Paris Match - France (2020-11-19)

(Antfer) #1

« Jeune homme, Je voulais qu’on


me confie des rôles autres que voleur


d’autoradios. Pour qu’on me


remarque, je suis devenu humoriste »


Par Ghislain Loustalot


e rendez-vous est censé avoir lieu
dans un espace de coworking
près de la gare Saint-Lazare, mais
aucun bureau n’est libre. Il propose
de réaliser l’interview assis dans
l’escalier, expérience qui l’amuse.
Son sourire d’enfant apaisé mange
la moitié de son visage. Pour
obtenir le rôle du journaliste
dans une superproduction américaine,
Tomer Sisley a envoyé une vidéo réalisée
tant bien que mal avec son téléphone...
Dans quelques jours, ce n’est pas à un
écran de portable qu’il donnera la réplique
mais à la star DiCaprio. Et il a hâte de
se confronter, les yeux dans les yeux, à
celui qu’il considère comme un des trois
meilleurs acteurs du monde. Tomer Sisley
avait déjà cédé à deux reprises aux sirènes
américaines, dont une fois en 2013 avec
« Les Miller : une famille en herbe », dans


lequel il assistait à un strip-tease chaud-
bouillant de Jennifer Aniston. Il a égale-
ment joué dans la série « Messiah », qui a
fait couler beaucoup d’encre. Ce Frenchy,
qui parle couramment anglais, aura-t-il
envie de s’installer à Hollywood? « Je
ne me l’autorise pas. J’ai déjà refusé des
opportunités énormes. Partir longtemps,
je ne pouvais pas... J’ai deux enfants qui
vont à l’école ici. Je me suis battu dure-
ment avec leur mère pour les avoir une
semaine sur deux et je ne compte pas y
renoncer. » Ce temps béni de l’enfance,
il veut le protéger coûte que coûte. La
sienne n’a été ni rose ni simple.
Ses parents, chercheurs en derma-
tologie, avaient quitté Israël pour aller
s’installer à Berlin-Ouest, où il est né
le 14 août 1974. Quels souvenirs forts
garde-t-il de sa vie en Allemagne? « La
solitude. Mon père, qui a eu l’opportunité
de travailler pour L’Oréal, est parti pour
le sud de la France quand j’avais 5 ans. A
6 ans, je prenais le métro seul pour aller à
l’école. Ma mère? Il lui manquait le gène
de la maternité. D’origine yéménite, elle
cousait ses propres vêtements, parlait très
mal allemand. J’ai développé une forme
de honte, comme le font parfois les enfants
qui ont le sentiment d’être ostracisés.
Mais je ne la remercierai jamais assez de
m’avoir laissé m’en aller avec mon père
quand il est venu me chercher à l’âge de
9 ans. C’était pour une année seulement,
et elle devait nous rejoindre. Pour des
raisons qui les regardent, rien de tout cela
ne s’est produit. Mais ma vie
a commencé là. » Tomer Sisley
a pourtant déjà découvert sa
vocation. A 7 ans, il regarde
en boucle « Vera Cruz », de
Robert Aldrich, et n’a d’yeux
que pour Burt Lancaster,
sa présence physique quasi

animale. Il sera acteur. Plus tard, il aura
d’autres modèles : Gérard Lanvin, vu à
10  ans dans « Les spécialistes » et, bien
sûr, Jean-Paul Belmondo, qui l’a toujours
fait rêver. Comme lui, il a été Stavisky à
l’écran. Comme lui, acteur remuant, il
réalise la plupart de ses cascades. Son
« grand kiff »? Défier la pesanteur, léger
comme une plume, pour adoucir, peut-
être, les lourdeurs de l’existence. « Au
centre aéré, après l’école, il y avait une
balançoire. Mon jeu favori était de la faire
monter très haut et de me lâcher en fin
de course pour voler au-delà du possible,
et jouir de cette sensation de liberté. » Il
deviendra plus tard pilote d’hélico, mais
dingue aussi de chute libre : « Voler hori-
zontalement sur des centaines de mètres
fait de vous un oiseau. C’est un shoot de
bonheur. » Le même qu’avec cette balan-
çoire. On n’échappe pas à l’enfance.
Le rôle de « Balthazar » – médecin
légiste hors normes, Sherlock Holmes des
viscères, fleur bleue tourmentée, adepte
de sports extrêmes et d’humour noir – a
été écrit pour lui. Il dit qu’il l’a rapproché
de son père, à qui rien de ce qui est médical
n’est étranger. Dans le premier épisode de
la troisième saison, qui vient de démarrer,
on le découvre seul au milieu de l’océan
à la barre d’un deux-mâts. « J’ai repensé à
tous ces week-ends où je me faisais chier
à mourir sur son voilier. On se traînait
alors que je ne rêvais que de moteur et
de vitesse. Pourtant, pendant le tournage,
j’ai retrouvé les gestes. Je me suis senti

Plus de 7 millions
de téléspectateurs le 12 novembre
sur TF1. Opération déjà réussie
pour la saison 3 de « Balthazar ».

Sa belle gueule et sa silhouette athlétique
ont charmé Cerruti. Depuis septembre, il incarne
la fragrance du parfumeur, 1881 Silver.

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