part 6. 1981–2002: young poetry at the end of the millennium
L’averse, dans le jardin, avait cessé. Ils étaient encore là, imperturbables:
—Il vaudrait mieux quoi, selon toi, maintenant?
À vrai dire, j’hésite beaucoup.
La Récitation de l’oubli
Des yeux, puis une bouche. Et des taches, soudain, qui brouillaient ce visage,
le ciel était bientôt criblé de mouches d’or. Je luttais, elle sentait, elle disait: «Si au
fond rien n’apparaissait, ni ne disparaissait? Tout voit, tout parle.»
Je sou∆ais, je ne savais plus, je sou∆ais. J’avançais au cœur de la force, c’était
tout. «Tu verras un jour l’embrasure», disait-elle. «Ta désobéissance, anguille
dans le sang du monde; ta volonté, presque un désir.»
Chemin de l’est, pierreux, qui monte et qui demande! Là-haut, l’ermite gar-
dait le col, elle savait son histoire. Qu’il venait des plateaux du nord, du pays où
sur le chapeau frise le duvet d’aigle; qu’il animait les peaux et la vieille chanson. Il
lui avait montré sa langue, un soir: «C’est sans appui que l’on profère. Tout vient
par le ravissement.»
Elle disait: «Tu t’abandonnes et te recueilles. Ecoute, tu respires. Tu frôles
parfois la racine — à peine, je le sais, mais je l’ai déjà vue trembler. Il n’y a rien
derrière les choses, il y a seulement les choses. Qui se multiplient, et encore, et
indéfiniment. Alors?»
Et je me demandais: «Que fais-tu là, sur cette route, ton visage à la main — qui
se mélange dans ses pas, pousse une pierre, comme ça, en pousse une autre?
Tandis qu’un seul trait rouge, sur l’ocre de la terre. Mur dormant d’énergie et de
sang, de peur et de puissance. D’autres épreuves. T’es-tu trouvé, l’enfant? T’es-tu
perdu?».
Tu viens souvent
Tu viens souvent avec ton oiseau sur le poing. Enfin, on le voit. Tu viens et tu
attends. Lui ne te ressemble pas, s’impatiente assez vite, gratte le gant de son
maître, commence à y planter ses serres. Alors s’il s’agite de trop sous sa coi√e de