22 // ENTREPRISES Mercredi 4 mars 2020 Les Echos
cependant, la possibilité de pénu-
ries ponctuelles au deuxième ou au
troisième trimestre. Pour la France,
selon les chiffres du Leem, seuls
22 % des médicaments prescrits
sont produits en France, et 50 % de
ceux en vente libre. Encore faut-il
s’entendre sur ce qu’on met derrière
le mot « produire ». La réalité est
très différente selon qu’il s’agit de
médicaments issus de la chimie de
synthèse ou des biotechnologies.
Pour la première catégorie, la
fabrication du principe actif qui
donne au produit son efficacité est
réalisée dans 80 % des cas en Asie :
pour deux tiers en Chine et un tiers
en Inde. C’est surtout l’aval de cette
production de principe actif, c’est-
à-dire la mise en forme pharma-
ceutique (comprimés, liquide,
spray...), qui est réalisé dans les
pays occidentaux. Cette mise en
forme est donc en partie dépen-
dante de l’approvisionnement en
principes actifs chinois. Les autori-
tés américaines ont d’ailleurs iden-
tifié un premier médicament dont
la rupture est en lien avec l’épidé-
mie mais sans préciser lequel. Une
vingtaine d’autres seraient aussi
menacés, mais il ne s’agirait pas de
médicaments fondamentaux,
selon les autorités américaines.
La situation est autre pour les
médicaments obtenus par biotech-
nologie, dont les différentes étapes
de fabrication sont, elles, presque
exclusivement réalisées dans les
pays développés mais pas forcé-
ment toutes au même endroit. Mal-
heureusement, ce type de produc-
tion n’est que très peu présent en
France, hormis pour les vaccins.
Ainsi, seuls 3 % des anticorps
monoclonaux, le type de biomédi-
caments le plus répandu, y sont
produits.
Produits fondamentaux
Les produits les plus vulnérables
sont les produits dont les prix sont
bas, comme les produits anciens et
les génériques, ce qui incite à délo-
caliser leur p roduction o u au moins
celle de leurs principes actifs. Parmi
eux figurent pourtant des produits
aussi fondamentaux que les anti-
biotiques (génériques à 95 %), les
médicaments contre l’hyperten-
sion ou le diabète, de nombreux
antidépresseurs ou certaines chi-
miothérapies qui restent souvent le
traitement de première intention
des cancers.
4
À NOTER
La Corée du Sud figure
aujourd’hui parmi les fabri-
cants importants de biosimilai-
res, copies moins coûteuses des
biomédicaments dont les bre-
vets sont échus. La flambée de
l’épidémie dans ce pays pour-
rait avoir des conséquences sur
sa production.
Catherine Ducruet
@CDucruet
Va -t-on manquer de médicaments
en raison des perturbations dans la
chaîne de production causée par le
Covid-19? Sur ce sujet, les syndicats
professionnels comme le Leem ou
le Gemme (génériques) se retran-
chent derrière le ministère de la
Santé, alors que n’a toujours pas été
rendu public le rapport confié à
l’ancien président de l’école Poly-
technique Jacques Biot, sur le sujet
des pénuries – qui ne date pas de
l’épidémie.
Vingtaine de produits
menacés
Av ec le Covid-19, tout dépendra de
l’ampleur et de la durée de l’épidé-
mie. Dans l’immédiat, rien de per-
ceptible dans les officines. Les
stocks jouent leur rôle d’amortis-
seur pour plusieurs mois. Sur le
plan i nternational, certains patrons
de laboratoire n’excluent pas,
PHARMACIE
Les stocks jouent un
rôle de tampon mais
des pénuries ponctuel-
les sont possibles dans
quelques mois, selon
les industriels.
Elles menacent davan-
tage les médicaments
les moins chers.
Coronavirus : pas de pénurie
de médicaments dans l’immédiat
Dans les officines, les stocks devraient jouer leur rôle d’amortisseur pour plusieurs mois. Pho to Pascal Guyot/AFP
IMMOBILIER
COMMENT RÉUSSIR
SON INVESTISSEMENT?
DOSSIER
SPÉCIAL
Vendredi 6mars
cre le DRH de l’usine de lui confier
ses codes. Le double sésame néces-
saire pour déclencher les paie-
ments. Trois comptables de la filiale
acceptant ensuite de maquiller les
comptes en écriture. L’histoire ne dit
pas en échange de quoi.
Cette fraude se serait poursuivie
sur une période limitée à huit semai-
nes. Après une enquête, ces salariés
ont été licenciés, ainsi que le patron
de l’usine, le responsable financier
de la zone Asie et le trésorier central
du groupe, qui, eux, n’y ont vu que du
feu. L’argent détourné a, depuis, été
tracé par les enquêteurs sur des
comptes à Hong Kong et Singapour,
en majorité, mais des flux ont aussi
été identifiés vers la Malaisie, la
Chine, l’Angleterre ou la Serbie.
Des contrôles renforcés
Le conseil administration d’Essilor-
Luxottica a été saisi de l’affaire,
comme le comité d’audit du groupe,
qui a mandaté deux cabinets exté-
rieurs pour suivre l’enquête, et
s’assurer du bien-fondé des mesures
de contrôle. Dès ce scandale connu,
EssilorLuxottica a immédiatement
suspendu tous les paiements en
Thaïlande, et dans le même temps
ceux du groupe, pendant une
dizaine de jours, afin de s’assurer
qu’il n’avait pas affaire à un réseau
international. L’entreprise a aussi
joué la transparence avec le marché,
ce qui avait fait reculer le titre entre 2
et 3 %, depuis remonté. Essilor-
Luxottica avait précisé que l’impact
de cette fraude serait comptabilisé
dans le résultat opérationnel 2019,
qui sera connu ce vendredi, et ajusté
dans les états financiers du groupe.
Ce détournement a conduit le
géant de l’optique à durcir ses con-
trôles. Depuis j anvier, les mesures de
sécurité ont été renforcées notam-
ment au niveau local dans chaque
pays. Le géant mondial espère bien
re couvrer les fonds détournés pour
limiter l’impact financier.n
à suivre
Flamanville :
le redémarrage
de deux réacteurs
reporté
ÉNERGIE Les deux réacteurs
EDF de Flamanville (Manche)
ne redémarreront pas avant
plusieurs mois, selon l’AFP.
Le réacteur 2 est en mainte-
nance depuis plus d’un an,
tandis que le premier a été
arrêté en septembre dernier à
cause d’un problème de cor-
rosion. Le groupe avait prévu
de les redémarrer cet hiver.
La situation à Flamanville est
« très préoccupante », jugeait
en décembre l’Institut de
radioprotection et de sûreté
nucléaire (IRSN).
Le Salon allemand
de l’automobile
migre à Munich
AUTOMOBILE La prochaine
édition du Salon allemand de
l’automobile, en 2021, aura
lieu à Munich, après près de
70 ans passés à Francfort. Un
contrat doit être signé « dans
les prochaines semaines » avec
la ville où BMW a son siège, a
indiqué mardi le VDA, le puis-
sant lobby de l’auto outre-
Rhin. Outre la capitale bava-
roise, Berlin et Hambourg
étaient dans la course pour
organiser ce rendez-vous du
secteur roi de l’industrie alle-
mande, mais qui a perdu en
attractivité. Francfort avait été
éliminé de l a course en j anvier
en même temps que Hanovre,
Cologne et Stuttgart. La der-
nière édition à Francfort, en
2019, a été marquée par
l’absence de nombreux cons-
tructeurs, un recul de la fré-
quentation du public, une
manifestation h ostile a u salon
et un blocus organisé par des
activistes écologistes.
Dominique Chapuis
[email protected]
Un peu plus de deux mois après avoir
été victime d’une fraude dans une de
ses 4 usines thaïlandaises, Essilor-
Luxottica a vu près de la moitié de la
somme détournée, gelée sur des
comptes en banque, notamment à
Hong Kong et à Singapour. L’affaire,
qui a donné lieu à des poursuites
dans 17 juridictions, serait circons-
crite au pays et n’aurait pas de ramifi-
cations à l’échelle du groupe dans
d’autres pays. De quoi rassurer le
champion mondial de l’optique, qui
n’avait pas besoin de cela : depuis sa
fusion avec l’italien Luxottica, il a été
malmené par des problèmes de gou-
vernance, avant de voir un fonds acti-
viste entrer au capital l’été dernier.
Huit salariés licenciés
L’aff aire remonte à la mi-décembre
- Le groupe met au jour
un détournement, dans une filiale
d’Essilor e n Thaïlande, d ont
l’impact financier est estimé à
190 millions d’euros maximum. Au
total, 5 salariés sont impliqués dans
l’usine, selon nos informations, dont
la directrice financière du site. Cette
dernière a été séduite sur Internet
par un prétendant, soi-disant en
manque d’argent, pour acquitter des
droits de succession. Un discours
bien rodé, arrosé d’un parfum de
romance, qui conduit la responsable
à faire régler des factures en faveur
de fournisseurs fictifs. Pour y parve-
nir, cette dernière réussit à convain-
OPTIQUE
Le géant de l’optique
a été victime d’une
fraude en Thaïlande,
dont l’impact financier
est estimé à 190 mil-
lions d’euros.
EssilorLuxottica
tire les leçons de
la fraude thaïlandaise