Paris Match - France (2020-11-12)

(Antfer) #1

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cenesontplus
lesmasquesoules
respirateursqui
manqueront,maisdes
hommesetdesfemmes

Avecdesrésidentsdel’Ehpad
MaisonFerrarile 6 novembre,à
Clamart,encompagniede
Brigitte Bourguignon,ministredéléguée
chargéedel’Autonomie.

se faisait tancer par le présidentil fallait
comprendrequ’ily a unegravedégrada-
tiondeleurrelation...il n’yauraitplus
grandmondedanslegouvernement!»
relativise un membre de lamajorité.
Il y a aussi eu ces dizaines deplaintes
déposées devant la Cour de justicede
laRépublique.Aprèsl’ouvertured’une
informationjudiciaire enjuilletpour
«abstentiondecombattreunsinistre»,
les gendarmes ont mené desperquisi-
tions simultanées aux domicilesetdans
les bureaux d’Olivier Véran, deJérôme
Salomon,d’EdouardPhilippe,d’Agnès
BuzynoudeSibethNdiaye.C’étaità
l’aube,le 15 octobre, quelquesheures
après qu’Emmanuel Macron avait
annoncéleretourdel’étatd’urgence
sanitaire etl’instaurationde couvre-
feux.OlivierVéranassurequ’ila «toute
confianceenlajustice».
Al’Assembléenationale,sonétoilea
pâlienmêmetempsquel’uniténationale
volaitenéclats.Lesoirdu 3 novembre,
dans l’hémicycle, il s’emporte. Lesdépu-
tés de l’opposition, plus nombreuxque
ceux de la majorité en désordre,viennent
de faire voter des amendementsantici-
pant la fin de l’état d’urgence. Leministre
de la Santé débarque. Il parledeces
jeunesmaladesduCovidqu’ilvientde
voirà Corbeil-Essonnes,quandil entend
lesremarquesdel’opposition.«Ilva
nousfairepleurer», ironisele députéLR
JacquesCattin.Leministresortdeses
gonds: «C’est ça la réalité, mesdameset
messieurs les députés. Si vousnevoulez


pasl’entendre,sortezd’ici! [...]Vous
êtesentraindedébattre,alorsquenos
soignantssebattentpoursauverdesvies
decettemanière-làdansnoshôpitaux!»
Même ses parents ne l’avaientjamaisvu
autant en colère. Quatrejoursplustard,
lors de la lecture finaledutexte,l’agita-
tion n’est pas retombée.Adroitecomme
à gauche, les élus de l’oppositionconti-
nuentdes’indigner,dedéplorerl’ab-
sencededébat,allantparfoisjusqu’à
craindreune«dérivetotalitaire».
Ses alliés resserrent les rangs.
RichardFerrand,leprési-
dentdel’Assembléenatio-
nale,s’exclame: «C’estun
bon,Olivier.C’estuncou-
rageux!» RolandLescure,
présidentLREMdela com-
missiondesaffairesécono-
miquesauPalais-Bourbon,
considère: «C’est un des
meilleurs ministres delaSantéqu’on
aitconnus,à lafoisdotéd’une expé-
riencepolitiqueetcrédibled’unpoint
devuemédical.» GenevièveFioraso,
dontil a étéledéputésuppléant,pense
qu’il«a euraisondepousseruncoup
degueule.Il esttrèsénergique,assure-
t-elle,maisil nepeutpasnonplustout
faire». Luiaffichedela distance: «C’est
le jeu politique. Ce quim’exaspère,en
revanche, c’est le doublediscoursdecer-
tains élus capables devousdireunjour
que les mesuresprisessontexcessives,
et la semainesuivante,constatantl’ag-
gravation delasituationépidémique, de

vousreprocherden’avoirrienfaitpour
enrayerlevirus.»
Lacacophoniedesscientifiques,des
«rassuristes» aux alarmistes, a aussi pu
semer le trouble, provoquer de la las-
situde,voireentamerlacrédibilitédes
mesures contraignantes. La tribune
signéele 10 septembre par 35  scienti-
fiques critiquant la communication trop
anxiogènedugouvernementa puretar-
dercertainesdécisions,jugentplusieurs
responsablespolitiques.«Les déclara-
tions de certains médecins nous ont fait
du mal collectivement, déplore pour sa
part Olivier Véran. Si, en août, quand
j’alertaissurla reprisedel’épidémiequi
touchaitalorslesjeunesdanslesvilles
duSud,unemajoritéd’expertsavaitdit:
“Ce qui nous pend au nez, c’est une deu-
xième vague, il faut tous s’y mettre pour
l’enrayer maintenant”, la deuxième vague
aurait sans doute été retardée. Mais, à
l’époque,desmédecinsaffirmaientque
c’étaitbienquelesjeunessecontaminent
pouratteindreuneformed’immunité!
C’est irresponsable!» A  Colombes,
c’est le même effarement que l’équipe
exprime à propos de plusieurs confrères.
Les soignants implorent le ministre de
poursuivre la pédagogie, d’alerter sur
la dangerosité de ce virus. Avant son
départ,ilssontplusieursà luideman-
derunselfie.Cematin,lamêmescène
s’étaitproduiteà laMaisonFerrari,un
EhpaddeClamart.«Pour la première
fois depuis des années, nous avons un
ministrequiparlecommeunmédecin
et qui nousparle comme
à des médecins», résume
une généraliste caennaise,
jamais tendre avec les pré-
décesseurs de Véran.
Aujourd’hui, la hausse
des contaminations quo-
tidiennes rend probable
un durcissement de ce
deuxième confinement.«Ce Noël ne
sera pas comme les autres, répète le
ministre.Il estinimaginabledevoirdes
sallesdesfêtesrempliesauréveillondu
nouvelan,avecdespersonnesquis’em-
brassentsousleguià minuit.» Olivier
Véranenestpersuadé: «Il faut sortir
del’utopieselonlaquelleonauraitun
moyend’empêcherlevirusdecirculer.
Onsaitlefreiner,paslesupprimer.» Il
y aurait bien une solution... Confiner au
même moment toute la population mon-
diale. Le Covid-19 ne trouveraitalors
plus aucun hôte.Une nuit,OlivierVéran
a fait ce rêve.n @aslechevallier
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