Coup de Pouce - (06)June 2020

(Comicgek) #1
C’était ma première grossesse et j’étais fébrile de découvrir
enfin si je portais un garçon ou une fille. Allongée sur la
table, je serrais la main du papa pendant que la radiologiste
prenait et reprenait les mesures. Je sentais bien que
quelque chose n’allait pas. «Votre bébé a une anomalie»,
a-t-elle fini par dire. J’ai lâché la main de mon amoureux
pour mettre les miennes sur mon ventre. Le médecin par-
lait de malformation au diaphragme, d’organes de l’abdo-
men qui migraient vers le thorax, de compression pulmo-
naire, mais ses mots étaient lointains, tel un écho.
Mon premier réflexe a été de tenter de comprendre
pourquoi cela m’arrivait alors que j’avais fait tellement at-
tention depuis le début de ma grossesse. «À cette étape,

l’important est de bien comprendre la situation. Il ne faut
pas tomber dans la recherche d’un ou d’une fautive et
encore moins blâmer un des parents», dit la psychologue
Nicole Jeanneau. Ce jour-là, la terre s'est ouverte sous nos
pieds, mais l’équipe de la clinique GARE (grossesse à risque
élevé) ne nous a pas laissés nous y engouffrer. Rapidement
pris en charge, les tests et les rendez-vous se sont succédé.
«Plus les parents sont bien informés sur les étapes à venir
et comment les choses se passeront concrètement durant
le séjour de leur bébé à l’hôpital, plus ils seront rassurés et
se sentiront soutenus», ajoute Nicole Jeanneau.

Je gardais espoir, même si l’on nous avait expliqué que
certains bébés souffrant d’une hernie diaphragmatique
ne survivaient pas à la naissance. Ma fille était forte, je le
sentais et, malgré mon immense inquiétude, je devais
l’être aussi pour elle. On a déclenché mon accouchement
à 40 semaines et tout s’est passé très rapidement. Je n’ai
aperçu Eléonore que quelques secondes avant qu’elle
parte avec l’équipe de spécialistes qui devaient l’intuber
et stabiliser sa pression pulmonaire. Je ne l’ai revue que
quelques heures plus tard, sans pouvoir la toucher avant
plusieurs jours. «Ne pas pouvoir prendre son bébé dans
ses bras n’est que temporaire, mais c’est une attente sup-
plémentaire. Le lien sera tout aussi fort même s’il n’est pas
possible aux parents d'avoir leur bébé immédiatement
dans leurs bras», explique la psychologue.
L’hospitalisation, qui a duré 37 jours, a été ponctuée de
hauts et de bas. Laisser son bébé âgé seulement d’un jour
partir en salle d’opération et voir ce si petit être souffrir
et se battre pour sa vie sont bien sûr des souvenirs diffi-
ciles à oublier. Mais ce que je retiens de cette épreuve, c’est
la force de ma fille. À quelques jours à peine, la battante
qu’elle était se laissait deviner. Aujourd’hui, du haut de ses
dix ans, sa résilience et sa grande détermination de-
meurent ses plus grandes forces. Je ne saurais exprimer à
quel point ce petit bout de femme m’inspire. Elle m’a fait
grandir à travers toute cette histoire. Elle est une force de
la nature et, comme dans la chanson de Pierre Flynn que
je lui chantais à l’hôpital, elle est et restera toujours «Ma
petite guerrière».

EMMANUELLE GHERSI EST MAMAN D’UNE FILLE DE DIX ANS ET D’UN
GARÇON DE SEPT ANS.•

CETTE HÉROÏNE


C’ÉTAIT LE MARDI 26 MAI 2009. JE ME
SOUVIENS PARFAITEMENT DE CETTE
JOURNÉE. LE CIEL ÉTAIT BLEU, LE
SOLEIL BRILLAIT DE MILLE FEUX ET
J’AVAIS RENDEZ-VOUS POUR MON
ÉCHOGRAPHIE DE 20 SEMAINES.
Par Emmanuelle Ghersi
Illustration: Anne Villeneuve/c.

Ma vie | PARENT |


Ma fille


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«


Ma fille était forte,


je le sentais et, malgré


mon inquiétude, je devais l’être


aussi pour elle.


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JUIN 2020
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