Libération - 13.03.2020

(Nancy Kaufman) #1

16 u Libération Vendredi^13 Mars 2020


Catherine Trautmann, maire de Strasbourg de 1989 à 1995, se présente aux municipales sur la liste «Faire ensemble».

A Strasbourg, écolos et marcheurs


se préparent déjà au duel


Malgré le retour
de l’ex-maire PS
Catherine
Trautmann, ­EE-LV
et LREM partent en
tête pour reprendre
la mairie alsacienne,
avec l’espoir pour
la majorité d’en faire
sa plus grosse prise
nationale.

D


evant le tract d’Alain
Fontanel, certains ont
tiqué. Le portrait du
candidat macroniste à la
mairie de Strasbourg est
­retouché de telle sorte que,

rent une alliance», a lancé
Catherine Trautmann à la
salle. Rires garantis.
Le retour à 69 ans de l’an-
cienne maire, qui dirigea
Strasbourg de 1989 à 1995,
électrise la campagne. Le PS
local s’est dépeuplé mais en
février, elle a remplacé au
pied levé le candidat investi,
Mathieu Cahn, mis en cause
dans une affaire de mœurs.
Jusque-là, c’est un duel plus
raccord avec la tendance na-
tionale qui se profilait, entre
Alain Fontanel et la tête
de liste écologiste Jeanne
Barseghian. Dans le seul
­sondage testant Catherine
Trautmann depuis son re-
tour, l’ancienne ministre de
la Culture multiplie quasi-
ment par deux le score du PS
ces derniers mois, passant
de 9 % à 17 %, de la 5e position
à la 3e, derrière EE-LV (25 %)

et LREM (27 %). «Le tram c’est
sa marque, elle a transformé
la ville», raconte un bistrotier
d’un quartier populaire pour
expliquer la popularité de
Trautmann. La candidate
joue de cette aura : «A l’heure
de la confusion, et le choix du
maire [sortant] y a contribué,
des personnes me remercient
du positionnement clair.»
Suffisant pour remobiliser
des quartiers devenus abs-

Par
Jean-François
Gérard
Correspondance à Strasbourg
Photo Pascal Bastien

«remettre de l’humain» dans
la gestion de la ville, des
transports collectifs 24 heu-
res sur 24 ou encore la créa-
tion de trois parcs. «Avant,
même si nous votions ensem-
ble avec les écologistes, nous
avions des vi-
sions différentes
de la ville», fait
valoir Fontanel,
vantant son «équipe beau-
coup plus unie désormais».

Popularité. Candidat éti-
queté LR, Jean-Philippe Vet-
ter goûte peu cette concur-
rence : «Je suis davantage en
cohérence avec mon discours
des six dernières années.» Dé-
but mars, dans une grande li-
brairie du centre-ville, sept
têtes de listes étaient invitées
à débattre. Jean-Philippe
Vetter et Alain Fontanel se
sont fait attendre. «Ils prépa-

dans ses cheveux la raie d’or-
dinaire à gauche, tombe à
droite. Ce qui vaut aussi pour
sa campagne : l’ancien secré-
taire national du Parti socia-
liste passé à LREM a enregis-
tré au fil de sa campagne des
soutiens venus
des rangs de
ce qui était jus-
qu’alors l’oppo-
sition de droite au maire sor-
tant, Roland Ries, socialiste
ayant lui aussi rallié la majo-
rité présidentielle. «Je prends
les idées d’où qu’elles viennent
tant qu’elles vont dans l’in­-
térêt des Strasbourgeois», se
défend Fontanel, premier ad-
joint de Ries qui ne se repré-
sente pas. Cet «homme de
dossiers», dixit ses proches,
mise en réalité sur plusieurs
électorats, de centre droit,
certes, mais aussi de gauche
multipliant ses promesses de

L'histoire
du jour

«LREM
ne prendra pas
le risque de perdre
la huitième ville
de France, la plus
grande qu’elle
peut gagner.»
Un cadre de la
fédération LR locale

MUNICIPALES


tentionnistes dans une ville
aussi inégalitaire que Mar-
seille? «L’ère Trautmannn
était audacieuse. La périphé-
rie était au centre. On était
respectés avec des investisse-
ments conséquents», se sou-
vient Yan Gilg, militant asso-
ciatif et culturel depuis 1989.
Mais il demande encore à
être convaincu : ce qui le fait
douter, c’est l’absence dans
le programme socialiste de
projet «d’équipement culturel
d’envergure dans les secteurs
en difficultés».

«Convergence». Cathe-
rine Trautmann cultive
son image en approfondis-
sant ses propositions sur les
transports. «Le tram roule
toujours et moi aussi», plai-
sante-t-elle. Mais les enjeux
des années 90 sont-ils ceux
de 2020? Membre de la ma­-
jorité sortante PS-EE-LV,
la candidate verte Jeanne
Barseghian reconnaît que
«Strasbourg a su être pion-
nière sur le tram ou le vélo
dans les années 90, mais la
ville s’est un peu reposée en-
suite». «La différence avec les
années 2000 est le niveau
d’urgence, mais aussi, ajoute
la candidate verte, la conver-
gence entre les luttes écolo­-
giques et sociales mise en
exergue dès le mouvement des
gilets jaunes.»
Dans ce contexte incertain, les
états-majors tablent sur cinq
listes en capacité de se main-
tenir : le RN, LR, LREM, le PS
et EE-LV. L’alliance ­serait
«plus naturelle» avec les éco-
los, rassure-t-on dans l’entou-
rage de Trautmann à l’adresse
de ceux qui craignent un re-
centrage de leur ancienne
championne entre les deux
tours. Face à ce bloc de gau-
che ragaillardi, Alain Fonta-
nel pourrait avoir besoin de
Jean-Philippe Vetter, crédité
d’environ 15 % des intentions
de vote. «La Répu­blique en
marche ne prendra pas le
­risque de perdre la huitième
ville de France, la plus grande
qu’elle peut gagner sous ses
couleurs», prédit un cadre de
la fédération LR locale, qui
imagine déjà un très bon ac-
cord proposé à Vetter. Mais ce
scénario ne convainc pas
tout le monde : avant des
régio­nales, départementales
et sénatoriales cruciales pour
la droite alsacienne, certains
estiment qu’il serait suicidaire
pour LR de servir de marche-
pied aux macronistes.•

Les municipales sous tous les angles
Des infos, des coulisses «fait maison», du dé-
cryptage (toute la gauche, des insoumis – Ruffin
et Autain – aux Verts – Bayou – était présente
à Grenoble mardi soir pour soutenir le maire
EE-LV sortant Eric Piolle, mais les écolos rêvent de conquérir d’autres
grandes villes, comme Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Besançon...)
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