8 |france DIMANCHE 23 LUNDI 24 FÉVRIER 2020
0123
A Marseille, le MoDem
choisit LR contre LRM
Le parti centriste soutient Martine Vassal,
mais plusieurs responsables locaux figurent
sur des listes de La République en marche
marseille correspondant
C
omme à AixenProvence,
le MoDem et La Républi
que en marche (LRM) se
ront officiellement adversaires au
premier tour des municipales à
Marseille. Dans la soirée du 20 fé
vrier, la direction nationale du
parti centriste a entériné l’échec
des négociations qui courraient
depuis plusieurs semaines entre
les deux alliés de la majorité prési
dentielle, en annonçant son sou
tien à la candidate Les Républi
cains (LR) Martine Vassal, rivale di
recte du médecin Yvon Berland,
adoubé par LRM.
« Après avoir examiné la situation
électorale à Marseille, le MoDem
constate un éparpillement dange
reux des votes républicains, démo
crates et modérés », explique le
parti de François Bayrou, pour qui
« la liste conduite par Martine Vas
sal est aujourd’hui la seule en situa
tion de rassembler largement ».
« Comme à Paris ou à Lyon, nous
avons pris le temps de la discussion.
Mais devant la menace de voir le
Rassemblement national consoli
der sa position à Marseille, nous
avons estimé que Mme Vassal était
la plus à même de faire barrage »,
note JeanNoël Barrot, secrétaire
général du MoDem, qui précise
que « l’option était également celle
souhaitée par le mouvement dans
les BouchesduRhône ».
En guise de rassemblement, la
décision de la direction du Mo
Dem confirme aussi des déchiru
res locales. Viceprésident du Mo
Dem 13, Patrick Thévenin a rejoint
les listes du sénateur, exLR, Bruno
Gilles, « mais avec l’accord du bu
reau départemental », assuretil.
Et, alors que Paris s’apprêtait à an
noncer son soutien à Mme Vassal, la
conseillère régionale MarieFlo
rence Bulteau Rambaud et la dé
putée européenne Sylvie Brunet
s’affichaient, elles, au premier
rang d’une réunion de campagne
d’Yvon Berland, en compagnie des
ministres Muriel Pénicaud et Ju
lien Denormandie.
Mme BulteauRambeau a accepté
de mener la liste LRM dans le
7 e secteur. « En mon nom person
nel, pas en celui du MoDem », préci
saitelle quelques jours plus tôt.
Quant à Sylvie Brunet, elle se pré
sente dans la commune voisine de
Cassis, en seconde position der
rière le référent départemental
LRM. « François Bayrou m’a de
mandé mon avis et je ne lui ai pas
caché que, pour moi, seul Yvon Ber
land présente un projet cohérent et
progressiste pour Marseille. Je suis
clairement avec les collègues de La
République en marche », assure la
députée européenne.
« Jeux d’alliance incertains »
A Marseille, les négociations n’ont
pas butté sur le nombre ou les po
sitions des places proposées au
MoDem sur les listes d’Yvon Ber
land mais sur des questions de per
sonnes. « Nous n’avons pas de pro
blème avec le MoDem, mais nous
souhaitons choisir les personnes
avec qui nous allons travailler. On
préfère les compétences aux par
cours », cingleton dans l’étatma
jor du candidat LRM. Les profils du
responsable du MoDem 13, Miloud
Boualem, qui souhaitait s’aligner
dans le 1er secteur de Marseille, ou
de son prédécesseur Childéric
Muller, producteur de télévision et
salarié à mitemps du cabinet du
maire LR JeanClaude Gaudin, ont
posé question. « Je n’étais pas can
didat », dément M. Muller, mem
bre du bureau national du Mo
Dem, qui s’inquiète plutôt des
« jeux d’alliance incertains et hasar
deux qui se trament pour le second
tour et mettent Marseille en péril ».
« C’est quoi, ces méthodes? On n’est
pas dans un supermarché! », s’en
flamme M. Thévenin.
Avec son soutien à Mme Vassal, le
MoDem espère intégrer « une dou
zaine » de ses membres aux listes
de la candidate LR. Le sort des dis
sidents ne devrait pas être discuté
dans l’immédiat. « L’urgence n’est
pas à sanctionner mais à rassem
bler », dit M. Barrot.
gilles rof
Plus sociale ou libérale : LR cherche sa ligne politique
Les débats internes agitent le parti de droite, qui tente de trouver sa place entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen
I
l est des rendezvous qu’un
responsable politique ne
doit manquer sous aucun
prétexte. Le Salon de l’agricul
ture, qui commence samedi
22 février à Paris, est de ceuxlà.
Chez Les Républicains (LR), ils se
ront, mercredi 26 février, une
joyeuse petite troupe à arpenter
les allées bruyantes et colorées
d’une des manifestations les
plus emblématiques de la vie pu
blique française. Christian Jacob,
patron du parti et ancien syndi
caliste agricole, sera accompa
gné du député de l’Aisne Julien
Dive, de la députée de l’Aube Valé
rie BazinMalgras, ainsi que du
sénateur de HauteLoire Laurent
Duplomb. Pour LR, l’événement
est d’autant plus symbolique
qu’il permet de montrer l’atta
chement de la formation de
droite aux « territoires » que le sa
lon met à l’honneur.
L’occasion de rappeler à ceux
qui ne l’auraient pas encore com
pris que le LR nouveau se posi
tionne sur une ligne axée sur
« l’enracinement » en province,
plus « proche du peuple », et plus
sociale. Bien sûr, le parti n’aban
donne pas les thématiques réga
liennes et sécuritaires sur les
quelles il a construit une bonne
partie de son identité, mais, pour
la nouvelle direction, il faut tour
ner les pages François Fillon et
Laurent Wauquiez.
La première est jugée coupable
d’avoir promis « le sang et les lar
mes » d’une rigueur budgétaire
excessive. La seconde d’être
beaucoup trop centrée sur les
questions d’identité et d’immi
gration. Pour le trio de tête de LR,
composé de Christian Jacob,
Guillaume Peltier (député de
LoiretCher) et Aurélien Pradié
(député du Lot), trois élus de cir
conscriptions rurales, la nou
velle page de la droite s’écrira
grâce aux questions de l’emploi
et du pouvoir d’achat.
Ils sont suivis par plusieurs jeu
nes élus qui ont eu à ferrailler
contre l’extrême droite dans des
territoires socialement sinistrés,
mais pas seulement. Beaucoup
au sein du parti ont l’intuition
qu’il s’agit là d’un discours at
tendu par des Français terrifiés
par le chômage et la paupéri
sation, réels ou fantasmés,
noyés dans une mondialisation
dont ils ont du mal à percevoir
les potentiels bénéfices. Une im
pression renforcée par des mois
de manifestations de « gilets
jaunes », d’opposants aux retrai
tes, de grèves...
« 70 % des Français revendi
quent d’être de la classe moyenne,
et c’est à eux que nous devons par
ler prioritairement, les milieux de
cordée qui sont politiquement
orphelins, analyse Guillaume
Peltier. Avec Christian Jacob, no
tre objectif est de rebâtir une
droite populaire qui porte haut
les valeurs du travail, de la laïcité
et des provinces. » Le député in
siste : le travail doit payer. Pour
Aurélien Pradié, particulière
ment sensible à la thématique du
handicap et auteur d’une propo
sition de loi sur le sujet, le parti
doit ainsi se focaliser sur des
« questions qui intéressent les
gens, des sujets concrets afin de
résoudre leurs problèmes ».
Dans son entreprise de renou
vellement, la direction de la for
mation de droite a lancé plu
sieurs conventions thématiques,
prévues pour le printemps, avant
un grand « congrès des idées », le
4 juillet. La première, animée par
M. Pradié, aura d’ailleurs pour
thème le handicap. La deuxième,
consacrée au régalien et à la sé
curité, sera dirigée par Frédéric
Péchenard, exdirecteur général
de la police nationale ; la troi
sième mettra à l’honneur les sa
laires et le pouvoir d’achat, sous
l’égide de Guillaume Peltier.
« Notre crédibilité passe par
l’équilibre entre les trois. Ce n’est
pas le libéralisme, c’est la crois
sance et la liberté d’entrepren
dre », explique Christian Jacob.
« Dérive populiste »
S’il se lance dans de grands chan
tiers idéologiques, c’est que le
parti a conscience qu’il y a péril
en la demeure. Il doit trouver
un créneau, exister et se faire
entendre avant qu’Emmanuel
Macron, qui braconne sur ses
terres, ne finisse de ravir tout
son électorat. « La droite doit se
concentrer aujourd’hui sur nos
idées de justice sociale et d’ordre
républicain qui sont, par ailleurs,
les failles du président : Emma
nuel Macron dévalue le travail,
est aveugle sur la laïcité et divise
les Français en méprisant les pro
vinces », abonde Guillaume Pel
tier. « On rouvre les portes et les
fenêtres pour parler de tout, ana
lyse pour sa part Damien Abad,
patron du groupe Les Républi
cains à l’Assemblée nationale. Il
faut qu’on se démarque, le libéra
lisme économique ce n’est pas du
grand n’importe quoi. »
Se démarquer, certes, mais à
quel prix? Certains ne voient pas
d’un très bon œil cette orienta
tion qui leur paraît trop univo
que, susceptible de « dénaturer le
parti ». Voire, à force de suren
chère, de le faire basculer dans
une « dérive populiste ». Des élus
ne disentils pas en privé leur ad
miration pour Boris Johnson, le
tonitruant premier ministre du
RoyaumeUni, artisan du Brexit?
Guillaume Peltier, encore lui,
n’atil pas suggéré une hausse
du smic, proposition choc con
traire aux vues d’une droite
« proentreprises »?
« Aujourd’hui, on rethéorise la
lutte des classes et la revanche des
campagnes sur les métropoles
que Macron incarnerait. Si on
reste sur cette ligne, on va se ré
duire à peau de chagrin. On est
passé d’un parti ultraconserva
teur à celui des campagnes... »,
peste un élu.
« Nous n’avons pas à choisir entre
une droite sociale, libérale, conser
vatrice ou régalienne. Il faut être
tout à la fois, prévient Bruno Re
tailleau, sénateur de Vendée et
patron du groupe LR au Palais du
Luxembourg. Nous devons rester
un parti de gouvernement. Les
Français ne veulent pas d’une
droite à la découpe. » Pour Eric
Woerth, député de l’Oise et ancien
ministre du budget, il faut faire
attention : « Le parti n’aura pas de
crédibilité » s’il ne défend pas « la
responsabilité ». « Notre système
doit être financé, nous ne devons
pas être un parti de cigales. On doit
être social et responsable, c’est no
tre défi », exhortetil.
D’autres accusent les tenants de
cette ligne sociale d’être avant tout
dans une équation personnelle.
« Ils farfouillent entre être social,
territorial, de proximité... Ils sont
dans un escape game et cherchent
à sortir du piège électoral », tem
pête un député. « Ce n’est pas parce
qu’on parle de social qu’on ne parle
pas d’économie », défend Aurélien
Pradié, pour qui la droite est une
grande maison, où seule était
éclairée la pièce « abritant les ques
tions de rigueur et d’immigration.
Nous avons seulement rallumé les
lumières dans toutes les pièces ».
sarah belouezzane
Municipales : Agnès Buzyn
joue l’antiGriveaux à Paris
Si son image est meilleure que celle de son prédécesseur, la candidate
de LRM bute sur les mêmes obstacles, comme la dissidence de Villani
A
gnès Buzyn en rit :
« J’aime quand les cho
ses vont vite, les défis,
les “cap, pas cap”. Alors
je suis servie! Je m’amuse. » Bom
bardée candidate à la Mairie de
Paris, dimanche 16 février, à la
suite du renoncement forcé de
Benjamin Griveaux, l’ancienne
ministre des solidarités et de la
santé n’a effectivement pas le
moindre temps mort dans son
agenda. Moins de trente jours
pour s’imposer avant le premier
tour! « Je pars avec de superhan
dicaps, reconnaîtelle, en prenant
un café avec quelques journalistes
à Montparnasse, près de son
quartier général de campagne. Au
pire, je n’y arrive pas, et personne
ne pourra me le reprocher. Au
mieux, j’y arrive. Que du plaisir! »
Gagner à Paris, et s’installer
dans le fauteuil de la socialiste
Anne Hidalgo. C’est bien l’objectif
pour lequel la candidate de La Ré
publique en marche (LRM) a lâché
son ministère, sans espoir de re
tour. La mission s’annonce toute
fois difficile. Les trois premiers
sondages effectués depuis le
séisme du weekend la placent
tous en troisième position, pas
très loin derrière Anne Hidalgo et
Rachida Dati (Les Républicains),
avec 17 % à 19 % des intentions de
vote au premier tour. Un niveau
équivalent à celui de Benjamin
Griveaux avant son abandon sou
dain à la suite de la diffusion de vi
déos à caractère sexuel.
Comment l’emporter? Sans le
dire clairement, la candidate sou
tenue et conseillée par l’Elysée
joue en pratique l’antiGriveaux.
« Il faut dire qu’avec lui on était
en plein naufrage », grimace un
membre de l’équipe, soulagé que
le capitaine ait changé, même tar
divement. L’ancien porteparole
du gouvernement avait multiplié
les réunions publiques et les mee
tings? Peu rompue à ce genre
d’exercice, celle qui a pris la suite
n’a prévu aucun grand rassemble
ment. Du temps perdu, à ses
yeux : ceux qui viennent sont
déjà convaincus. Elle préfère se
déplacer sur le terrain et interve
nir dans les médias.
Le quadra, fidèle de Macron,
était pénalisé depuis l’origine par
une image d’homme ambitieux,
sûr de lui et capable de propos
injurieux? Agnès Buzyn, 57 ans,
compte mettre en avant sa per
sonnalité plus consensuelle, con
sidérée comme un atout par rap
port à ses deux grandes rivales.
« Avant de penser programme, ap
pareil, j’ai envie qu’on me con
naisse pour ce que je suis, ce que je
porte, ma méthode, confietelle.
Les gens me voient comme quel
qu’un de très doux, empathique,
bienveillant. Ce n’est pas faux. »
« Il faut planter des arbres »
L’hématologue n’entend cepen
dant pas se confiner à un rôle de
médecin ou de mère protectrice.
Elle affiche aussi son « caractère
tenace », sa capacité à mener des
projets et gérer des crises. « Au
moment de Fukushima, j’étais tous
les soirs au 20 heures de TF1 », en
tant que présidente de l’Institut
de radioprotection et de sûreté
nucléaire, soulignetelle.
Alors que Benjamin Griveaux
avait tenté de marquer l’opinion
avec quelques propositionschocs,
Agnès Buzyn a aussi profondé
ment remodelé le programme du
parti présidentiel pour Paris. Elle
l’avoue : mobilisée par la crise des
hôpitaux et le coronavirus, elle
n’avait pas eu le temps de s’inté
resser à la campagne avant d’en
prendre la tête. Depuis, elle a passé
au crible le projet de son prédéces
seur, et supprimé ses deux idées
les plus spectaculaires, les plus
contestées aussi : la création d’un
Central Park à la place des voies de
la Gare de l’Est, et le chèque de
100 000 euros accordé aux ména
ges désireux d’acheter un apparte
ment. « L’urgence, c’est une ville
qui fonctionne », pas un nouveau
chantier ni une mesure suscepti
ble d’alimenter la hausse de l’im
mobilier, jugetelle.
Son programme s’appuiera sur
un trépied plus classique : pro
preté, sécurité, environnement.
« Avec Agnès Buzyn, il s’agit de
présenter une candidature au cen
tre de l’échiquier, celle d’une
femme capable de rassembler
l’Est et l’Ouest de Paris, et de faire
travailler ensemble des gens de
sensibilités différentes », com
mente un stratège de la campa
gne, fidèle au « en même temps »
cher à Emmanuel Macron.
De la droite et de Benjamin Gri
veaux, la candidate reprend ainsi
la création d’une police munici
pale armée : « Plus de la moitié des
villes en ont une, et il n’y a quasi
ment pas de bavures. » Mais elle
ajoute sa propre touche, plus à
gauche, en évoquant la solidarité,
l’accompagnement des personnes
âgées et l’adaptation de la ville au
changement climatique, en parti
culier aux canicules. « Il faut plan
ter des arbres », avancetelle, sans
donner de chiffres, là où l’écolo
giste David Belliard en promet
100 000, et Anne Hidalgo 170 000.
La scientifique évoque aussi l’in
novation technologique, en parti
culier le recours à l’intelligence
artificielle « pour améliorer les
flux de circulation et l’éclairage des
rues ». Exactement ce que pro
pose déjà Cédric Villani. Com
mentaire de Rachida Dati, ven
dredi sur Franceinfo : la candidate
de LRM « a une qualité indéniable,
elle apprend vite à copier le pro
gramme des autres ».
Rivalité coriace
En reprenant son idée, Agnès
Buzyn envoie un signal clair au
mathématicien dissident de
LRM : si elle n’a pas obtenu son
ralliement dès le premier tour
malgré plusieurs contacts télé
phoniques et un déjeuner en
commun, ils ne peuvent que se
retrouver au second. Sur ce point
aussi, elle aimerait être l’antiGri
veaux, et réussir le rapproche
ment de tous les macronistes, in
dispensable à la victoire.
L’ancienne ministre a déjà inté
gré Gaspard Gantzer. Jeudi, l’an
cien conseiller de François Hol
lande à l’Elysée a renoncé à sa can
didature en solo. Il sera tête de
liste LRM dans le 6e arrondisse
ment. Cédric Villani, lui, continue
sa route personnelle. Il a déposé
ses listes dans tous les arrondisse
ments, et maintient le flou sur ses
intentions pour le second tour. A
ce stade, il n’entend pas pactiser
avec celle qu’il considère comme
la candidate de l’« appareil ».
Avec le mécontentement d’une
partie des Parisiens à l’égard d’Em
manuel Macron, cette rivalité co
riace reste sans doute le plus grand
obstacle sur la route d’Agnès
Buzyn. Pas de quoi la faire pani
quer : « Je sais quand ça cogne,
quand c’est dur, assuretelle. Je suis
quelqu’un d’extrêmement fort. »
denis cosnard
« J’ai envie qu’on
me connaisse
pour ce que
je suis, ce que
je porte,
ma méthode »
AGNÈS BUZYN
candidate LRM à Paris
Le programme de
Buzyn s’appuiera
sur un trépied
plus classique :
propreté,
sécurité,
environnement
« Notre objectif
est de rebâtir une
droite populaire
qui porte haut les
valeurs du travail,
de la laïcité
et des provinces »
GUILLAUME PELTIER
député de Loir-et-Cher