyxie despensionnaires des Ehpad,
par manque de place dans les hôpitaux.

On commenceàparler de l’après mais
il est encore trop lointainpour l’aborder
sérieusement. Et ilyacomme une superstition
qui monte que le nombre et l’étendue des
victimes soient bien au-delà deshypothèses
les pluspessimistes. Cette épreuveva-t-elle nous
changer?Probablement pas.Peut-être allons-
nous considérer que la santé est une priorité
qui transcende les calculs financiers.Peut-être,
s’il estpertinent, ferons-nous le lien entre
le sida, le Sras, la grippeaviaire, le Covid-19
et l’environnement détruit des animaux qui
nous les ont transmis. Mais rienn’estmoins sûr.
L’économie un temps oubliéeva de nouveau
monopoliser notre attention. Onva essayer
de la remettre en route, de réparer des dégâts,
d’éviter la déflation et ensuitepourquoi pas
l’inflation, et onaurabienassez àfaire
pour nerien remettrevéritablement
en question.Lapollution parexemple tue
beaucoupplus quen’importe quel virus,
mais ce dont nous sommes directement
responsables nous passionne moins,c’est ainsi.
Bon, Victor Hugoaécrit ses plusbelles pages
confinéàGuernesey,çadonne du courage.
Maisàconfinement égalc’est quand même
le talent qui fait la différence.

ET SI EN SORTIR


SE RÉVÉLAIT PLUS DIFFICILE


QUE D’Y RESTER?


ON S’EST HABITUÉÀVIVRE


POUR DE BON


AVECCEUX QU’ON AIME.


LE TRAIT


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