Le Monde - 23.02.2020 - 24.02.2020

(Brent) #1

12 |économie & entreprise DIMANCHE 23 ­ LUNDI 24 FÉVRIER 2020


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L’égérie du Salon de l’agriculture,
Idéale, qui aura été tâtée, flattée
et photographiée dès l’ouverture
des portes de ce grand rendez­
vous annuel, samedi 22 février à
Paris, n’est autre qu’une vache
charolaise. Une race bovine
qui porte les couleurs de cette
commune de Saône­et­Loire
dans le monde entier. Mais
Charolles et ses canaux – qui lui
valent le surnom de Venise bour­
guignonne –, ont d’autres atouts
gastronomiques. Comme le
charolais, un délicieux fromage
de chèvre au lait cru, distingué
en 2014 par une appellation d’ori­
gine protégée (AOP).
En matière de notoriété, le fro­
mage charolais pèse peu face à
« la » charolaise. A l’image de la
filière caprine, dans l’ombre des
bovidés. Lors de la 57e édition du
Salon de l’agriculture, les visi­
teurs pourront admirer chèvres
et chevreaux dans leurs enclos.
Mais pour ces animaux, pas de
parcours sur le ring de présenta­
tion ni de médailles du concours
général. Pourtant, la filière de lait
de chèvre rebique.
Il y a un an, elle s’était sentie
oubliée dans le grand jeu des né­
gociations commerciales entre
industriels et distributeurs alors
que la loi Egalim, censée mieux
répartir la valeur dans la chaîne
alimentaire et augmenter le prix
payé aux producteurs, entrait en
application. Sous le feu des pro­
jecteurs : le lait de vache.
Enseignes et industriels multi­
pliaient les opérations de com­
munication sur les accords tari­
faires signés pour mieux rému­
nérer les agriculteurs. Il est vrai
qu’après plusieurs années de va­
ches maigres, il y avait urgence.
« En 2019, le prix moyen du lait
versé au producteur a atteint

336 euros la tonne. On peut s’at­
tendre à mieux en 2020, avec une
progression de 10 à 15 euros »,
pronostique Thierry Roquefeuil,
président de la Fédération natio­
nale des producteurs de lait
(FNPL). De quoi ajouter un peu
de beurre dans les épinards.

Hausse des coûts de production
Cette année, aux caprins de boire
du petit­lait. Intermarché et la
coopérative Agrial ont en effet si­
gné un accord valorisant le prix
payé à l’éleveur à 749 euros la
tonne en 2020 et à 790 euros un
an plus tard pour le lait trans­
formé en fromage Soignon. A
comparer aux 700 euros la
tonne, prix moyen du lait col­
lecté en 2019, selon la Fédération
nationale des éleveurs de chè­
vres (FNEC). Sachant toutefois
qu’un quart des 630 millions de
litres produits par les pis de chè­
vre en France sont transformés
en fromage à la ferme.
La perspective d’un niveau tari­
faire jugé historiquement haut –
si la première signature fait tache
de lait – tient compte de la
hausse des coûts de production
après deux années consécutives
de sécheresse. Mais aussi de la
nécessité d’attirer des jeunes,
quand plus du tiers des 6 000
élevages de chèvres français sont
gérés par des plus de 55 ans.
D’autant que, pour les amateurs
de Valençay, Chabichou ou Sain­
te­Maure de Touraine, l’origine
du lait n’est pas un pis­aller. Or, la
France est aujourd’hui en tête de
la production européenne, au
coude­à­coude avec l’Espagne et
devant les Pays­Bas. Une position
qu’elle souhaite défendre bec et
ongles. Caprins, ce n’est pas fini, à
condition d’y mettre le prix...
laurence girard

MATIÈRES  PREMIÈRES
PAR  LAURENCE  GIRARD 

La filière de lait


de chèvre rebique


Arnaud Lagardère appelle Nicolas Sarkozy à l’aide


L’ex­président est en lice pour entrer au conseil de surveillance du groupe, sous pression du fonds Amber


L


a tension monte pour Ar­
naud Lagardère, qui ba­
taille depuis près de trois
ans contre le fonds d’in­
vestissement Amber. Celui­ci
mène la vie dure à l’héritier de
Jean­Luc Lagardère et juge qu’il ne
remplit pas sa mission, en tardant
à réorienter son groupe vers les
activités qui fonctionnent – Ha­
chette et les boutiques d’aéroport
(Duty Free, Relay...) –, et en cédant,
dans de piètres conditions, les ac­
tivités peu rentables. Officialisée
jeudi 20 février, la vente de 75 % de
Lagardère Sports pour environ
80 millions d’euros, une branche
dans laquelle l’homme d’affaires
avait investi plus d’un milliard
d’euros, sonne comme l’ultime
preuve de cette défaillance.
Pour se défendre, Arnaud Lagar­
dère a décidé d’employer les
grands moyens, en faisant entrer
au conseil de surveillance du
groupe propriétaire de Paris
Match, Europe 1 et du JDD Nicolas
Sarkozy, selon une information
de Marianne, confirmée au
Monde. L’arrivée de l’ancien chef
de l’Etat comme administrateur
pourrait être entérinée lors de la
prochaine assemblée générale,
dont la date n’est pas annoncée,
mais qui devrait se tenir en mai.
Pourquoi Arnaud Lagardère
fait­il appel à cet ami intime, qu’il
qualifiait même de « frère », et
dont il avait fait connaissance par
l’intermédiaire de son père, Jean­
Luc? Contactés, les entourages de
M. Lagardère et de M. Sarkozy
n’ont pas souhaité nous répon­
dre. Mais il se trouve que l’ancien

chef de l’Etat est un proche du Qa­
tar, premier actionnaire de Lagar­
dère, avec 13 % du capital. L’ex­lo­
cataire de l’Elysée a particulière­
ment choyé la famille régnante
lorsqu’il était aux affaires.
En 2008, il a renforcé des avan­
tages fiscaux accordés aux Qata­
ris. Sous son mandat, le fonds
souverain de l’émirat a aussi pris
des participations dans des fleu­
rons français, tels que Suez, s’est
offert des palaces comme le Royal
Monceau, et a racheté le PSG. La
justice a même soupçonné les
proches de M. Sarkozy d’avoir
mené campagne pour aider Doha
à obtenir l’organisation de la
Coupe du monde de football de


  1. Depuis, les liens sont loin de
    s’être distendus. En 2017, son ami
    Sébastien Bazin l’a fait élire au
    conseil du groupe Accor, qu’il pré­
    side et qui compte comme
    deuxième actionnaire... le Qatar.
    Dans l’épreuve de force entre La­
    gardère et Amber, le micro­Etat,
    très discret, est un acteur­clé. « Le
    Qatar, qui est un important ac­
    tionnaire, me fait entièrement
    confiance et me soutient depuis
    son entrée au capital », a assuré
    Arnaud Lagardère, dans un entre­


tien au Point, le 16 janvier. Est­ce si
certain? En 2018, mécontents de
leur investissement, les Qataris
ont failli se rallier au turbulent ac­
tiviste, qui cherchait à se faire une
place au conseil de surveillance. A
la dernière minute, l’intervention
de Nasser Al­Khelaïfi, le patron du
PSG, les aurait fait changer d’avis.
Pas question de laisser pareille
mésaventure se reproduire. Am­
ber a déjà fait savoir qu’il revien­
drait à la charge en mai, et de­
manderait la nomination d’ad­
ministrateurs. Une différence,
toutefois, avec 2018 : le fonds ins­
tallé à Londres est devenu, le 12 fé­
vrier, le deuxième actionnaire,
avec 10,3 % du capital, passant
symboliquement devant l’héri­
tier, qui n’en détient plus que
7,3 %, même si, pour le moment,
ce dernier devance toujours son
rival au niveau des droits de vote.

Capacité de nuisance
Alors que quatre mandats d’ad­
ministrateur arrivent à terme lors
de l’assemblée générale, refuser
au deuxième actionnaire du
groupe de siéger au conseil risque
de devenir de plus en plus délicat.
Sur le papier, pourtant, les admi­
nistrateurs ont une marge de
manœuvre très limitée. Le groupe
Lagardère est géré par une com­
mandite où Arnaud Lagardère,
son gérant commandité, règne en
maître. Mais le fonds bénéficie­
rait quand même d’un poste d’ob­
servation privilégié et accroîtrait
sa capacité de nuisance.
Une place au conseil lui permet­
trait ainsi de poser des questions

sur Lagardère Capital Manage­
ment (LCM), une entité aux mis­
sions délicates de la galaxie Lagar­
dère, dont les informations sont
livrées au compte­gouttes. C’est
dans cette société qu’Arnaud La­
gardère détient sa participation
et sa dette personnelle, contrac­
tée auprès du Crédit agricole en­
tre 2003 et 2008 pour assurer sa
montée au capital.
Après un pic à 478 millions
d’euros en 2008, le fardeau finan­
cier aurait fondu à 164 millions
en 2019, tel que l’a certifié le fils
de Jean­Luc, au Point. Pour le mo­
ment, le montant reste légère­
ment inférieur à sa participation,
qui était valorisée à 178 millions
d’euros, vendredi. Mais Amber
exige toujours une publication
complète des comptes de LCM, et
a obtenu une décision de justice
en sa faveur, le 16 octobre 2019.
L’homme d’affaires a fait appel, et
réclame 84 millions d’euros à
Amber pour « déstabilisation ».
Pourquoi tant de mystère? Tout
d’abord, on ignore si les 164 mil­
lions d’euros représentent l’inté­
gralité de la dette ou pas. En outre,

selon nos informations, Amber
s’interroge sur une créance de
116 millions d’euros qui apparais­
sait dans les comptes de 2009. De­
puis des années, Arnaud Lagar­
dère transférait des fonds de LCM
vers une autre de ses sociétés. A­
t­il remboursé LCM? « Si les prêts
ne peuvent être honorés, ils doi­
vent être dépréciés », explique au
Monde un commissaire au
compte. Pour le Crédit agricole, la
banque prêteuse, la santé finan­
cière de LCM est en effet cruciale.
Enfin, LCM rémunère les cinq
membres du comité exécutif de
Lagardère, dont Arnaud Lagar­
dère, et facture au groupe leurs
notes de frais (3,1 millions d’euros
en 2018). Censés contrôler ces dé­
penses, les administrateurs du
comité d’audit de Lagardère les
survolaient à peine jusqu’à un
passé récent.
« Pour Arnaud, le danger, c’est la
commandite. Et pour qu’elle
tienne, il faut que le Qatar et le Cré­
dit agricole continuent de le soute­
nir », confirme un bon connais­
seur du groupe. Le 4 décem­
bre 2019, Patrick Valroff, un an­
cien du Crédit agricole, a été
nommé à la tête du conseil de sur­
veillance. Tout le monde y a vu
une reprise en main par la ban­
que verte. Juridiquement, Arnaud
Lagardère est inexpugnable. Poli­
tiquement, le déballage, sur la
place publique, d’informations
gênantes pourrait le déstabiliser.
Grâce à Nicolas Sarkozy, M. Lagar­
dère se réarme contre les jeux
d’influence d’Amber.
sandrine cassini

Amber a fait
savoir qu’il
reviendrait à la
charge en mai,
et demanderait
la nomination
d’administrateurs

N U C L É A I R E
Fessenheim : Borne
confirme le projet
de « technocentre »
La ministre de la transition
écologique, Elisabeth Borne, a
confirmé, vendredi 21 février
à Colmar (Haut­Rhin), le pro­
jet de création d’un « techno­
centre » consacré aux déchets
métalliques sur le site de la
centrale nucléaire de Fessen­
heim, dont le réacteur n° 1 a
été arrêté dans la nuit du
vendredi 21 au samedi
22 février. – (AFP.)

S O C I A L
Click and Walk : 700 000
microtravailleurs
requalifiés en « salariés »
La cour d’appel de Douai
(Nord) a condamné, dans un
arrêt du 10 février révélé ven­
dredi 21 février par Europe 1, la
start­up lilloise Clic and Walk
pour « travail dissimulé », re­
qualifiant les 700 000 mem­
bres de la communauté de
consommateurs en « sala­
riés ». La condamnation est
assortie d’une amende de
50 000 euros. Spécialisée dans
le marketing direct, la jeune
pousse propose à ses contri­
buteurs d’envoyer les photos
et une évaluation des pro­
duits qui sont dans les maga­
sins, pour 6 euros par an. Clic
and Walk a décidé de porter
l’affaire en cassation.

C O M M E R C E E N L I G N E
eBay veut vendre
sa division de petites
annonces
La plate­forme de commerce
en ligne eBay a indiqué, ven­
dredi 21 février, envisager de
vendre Classifieds, son acti­
vité de petites annonces,
après avoir déjà cédé un site
de revente de billets, pour se
recentrer sur son site princi­
pal, largement distancé par
son concurrent Amazon.
Cette division est valorisée
environ 10 milliards de dol­
lars (9,2 milliards d’euros),
d’après des sources du Wall
Street Journal. – (AFP.)

LES  CHIFFRES


13 %
C’est la part du capital de Lagar-
dère que détient le Qatar,
premier actionnaire du groupe,
devant le fonds activiste britan-
nique Amber (10,3 %) et Arnaud
Lagardère (7,3 %). Ce dernier
devance toutefois Amber en
matière de droits de vote.

178 MILLIONS
C’est, en euros, la valorisation de
la part de M. Lagardère dans le
groupe qui porte son nom, soit
davantage que son endettement
personnel, lequel atteint 164 mil-
lions d’euros.

7,258 MILLIARDS
C’est, en euros, le chiffre d’affai-
res du groupe Lagardère
en 2018. Pour 2019, les comptes
seront publiés le 27 février et
minorés des revenus de la divi-
sion sports (438 millions d’euros
en 2018), qui vient d’être cédée.

Dans l’épreuve
de force engagée
entre le groupe
Lagardère et
Amber, le Qatar
est un acteur-clé

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