part 6. 1981–2002: young poetry at the end of the millennium
Hokusai arrive le dernier, un panier à la main et un rouleau sous le bras. Il
déploie le papier sur le gazon ras de la terrasse de l’Ouest, place un poids à chaque
angle. Dans une coupelle, il dilue de l’encre bleue, il ajoute de l’eau en abondance
afin que la solution reste fluide et transparente. Il pose la coupelle sur le bord du
papier.
Dans un bol qu’il garde près de lui, il verse un peu d’encre rouge de la sorte
qu’on utilise pour les sceaux qui garantissent les documents o≈ciels.
De son panier, il tire un poulet qui avait les pattes liées et qui néanmoins se
débattait avec énergie. Le tenant fermement par les ailes, il lui trempe les pattes
dans l’encre rouge.
D’un coup de pied, il renverse la coupelle d’encre bleue, le liquide se répand
sur le papier et s’échappe dans l’herbe. Avec son canif, il tranche les entraves de
l’animal qui se sauve en courant tout le long du rouleau, laissant derrière lui une
traînée d’empreintes brillantes.
Hokusai se prosterna devant le shogun et dit:
C’est l’automne
les feuilles de l’érable
glissent au fil de l’eau.
Après avoir consulté les juges, le souverain dit: «Comment vous nommez-
vous et comment se nomme votre poulet? Assurément l’un de vous deux mérite
la palme, mais je ne sais pas encore lequel l’emportera.»
Hokusai répondit, c’est du moins ce qu’on raconte: «Seigneur, dans tous les
royaumes voisins il y a des paysans qui élèvent des poulets. Un seul souverain a
pour humble sujet un vieillard fou de dessin qu’on nommait autrefois Hokusai.»