Beef_Magazine_N_20__D_233_cembre_2018-F_233_vrier_2019

(Maria Cristina Aguiar) #1

CHAPITRE  : LE FUMAGE


Tactique de l’écran


de fumée


Q


uiconque aime consommer la
viande de grands animaux se
sent vite limité avec un four ou
un barbecue sphérique. Et
même l’espace offert par une
station de barbecue à gaz à couvercle semble
restreint quand on veut cuire un dindonneau
entier, un jambonneau complet ou un
demi-dos de bœuf. Ou quand on veut
simplement transformer une épaule en effi -
loché de porc ou une poitrine de bœuf en
« brisket ». Heureux qui vit suffi samment
loin des voisins et dispose d’une place de
stationnement pour un grand chariot à
bâche, ce grand fumoir typique en trois
pièces pouvant accueillir jusqu’à 100 kilos de
viande dans son espace de cuisson. Le
fumage est le territoire des projets de gril-
lade de très grande envergure. Et quand il
est pratiqué dans les règles de l’art, c’est
également l’étendard de la tendance dite du
« nose-to-tail », car il n’existe aucune pièce
de viande qui ne puisse pas devenir un bon
plat rustique et juteux après une journée
dans une fumée à température modérée (80
à 130 degrés), même truffée de graisse,
tendons, fi bres, tissus conjonctifs et carti-
lages. Ces collagènes requièrent de longs
temps de cuisson pour se transformer en
gélatine. L’humidité qui s’évapore de la
viande, qui doit constamment être badi-
geonnée de marinade pendant le fumage,
favorise également ce processus.
Cela vaut tout particulièrement pour la
volaille ou les poissons, dont la peau, cont-
rairement aux idées reçues, n’entrave pas la
pénétration des arômes fumés dans la chair.
Les peaux repoussent certes les liquides
mais les gaz (et donc la fumée) peuvent

traverser la membrane vers l’intérieur, tant
que cette dernière reste humide. Même la
couche typique noir rougeâtre autour de la
viande, croustillante dans le meilleur des
cas, souvent plutôt coriace, reste perméable
au gaz y compris après plusieurs heures de
fumage. Cette croûte caramélisée appelée
« bark » acquiert son aspect brillant carac-
téristique du fait des résines générées lors de
la réaction de phénols dans la fumée avec les
protéines et les amidons à la surface de la
viande. La formation du fameux anneau de
fumée (voir page 104) repose également
sur des réactions semblables. Il empêche la
formation d’arômes rances mais ne présente
cependant aucun intérêt culinaire particu-
lier. En eff et, même des palais entraînés ne
détectent aucune diff érence avec la viande
au-dessous.
La diff érence entre les pièces de viande
préparées complètement au fumoir et celles
qui ont d’abord été cuites principalement
dans un bain sous vide avant d’être placées
entièrement cuites au fumoir est également
étonnamment ténue. Nombre de connais-
seurs en matière de viande trouvent cette
méthode mixte plus savoureuse, car les
couches internes de viande perdent nette-
ment moins de jus. Cependant, avec un
temps de fumage suffi sant à la fi n, un arôme
fumé appréciable est perceptible. Pour
essayer cette méthode, il convient de choisir
une pièce de viande relativement maigre où
les fi bres sont compactes (comme par ex. de
l’échine de porc ou du romsteck de bison).
Le processus calme et sans fumée de la
cuisson préalable au bain-marie permet au
moins au responsable du barbecue d’éviter le
rechargement nocturne en bûche.

VOUS ENFUMEZ LES ENVIRONS COMME UNE LOCOMOTIVE? SURTOUT, NE CHANGEZ RIEN :


LE FUMAGE EST L’UNE DES MÉTHODES DE CUISSON À LA FOIS LES PLUS EFFICACES


ET LES PLUS ARCHAÏQUES POUR LA VIANDE ET LE POISSON. LES PROFESSIONNELS


ONT UNE ASTUCE POUR ÉCOURTER LE TEMPS PASSÉ DANS LA FUMÉE.


▶ CONSEIL DE PRO


SAUMURER
LA VIANDE
Quand on fait mariner la viande, il
est important de ne pas ajouter de
sel du tout, car cela dessècherait la
pièce. L’eŽ et inverse se produit
quand on dépose un rôti ou de la
volaille dans une solution sucrée ou
salée très concentrée. Il est possible
d’augmenter cet eŽ et en ajoutant de
petites quantités de phosphate et de
chlorure de calcium (mais pas de
nitrate à saumure) : les muscles
deviennent plus tendres, la viande
perd moins de liquide lors de la
cuisson, surtout au fumoir ou sur un
barbecue à couvercle fermé, et
devient plus juteuse. Aux États-Unis,
le « brining » (saumurage) est
monnaie courante, les professionnels
utilisent généralement la méthode de
l’équilibre : poids de l’eau + poids de
la viande sans les os=poids total ; y
faire dissoudre 1 % de sel et 0,5 %
de sucre. Faire mariner au moins un
jour dans un sachet.

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