Les Echos Mercredi 11 mars 2020 ENTREPRISES// 19
Ni colas Rauline
@nrauline
—Bureau de New York
Les Walton sont toujours, de loin, la
famille la plus riche des Etats-Unis.
Mais les héritiers de Sam Walton, le
fondateur d e Walmart, aujourd’hui
le plus grand distributeur mondial,
continuent de vendre leurs actions
du groupe. En ce début de semaine,
ils ont encore transféré 48 milliards
de dollars de titres de leur principal
véhicule d’investissement, Walton
Enterprises LLC, au holding fami-
lial, Walton Family Holdings Trust.
Ce sont ainsi 415 millions d’actions,
soit 29 % du total détenu par Wal-
ton Enterprises, qui ont changé de
mains.
Leur participation reste pour le
moment inchangée, mais ce trans-
fert p ourrait e ntraîner des cessions.
Le géant de la distribution au plus
haut à la Bourse de new York
Malgré la tempête qui s’est abattue sur les Bourses mon-
diales pour cause d’épidémie de Covid-19, faisant vivre
lundi aux marchés action leur pire journée depuis la
crise de 2008, Walmart cote quasiment à son plus haut
historique à Wall Street. Le titre s’affichait en séance
mardi en léger recul de 1,5 % sur une journée, à un peu
plus de 115 dollars. La baisse n’est que de 4 % par rapport
à son plus haut historique en octobre dernier, à 120,
dollars. Autant dire que la famille du fondateur Sam
Walton a conduit son opération visant à alimenter ses
œuvres philanthropiques au meilleur moment.
Le numéro un mondial de la distribution conduit
depuis quelques années une stratégie frontale gagnante
face à Amazon.
Lors du dernier grand mouvement
d’actions, en 2015, le fonds familial
avait en effet fini par céder 98 % des
194 millions d’actions qui lui
avaient été vendues. A cette époque,
les Walton avaient voulu compen-
ser les effets du programme de
rachat d’actions qui avait vu leur
participation augmenter. Depuis
plusieurs années, ils demeurent en
effet autour de 50 % du capital de la
société.
Le groupe est toujours engagé,
aujourd’hui, dans un programme
de rachat d’actions, qui a tendance à
renforcer le contrôle des Walton :
l’an dernier, Walmart a versé
11,8 milliards de dollars à ses action-
naires, en dividendes et rachats
d’actions.
Des fonds pour les écoles
La f amille Walton utilise le Walton
Family Holdings Trust pour ali-
menter sa fondation et doper ses
activités philanthropiques. En
janvier 2019, la Walton Family
Foundation avait annoncé qu’elle
financerait d es écoles à h auteur de
1 milliard de dollars sur les cinq
prochaines années. Elle a déjà
investi plus de 360 millions de dol-
lars l’an dernier. « Il n’y a aucun
calendrier prévu pour la vente
d’actions », a toutefois précisé à
Bloomberg une porte-parole de la
famille.
La fortune de la famille Walton
est estimée à 185 milliards de dol-
lars. Les trois enfants encore
vivants du fondateur Sam Walton,
Jim, Alice et Rob, détiennent près
de 50 milliards de dollars chacun,
le reste se répartissant entre les
petits-enfants. Sur les douze der-
niers mois, le titre Walmart a
gagné plus de 22 % à Wall Street. Le
géant de la distribution, plus gros
employeur privé des Etats-Unis,
est l’une des valeurs qui résiste le
mieux, ces derniers jours, à la crise
du coronavirus.
Les fondations sont de plus en
plus utilisées par les milliardaires
américains pour redistribuer une
partie de leurs richesses. Entre
2002 et 2015, leur nombre aux
Etats-Unis est passé de 64.845 à
86.203, et l eurs a ctifs ont d oublé sur
la même période.
Un système contesté
Elles servent aussi à certains à
échapper à la taxation de leurs r eve-
nus, sans parler des « fonds orien-
tés par les donateurs », plus souples
et qui bénéficient d’une déduction
d’impôts immédiate. Les fonda-
tions n’ont d’ailleurs pas que des
adeptes aux Etats-Unis, elles se
retrouvent contestées par une par-
tie de la gauche, qui préférerait que
ce soit l’Etat qui décide des investis-
sements, via l’impôt. D’autant que
plusieurs fondations s ont montrées
du doigt puisqu’elles servent un
agenda politique ou économique
(des think tanks notamment) et que
certaines continuent de rémunérer
des membres de la famille ou de
l’entreprise. Walmart, lui, est l’objet
de critiques pour sa politique sala-
riale : le salaire minimum qu’il
verse à ses salariés est de 11 dollars
de l’heure, quand Amazon en est,
par exemple, à 15 dollars.
Certains milliardaires pour-
raient être tentés d’alléger davan-
tage leur fortune pour échapper à
une plus grande taxation, en cas de
retour au pouvoir des démocrates,
en fin d’année. L’un des deux candi-
dats à l’investiture, Bernie Sanders,
souhaite en effet instaurer un
impôt sur la fortune. Et, même s’il
est plus modéré, le favori Joe Biden
désire aussi augmenter les impôts
pour les plus riches, là où Donald
Trump a, lui, favorisé les déduc-
tions fiscales.n
DISTRIBUTION
La famille Walton, qui
contrôle le premier
distributeur mondial,
a cédé pour 48 mil-
liards de dollars de
titres à son holding
familial.
La famille Walton transfère des actions
Walmart pour financer ses œuvres
appartiennent à une grande c haîne,
comme Zara ou les Galeries
Lafayette, ou qu’ils soient indépen-
dants, ils emploient au total 3,6 mil-
lions de personnes.
La cause de cet émoi : l’enchaîne-
ment des crises qui pénalisent leur
activité. C’étaient les manifestations
des « gilets jaunes » il y a dix-huit
mois, puis les grèves des transports
en décembre dernier et maintenant
les restrictions et la peur provoquée
par le coronavirus. La fréquenta-
tion des boutiques s’érode, un mou-
vement que la concurrence de
l’e-commerce et la tendance à la
déconsommation amplifient.
Appel à la « solidarité »
Les professionnels demandent
l’aide du gouvernement, des ban-
ques et, surtout, de leurs bailleurs.
Les pouvoirs publics sont d’accord,
depuis les grèves de 2019, pour l’éta-
lement du paiement des charges fis-
cales et sociales. Les commerçants
souhaitaient des dégrèvements.
Bruno Le Maire en a annoncé lundi
la p ossibilité, dans le cadre de la lutte
contre les conséquences économi-
ques de la crise du coronavirus.
Les cinq fédérations en appellent
aussi « à la solidarité des acteurs de
l’immobilier commercial pour accor-
der les réductions de loyer indispen-
sables pour adapter la réalité des
coûts à la réalité de l’activité des
magasins », écrit le communiqué
qu’elles ont publié. A tout le moins,
les acteurs du commerce deman-
dent un assouplissement de règle-
ments des loyers et des charges.
Les locataires des centres com-
merciaux ne veulent p lus p ayer leur
loyer à l’avance par trimestre, ce qui
vide leur trésorerie. Ils dénoncent
aussi la pratique d es minima garan-
tis qui fait que le coût du loyer varie
en fonction du chiffre d’affaires au-
dessus d’un montant élevé. Le
ministre de l’Economie a relayé
l’appel aux bailleurs à faire preuve
de compréhension vis-à-vis des
commerçants.
« Nous avons compris l’appel à la
solidarité », répond aux « Echos » le
délégué général du Conseil national
des centres commerciaux (CNCC),
Gontran Thuring. Le syndicat pro-
fessionnel des foncières recom-
mande à ses adhérents bailleurs,
dans un c ommuniqué p ublié
mardi, de « faire preuve de vigilance
et de discernement afin d’étudier, au
cas par cas, les mesures appropriées,
en fonction de la situation de leurs
locataires ». Selon le responsable,
« la plupart des bailleurs ont accepté
la mensualisation des loyers ».
Eco-livraison
Les centres commerciaux recon-
naissent que leur fréquentation a
baissé globalement de 3,6 % entre le
25 février et le 8 mars. La baisse s’est
accentuée entre le 4 et le 8 mars, à –
7 %. Pas question cependant de
« baisser tous les loyers », s’exclame-
t-on au syndicat. Les foncières sont
pénalisées par la Bourse, malgré
de bons résultats en 2019. Le cours
d’Unibail-Rodamco-Westfield a
perdu 25 % en un mois et celui
de Klépierre de 18 % en une
semaine. Les gestionnaires de cen-
tres commerciaux se tournent eux
aussi vers le gouvernement et récla-
ment l’égalité fiscale avec les e-com-
merçants qui supportent peu de
taxes sur le foncier. Le CNCC pro-
pose la création d’une « éco-livrai-
son », espèce d’écotaxe sur la livrai-
son des colis.
En attendant, la charte de bonne
conduite qui régit les relations
entre les commerçants et leurs pro-
priétaires depuis 2 005 a commencé
à être rediscuté. « Nous sommes
tous dans le même bateau », résume
Gontran Thüring.n
Philippe Bertrand
@Bertra1Philippe
« La survie de certaines entreprises
est en jeu! » C’est le cri d’alarme
lancé par le directeur général de
l’Alliance du commerce, Yohann
Petiot, relayé par cinq syndicats de
commerçants représentant près de
200.000 points de vente. « Plus de
60 % du commerce de détail est réa-
lisé par des PME ou des TPE », rap-
pelle la déléguée générale de la
Fédération du commerce associé
(FCA), Alexandra Bouthelier. Qu’ils
DISTRIBUTION
Le coronavirus abaisse
la fréquentation des
boutiques et s’ajoute
aux difficultés que les
« gilets jaunes » et les
grèves ont provoquées.
Les commerçants réclament la baisse des loyers
dans les centres commerciaux
Ikea veut élargir sa clientèle en
Chine. Le spécialiste suédois du
mobilier et de la décoration a
annoncé ce mardi le lancement
d’un nouveau magasin virtuel
en partenariat avec Alibaba, q ui
concrétise le premier accord de
distribution passé avec un site
tiers. Quelque 3.800 produits
sont désormais proposés sur la
plateforme Tmall du géant chi-
nois de l’e -commerce.
Le service est testé dans un
premier temps pour six mois
dans l es provinces d e Shanghai,
Jiangsu, Zhejiang et Anhui,
dans l’est du pays. Si les résul-
tats sont au rendez-vous, il sera
étendu à d’autres secteurs, a
annoncé Jon Abrahamsson,
PDG du groupe Inter Ikea, le
holding détenant l’enseigne.
Toucher un public
plus large
Celui-ci a déclaré auprès du
« Financial Times » que ce test
fait partie d’un plan de transfor-
mation plus large, alors que
l’ADN de la firme consistait à
faire venir les clients directe-
ment dans les entrepôts. Ce
plan comprend notamment le
développement de magasins
plus petits dans les centres-vil-
les, l e développement d’applica-
tions de réalité augmentée ou
encore la mise e n place de servi-
ces de livraison et de montage à
domicile.
« Il s’agit d’un travail com-
mencé depuis quelque temps
pour déterminer les étapes dont
nous avons besoin pour toucher
un public plus large en Chine, a
précisé Tolga Oncu, directeur
des opérations au sein de Ingka
Group, principal détaillant
d’Ikea. Nous voulons être pré-
sents là où ils font leurs achats, là
où ils passent d u temps. C’est une
procédure similaire lorsque
nous devons décider de l’implan-
tation d’un magasin. »
5 % des revenus
en Chine
L’enjeu est de taille pour Ikea en
Chine. Selon le « FT », le géant
suédois n’a retiré l’an dernier que
5 % de ses revenus dans le pays
via la vente en ligne. Il y compte
par ailleurs une trentaine de
magasins physiques, tous fer-
més depuis le 30 janvier en rai-
son de la crise du coronavirus.
Ikea n’entend pas pour
autant rééditer ce type de parte-
nariat avec un site tiers ailleurs
qu’en Chine. « Dans les autres
marchés, les conditions sont dif-
férentes, a souligné Jon Abra-
hamsson auprès de l’agence
Reuters. Nous ne voyons pas
cela comme le point de départ
d’un développement plus glo-
bal de cette solution. »
— F. M. avec agences
Ikea lance
avec Alibaba
un magasin
virtuel
en Chine
DISTRIBUTION
La firme suédoise
et le géant de
l’e-commerce ont
lancé mardi la vente
de 3.800 produits
via la plateforme
Tmall.
Rob, Alice et Jim Walton pèsent 150 milliards de dollars à eux trois. P hoto Rick T. Wilking/Getty Images/AFP
Pour Ikea, l’enjeu
est de toucher un
nouveau public en
Chine, alors qu’il ne
retire de la vente
en ligne qu’une
très faible partie de
ses revenus dans le
pays pour l’instant.