Coup de Pouce - (04)April 2020

(Comicgek) #1

«
L


’aliénation parentale est bien plus
qu’un conflit opposant deux pa-
rents, c’est de l’abus psychologique

à l’égard des enfants», indique Joanna Murphy,


responsable des communications et de l’ac-


compagnement des familles au Carrefour


Aliénation Parentale. On est en présence


d’aliénation parentale quand un des deux pa-


rents influence activement son enfant de ma-


nière que celui-ci en vienne à rejeter l’autre


parent, et ce, sans raison ou motif valable. C’est


un peu comme si les enfants devenaient des


soldats manipulés par le parent aliénant qui les


pousse à endommager ou même à rompre la


relation avec l’autre parent. «Parfois, il s’agit


d’une forme de vengeance de la part du parent


aliénant. Il veut atteindre l’autre par l’enfant»,


explique Marie Montpetit, intervenante psy-


chosociale et auteure, entre autres, de Réussir


sa famille monoparentale et recomposée. Mais les


conséquences sont désastreuses. «Les parents


sont censés être responsables de la construc-


tion de l’enfant. Or là, on démolit ses fonda-


tions. Avec les années, il ne pourra qu’être


“patché” et demeurera toujours fragile», il-


lustre l’intervenante.


Chantage affectif et dénigrement


«Pendant des années, ma mère m’a dit que


notre père ne nous aimait pas et que tout ce


qui l’intéressait, c’était l’argent. Pourtant, j’ado-


rais mon père. Mais la relation que j’entrete-


nais avec lui faisait rager ma mère. Elle déni-


grait tout ce qu’il faisait et ridiculisait mon


amour pour lui», raconte Virginie, trentenaire


et mère à son tour. Elle sentait qu’elle n’avait


pas le droit d’aimer son père ni même de par-


ler de lui. Sa mère rejetait tout ce qui venait de


lui. «L’enfant comprend alors qu’une moitié de


lui-même n’est pas bonne, ce qui peut parfois


mener à des comportements d’automutila-


tion», précise Marie Montpetit.


L’enfant aliéné est non seulement mani-


pulé, mais aussi coincé dans une prison


affective. «Il vit à côté de sa réalité pour se


protéger de la douleur, indique Joanna


Murphy. Puisqu’il subit une grande pres-


sion psychologique, il finit par flancher et


par briser la relation avec le parent qui lui


offre pourtant un amour inconditionnel,


parce que, dans sa tête, celui-ci est capable


d’en prendre.»


C’est exactement ce qui est arrivé à Virginie: «Un
jour, mon père m’a proposé d’habiter chez lui. J’étais
tellement contente! Mais quand j’en ai parlé à ma
mère, elle a fait une colère épouvantable, me mena-
çant de ne plus m’aimer. Je suis finalement restée chez
elle. Je me suis ensuite mise à repousser mon père.
Plusieurs années plus tard, quand ma mère m’a mise à
la porte, je suis allée chez lui, mais quelque chose était
brisé. J’avais fini par croire ce qu’elle me disait. Ça a
pris du temps, mais maintenant, ma relation avec mon
père est sereine.»

L’entourage aurait pourtant pu faire un signalement.
Mais, bien souvent, chacun se tait. Or le rejet d’un pa-
rent par un enfant sans qu’il existe de situation d’abus,
de négligence ou de maltraitance est un indice sérieux
d’aliénation. «C’est le temps de dire à un proche: “Il me
semble que ce que tu affirmes sur ton ex, c’est exagéré.
Je ne dis pas que tu n’as pas le droit d’avoir de la peine...”
Un parent a le droit d’en vouloir à l’autre, mais il faut
préserver l’enfant, qui n’est ni un bouclier, ni un soldat,
ni un messager. Si l’on se rend compte soi-même qu’on
a des comportements aliénants, c’est le temps d’aller
consulter. Il se peut aussi qu’on ait besoin que quelqu’un
nous ouvre les yeux...», soutient Marie Montpetit.

La détresse de l’autre parent
Marie-Dominique sent que ses deux jeunes adolescentes
lui échappent toujours un peu plus chaque jour. Son ex-
conjoint multiplie les agissements dénigrants, prend des
décisions sans la consulter, répète des mensonges sur
elle, ne respecte pas les horaires et rejette toujours la
faute sur elle depuis des années. «Chaque matin, je me
lève convaincue que je vais cesser de me battre. Puis, au
fil de la journée, je me dis que je ne peux pas faire ça.
Mais en même temps, je n’ai pas d’espoir que ça change
à court terme. Même si tous les spécialistes affirmaient
que c’était de l’aliénation parentale, quand le juge a vu
mon dossier, il n’a rien fait. Tenir le coup est terriblement
dur mentalement. Je fais des crises d’angoisse et de l’in-
somnie pendant que le père, lui, va très bien et continue
à me blesser par l’entremise des enfants.» »»

«L’enfant comprend que


la moitié de lui -même n’est pas


bonne, ce qui peut mener à des


comportements d’automutilation.»



  • Marie Montpetit, intervenante psychosociale


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AVRIL 2020
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