Les Echos - 13.03.2020

(sharon) #1

Les régulateurs sortent l’artillerie lourde


en faveur des banques


der. La présentation de cet arsenal
est intervenue en même temps que
les annonces de politique moné-
taire de la BCE, qui a annoncé de
nouvelles vagues de prêts géants en
faveur des banques (TLTRO). « Les
banques doivent être en mesure de
continuer à financer les ménages et
les entreprises qui connaissent des
difficultés temporaires », a com-
menté Andrea Enria, le patron de la
supervision bancaire à la BCE.

Des fonds propres libérés
Pour libérer du temps aux ban-
quiers, les autorités ont annoncé un
report à 2021 des tests de résistance
des banques. « Organiser un “stress
test” actuellement, c’est comme
confiner toute la population et orga-
niser en même temps un exercice
d’incendie », explique un habitué de
l’exercice. Mais c e qui devrait réjouir
les banques, c’est la permission
« temporaire » de ne plus respecter
toutes les exigences dites de pilier 2.
Il s’agit des exigences en fonds pro-
pres fixées banque par banque par
le superviseur. De plus, les prêteurs
vont bénéficier d’un coup de pouce
qui n’aurait dû entrer en vigueur
qu’en janvier 2021 : le pilier 2, large-
ment composé de fonds propres
« durs », pourra contenir de la dette
de moins bonne qualité et plus sim-
ple à lever. Cela permet de « libérer »
les fonds propres « durs » (CET1). « A
l’échelle de l’Union européenne, cela

liquidité (LCR). La BCE envisage
aussi de remettre à plus tard ses ins-
pections sur site auprès des ban-
ques, et d’accepter que celles-ci
prennent du retard dans les mesu-
res correctives exigées à l’issue de ce
type d’inspections.

Un vrai numéro
d’équilibriste
Egalement très attendu sur le trai-
tement des créances douteuses, le
gendarme bancaire a simplement
renvoyé à un mode d’emploi publié
en mars 2017. Ce manuel donne
« aux autorités de surveillance une
souplesse suffisante pour s’adapter
aux circonstances propres aux ban-
ques », suggère la BCE. Tout cela
en s’assurant « de la solidité pru-
dentielle d’ensemble ».
Ces mesures exceptionnelles sont
une première depuis la crise finan-
cière, justement suivie par un enca-
drement plus strict des banques.
Elles soulignent le niveau d’inquié-
tude de la BCE sur la situation é cono-
mique, mais pourraient aussi nuire
à la visibilité de la santé réelle d’une
banque. En amont de ces annonces,
la Fédération des banques euro-
péennes (EBF) avait appelé à un
vaste assouplissement des règles,
dont l’association Finance Watch
s’inquiétait déjà. A ses yeux, assou-
plir la supervision « augmenterait le
risque » de voir « une crise financière
en plus d’une crise sanitaire ».n

Edouard Lederer
@EdouardLederer

Les superviseurs bancaires euro-
péens sortent l’artillerie lourde.
L’Autorité bancaire européenne
(EBA) et le Conseil de supervision
unique (SSM), le gendarme ban-
caire de la zone euro logé au sein de
la Banque centrale européenne,
ont annoncé jeudi une série de
mesures exceptionnelles pour ten-
ter de donner du tonus aux ban-
ques, et les aider à soutenir les
entreprises confrontées à la crise
du coronavirus.
Sans pour autant réussir à met-
tre fin au massacre des valeurs b an-
caires : Natixis a chuté jeudi de 21 %,
Crédit Agricole SA perdant 16,5 %,
Société Générale 17,14 % et BNP
Paribas 13,09 %. Les replis sont
comparables pour ING, Deutsche
Bank, UniCredit ou encore Santan-

La BCE – qui assure la
surveillance des grandes
banques de la zone euro –
a annoncé un relâchement
« temporaire » de
ses exigences en fonds
propres, une façon de
soutenir les banques face
aux effets du Covid-19
sur l’économie. Autre
mesure phare : les tests
de résistance sont reportés
à l’an prochain.

réelle. Il s’agit essentiellement de
filets de sécurité destinés à résou-
dre un éventuel problème de liqui-
dité bancaire. Puis, à compter du
24 juin, un nouveau TLTRO per-
mettra aux banques de se financer
auprès de la BCE à – 0,75 %. Soit un
taux i nférieur de 25 p oints d e base à
celui qu’elles payent pour placer
leurs liquidités a à la banque cen-
trale. Du jamais-vu.

Entreprises fragiles
Les volumes alloués augmente-
ront. « Cela pourrait se traduire par
exemple par une hausse du montant
éligible de 250 milliards d’euros pour
les banques italiennes et 190 mil-
liards pour les banques espagnoles »,
calcule Frederik Ducrozet. De plus,
la BCE a indiqué qu’elle réfléchissait
à un mécanisme qui permettrait
aux banques d’apporter des dettes
d’entreprises plus fragiles – notam-
ment des PME – en garantie des
financements qu’elles reçoivent
de la banque centrale. Une façon de
les inciter à ne pas couper le robinet
du crédit.
La BCE va aussi bénéficier d’une
enveloppe de 120 milliards pour
acheter des obligations d’Etat ou
d’entreprises sur les marchés en
plus des 20 milliards mensuels
qu’elle consacre à son programme
d’achat d’actifs. Son utilisation est
très souple. Elle pourrait décider de
dépenser 30 milliards d’euros en un
mois, si nécessaire, pour calmer les
tensions. Certains spécialistes espé-
raient voir la banque centrale
s’affranchir de la limite de 30 %
qu’elle s’est imposée sur la dette des
Etats. Christine Lagarde est restée
muette à ce sujet, indiquant tout de
même que la BCE pourrait acheter
plus de dette d’entreprises.
Ajoutant à la déception, la Fran-
çaise a eu une phrase maladroite :
« La BCE n’a pas pour rôle de réduire
les “spreads” [les écarts entre les
taux d’emprunt des différents Etats
européens, NDLR] » Un commen-
taire qui a glacé les marchés, tant il
contraste avec l’image d’une ban-
que centrale prête à tout pour évi-
ter une nouvelle crise de la dette. L a
présidente de la BCE a été obligée
de clarifier ses propos quelques
minutes plus tard, dans une inter-
view à CNBC. « Je suis pleinement
déterminée à éviter toute f ragmenta-
tion dans un moment difficile pour
la zone euro », a-t-elle déclaré.
Avant d’ajouter : « Des “spreads” é le-
vés liés au coronavirus pourraient
gêner la transmission de la politique
monétaire ».n

lLa BCE a présenté une série de mesures pour lutter contre les conséquences du coronavirus, mais sans baisser ses taux.


lUne phrase de la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a fait vaciller les marchés.


Coronavirus : la BCE déçoit


Guillaume Benoit
@gb_eco


Christine Lagarde était particuliè-
rement attendue jeudi. La Banque
centrale européenne, qu’elle pré-
side, était en effet le dernier des
grands instituts monétaires à pré-
senter ses mesures pour lutter con-
tre le coronavirus. Mais la confé-
rence de presse de la Française a
laissé une impression pour le
moins mitigée.
Dans une salle inhabituellement
peu remplie pour c ause d’épidémie,
la Française a beaucoup insisté sur
le rôle que doivent jouer les Etats.
Alertant sur l’impact significatif
que devrait avoir le coronavirus sur
l’économie européenne, elle a
déclaré « qu’une réponse budgétaire
rapide, ambitieuse et coordonnée
était indispensable pour soutenir les
entreprises et les t ravailleurs » mena-
cés par les conséquences du coro-
navirus. « Nous ne viendrons à bout
de ce choc que si nous travaillons
ensemble », a-t-elle ajouté.


Déception des marchés
Christine Lagarde avait déjà mar-
telé ce message mardi aux chefs
d’Etat et de gouvernement
européens, les menaçant, en cas
d’inaction, d’une crise à l’ampleur
comparable à celle de 2008. Mais
dans le cadre de la conférence de
presse de la BCE, certains observa-
teurs ont perçu cette insistance
comme un aveu d’impuissance de
la banque centrale. « La BCE n’a
manifestement pas répondu aux
attentes des investisseurs. Le pouvait-
elle d’ailleurs? » s’interroge ainsi
Aurel-BGC.
Les marchés ont notamment été
déçus par l’absence d’une baisse du
taux de dépôt de la BCE. Ils atten-
daient ce geste de la part de la ban-
que centrale après les décisions s ur-
prise de la Fed et de la Banque
d’Angleterre de réduire leurs taux
directeurs de 50 points de base. Et
ils n’ont pas applaudi les autres
mesures annoncées.
« La banque centrale a pourtant
fait un choix d’outils ciblés et flexi-
bles particulièrement judicieux
pour soutenir l’économie et le finan-
cement dans la zone euro », tempère
Frederik Ducrozet, chez Pictet. La
BCE va lancer dès lundi, et jusqu’au
mois de juin, une série de TLTRO,
des prêts de long terme pour les
banques qui financent l’économie


BANQUE CENTRALE


La Fed va injecter 1.500 milliards


de dollars sur le marché monétaire


La Réserve fédérale a annoncé jeudi soir qu’elle allait
procéder à trois opérations de 500 milliards de dollars
chacune sur le marché monétaire. Ces « repo », des prêts
court terme garantis par des actifs, permettront
de relâcher la pression sur les financements interban-
caires. La banque centrale va également intensifier
ses achats de dette d’Etat américaine, pour compenser
le manque de liquidité sur certaines maturités.


revient à libérer entre 500 et 600 mil-
liards d’euros de fonds propres afin
d’encaisser des pertes ou prêter
davantage », calcule Jérôme Legras,
directeur de la recherche chez
Axiom AI. « On attend des banques
qu’elles utilisent les effets positifs de
ces mesures pour soutenir l’économie
et non pour augmenter les distribu-
tions de dividendes ou les rémunéra-
tions variables », prend soin de pré-
ciser la BCE... qui ne va pas jusqu’à
interdire les versements de dividen-
des sur la période. Dans le même
esprit, les banques auront aussi la
permission de puiser dans les réser-
ves couvrant leurs besoins de liqui-
dité à 1 mois. Le régulateur sera plus
souple sur le respect du ratio de

« Les banques
doivent être
en mesure
de continuer
à financer
les ménages
et les entreprises
qui connaissent
des difficultés
temporaires. »
ANDREA ENRIA
Patron de la supervision
bancaire à la BCE

FINANCE & MARCHES


Vendredi 13 et samedi 14 mars 2020Les Echos

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