IL ÉTAIT UNE FOIS LE CLITO...
400 ans av. J.-C. Hippocrate et ses disciples soulagent
leurs patientes par des massages thérapeutiques de la vulve.
Le clitoris reste néanmoins un concept flou.
- La découverte du clitoris est revendiquée par un ana-
tomiste italien, au nom joliment prédestiné de Colombo.
L’organe est schématisé en entier; on lui reconnaît un pou-
voir orgasmique formidable. Et comme on croit que le plaisir
joue un rôle clé dans la reproduction, tout le monde est ravi
de cette nouvelle qui assure de nombreux descendants. - Fini la lune de miel. Alors que le phénomène de
l’ovulation est mis en lumière, on comprend bien vite que le
clitoris n’a aucun rôle reproducteur. L’imposteur est relégué
aux oubliettes. Certains médecins prédisent même son
éventuelle disparition du corps humain. - Défenseur phallique devant l’éternel, Freud ramène le
clitoris à l’ordre du jour, mais pour mieux le traiter d'organe
de plaisir de bas étage. Les femmes, les vraies, préfèrent
l’orgasme vaginal. Sans commentaires. - Un groupe de sexologues américains dévoile que
le clitoris est en réalité beaucoup plus sensible que les
parois vaginales. Tiens, tiens... - La chercheuse américaine Shere Hite annonce que
le pénis ne serait pas au cœur de la jouissance féminine.
Étrangement (ou pas), ses conclusions sont mal accueillies
par le public masculin. Croulant sous les lettres de menaces,
elle finit par s’exiler en Allemagne. - Coup de théâtre! Une étude scientifique popularise
le célèbre point G. La planète s’enflamme et part en quête
de ce nouvel eldorado de la jouissance féminine.
Clitoridienne ou vaginale, il faut choisir son camp! - Le clitoris reprend ses droits avec les premières
études utilisant l’imagerie par résonance magnétique.
On confirme son anatomie, sa taille réelle et, surtout, sa
puissance orgasmique. Et vlan dans les dents, Freud! »»
Il ne s’agit ni d’un bretzel , ni d’un alien,
ni d’un émoji ... Alors qu’est -ce?
Le clitoris, un organe aux courbes extrava-
gantes, trop longtemps relégué au statut de
bouton délicat. Conséquence d’une omerta
millénaire, plusieurs ne savent toujours pas
le définir ni même le reconnaître.
Depuis quelques années, les initiatives
se multiplient pour en finir avec cet anal-
phabétisme sexuel. Nouvelle star de
l’heure, le clitoris s’empare des réseaux
sociaux, des librairies et des manuels sco-
laires. En Europe, il investit même la
sphère publique, se retrouvant sur les
murs et sur les trottoirs, orné de motifs
psychédéliques et de slogans culottés.
Autrefois muselé, le clitoris se fait main-
tenant porte-clés, coussins décoratifs,
boucles d’oreilles... Délivré, libéré, comme
le dit la chanson.
Dessine -moi un clitoris
Symbole d’un nouvel activisme féministe, le
clitoris incarne la réappropriation par les
femmes de leur corps et de leur plaisir. Une
arme de rébellion massive.
Selon Myriam Daguzan Bernier, étu-
diante en sexologie et auteure du livre Tout
nu! Le dictionnaire bienveillant de la sexualité, la
révolution du clitoris transcende la sexua-
lité pour englober des questions sociales et
identitaires: «Les femmes ont des capacités
orgasmiques extraordinaires. Pourquoi
n’en parle-t-on pas? Arrêtons de cacher le
clitoris, parlons-en, détaillons-le! Dire que
le clitoris existe, c’est dire que les femmes
existent.»
Comme le mentionne l’historienne
Delphine Gardey dans son ouvrage Politique
du clitoris, le clitoris est l’organe de l’insou-
mission, le lieu par lequel la jouissance des
femmes s’exprime pour elle-même, loin de
toute emprise du masculin.
Il faut dire que ce faux bouton, soumis
au joug de la culture patriarcale, a une
histoire bien tourmentée. Ridiculisé par
les uns, diabolisé par les autres, le clitoris
disparaît du paysage à la minute où les
chercheurs comprennent qu’il ne joue (')f'v .. l9-tw!