Libération - 07.03.2020

(Darren Dugan) #1

40 u http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Libération Samedi 7 et Dimanche 8 Mars 2020


FRANC MOODY
Terra Firma
Ce duo londonien est un nouveau
candidat sérieux dans le registre pop
à danser, spécialité anglaise de Hot
Chip à Jungle. Le genre de musique
sans prétention qui permet le week-
end de se laver le cerveau des
scories de la semaine. Déjà pas mal.

LEWIS OFMAN
Attitude
Producteur futé pour les autres
(Vendredi sur Mer notamment), le
jeune Parisien est aussi capable de
merveilles pour lui-même. Comme
cette perle house-pop qui rappelle un
peu le Daft Punk des débuts, en plus
sucré. Y a pire comme comparaison.

PLAYLIST


I


l y a vingt-cinq ans paraissait le légen-
daire album Me Against the World de
Tupac Shakur. Sa réédition offre l’occa-
sion de se replonger dans les heures
sombres de la rivalité absurde entre des per-
sonnalités du rap de la côte Ouest et de la côte
Est des Etats-Unis. Retour sur cinq acteurs
clés d’une histoire à l’allure de guéguerre de
cour d’école qui finit de manière tragique.

1 Tim Dog
Ce n’est pas le plus connu, mais le na-
tif du Bronx est celui qui a allumé la mèche
en 1991. Depuis la fin des années 80, les ar -
tistes de New York, berceau originel du hip-
hop, vivent mal les cartons commerciaux des
rappeurs californiens comme NWA ou Tone
Loc. De plus en plus, le business du secteur se
déplace sur les bords du Pacifique. Timothy
Blair sort la sulfateuse sur son album Penicil-
lin on Wax avec le single Fuck Compton, har-
gneuse diatribe contre la bande à Dr. Dre et Ice
Cube. Réponse immédiate du camp d’en face
avec les Compton’s Most Wanted et leur Who’s
Fucking Who? et surtout F**K wit Dre Day
(And Everybody’s Celebratin’) sur le fameux
album The Chronic de Dre. Tant que cela reste
de la guerre des mots. Mais ça ne va pas durer.

2 2Pac
Le «héros» West Coast est né à New
York mais se fait connaître après sa relocalisa-
tion en Californie, en 1991, avec son premier
album 2Pacalypse Now, où le pur gangsta rap
recoupe des revendications sociales. Fin 1994,
alors qu’il participe à un enregistrement dans
sa ville natale, il est blessé dans une embus-
cade. Selon lui, son ancien ami, le rappeur The

Notorious B.I.G., et le boss de son label Sean
«Puff Daddy» Combs en sont les responsables.
Le début d’une escalade qui se conclura par
la mort de 2Pac le 13 septembre 1996 à Las Ve-
gas, cinq jours après avoir été victime d’une
fusillade en voiture. Les nombreuses enquêtes
n’arriveront jamais à identifier les coupables.
Plus que chez ses rivaux musicaux de la côte
Est, les tueurs seraient à rechercher du côté
des gangs de Los Angeles, voire du patron ja-
loux de sa propre maison de disques, Death
Row, le ténébreux Marion «Suge» Knight.

3 Marion «Suge» Knight
Un CV de choix pour le cofondateur
(avec Dr. Dre), du label Death Row, actuelle-
ment sous les verrous pour meurtre. Ex-joueur
de football américain de seconde zone, mem-
bre du gang de L.A. les Bloods, Suge Knight a
grandement contribué à attiser la rivalité Est-
Ouest. Après avoir signé 2Pac sur son label,

en 1995, il se fiche ouvertement de la gueule
de Sean «Puff Daddy» Combs, le patron de The
Notorious B.I.G., l’accusant de vouloir se mon-
trer dans tous les clips de ses artistes. Pas bien
méchant, mais cela va dégénérer. Présent
(et même blessé) dans le véhicule de Shakur
en 1996, il est soupçonné de s’être vengé six
mois plus tard en commanditant l’assassinat
de The Notorious B.I.G. pendant un drive-by
shooting à Los Angeles. C’est ce qu’affirme
Greg Kading, un ex-enquêteur de la police lo-
cale. On attend toujours les preuves.

4 The Notorious B.I.G.
Après une première vie comme dealer
à Brooklyn, Christopher Wallace entre dans
le rap à sa sortie de prison, en 1991. Deux ans
plus tard, il signe sur le jeune label Bad Boy
Records lancé par Sean «Puff Daddy» Combs
et publie son premier album, Ready to Die. Le
seul de son vivant. Celui qui est quasiment son

meilleur ami se nomme... Tupac Shakur. Ce
qui n’empêche pas ce dernier d’accuser pour
des raisons obscures le New-Yorkais d’avoir
trempé dans la fameuse embuscade de 1994.
Le feu est attisé par la sortie de Who Shot Ya ?,
un titre de Biggie que 2Pac comprend comme
une référence à la fusillade. Un morceau pour-
tant enregistré avant les faits. C’est du moins
ce qu’affirme le camp de Wallace. Une sale his-
toire qui se terminera pour lui comme pour
son ex-pote : entre quatre planches.

5 Sean «Puff Daddy» Combs
Plus qu’une querelle entre rappeurs,
cette rivalité Est-Ouest apparaît plus sûrement
comme une bataille d’influence entre deux la-
bels, Death Row, donc, et Bad Boy Records, et
leurs patrons respectifs, Suge Knight et Sean
Combs. Deux entrepreneurs aux méthodes
peu orthodoxes qui ont vite compris les avan-
tages marketing, et surtout financiers, qu’ils
pouvaient tirer des querelles musico-médiati-
ques entre leurs deux protégés, 2Pac et Noto-
rious B.I.G. Toujours passé à travers les gouttes,
malgré les soupçons qui ont pesé sur lui après
la mort de Shakur, Combs est aujourd’hui un
homme d’affaires accompli dont la fortune est
estimée à plus de 800 millions de dollars
(715,4 millions d’euros). Mais n’oublions pas,
comme l’a dit justement Chuck D de Public En-
emy : «Toute cette histoire ne concerne qu’une
poignée de rappeurs de la côte Est et de la côte
Ouest et pas du tout l’ensemble de la scène.»
Heureusement, on imagine le carnage sinon.
PATRICE BARDOT

2 PAC Me Against the World, édition double
vinyle (Panthéon / Universal).

Dans les années 90 aux Etats-Unis, la rivalité


côte Est-côte Ouest tourne au bain de sang.


Le rap


s’enflamme


CINQ SUR CINQ


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(^2) GETTY IMAGES. AFP^3
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