French Grammar in Context

(lu) #1

11 Relative pronouns


La maison de Monsieur Ernest était une vieille baraque en planches quin’avait
jamais été peinte et avait pris, de ce fait, l’aspect de tout ce quiest abandonné à
la pluie et au soleil dans la touffeur du climat. D’ailleurs, elle n’appartenait même
pas à Monsieur Ernest. Elle faisait partie de quatre ou cinq autres queMadame
5 Achi, une des grandes propriétaires du bourg, louait à une dizaine de familles.
Ce qui la distinguait des autres baraques alignées du même côté de la rue,
c’est que, au lieu d’être plus ou moins penchée d’un côté, elle partait à la
renverse, gardant cependant sa toiture de tuiles moussues comme Siméon qui,
même lorsqu’il était saoul, titubait et culbutait, sans que son vieux képi crasseux
10 décollât de sa nuque.
Il y avait, au-dessus de l’entrée, un panneau encadré sur lequelon avait peint
des lettres, queles craquelures de la peinture et la poussière dontelles étaient
imprégnées avaient effritées jusqu’à les rendre illisibles, mais les mots se
devinaient aisément; la porte restant toujours ouverte, tout le monde pouvait
15 voir que c’était là que Monsieur Ernest taillait les cheveux et la barbe des
hommes du bourg et des environs – du moins ceux quine trouvaient pas que ses
tarifs étaient trop élevés. Car il y avait dans chaque quartier un homme, ouvrier à
l’usine ou tâcheron des plantations, quipossédait une paire de ciseaux, un rasoir,
parfois même une tondeuse, et qui, le dimanche matin, avant la messe de
20 préférence, remplissait l’office de coiffeur, moyennant une rétribution modique –
la clientèle se composant d’ailleurs presque exclusivement de voisins et d’amis.
Mais, Monsieur Ernest était le coiffeur du bourg, comme Monsieur Édouard
était le cordonnier, Mamzelle Élodie, la couturière, ou Madame Almatisse, la
pâtissière. Chez lui, il y avait des glaces quireflétaient presque toute la pièce, et
25 dans lesquelles plusieurs personnes à la fois pouvaient se voir presque en
entier. Monsieur Ernest barbouillait le menton et les joues de ses clients de
mousse de savon de toilette et les frictionnait avec de l’eau de Cologne qui
sentait bon jusque dans la rue; de plus, il possédait cet appareil prestigieux au
moyen duquel, en manière de touche suprême, quand il avait fini de lui tailler
30 les cheveux, il enveloppait la tête du client d’un nuage de parfum.
Est-ce que je me rappelle à quelle occasion j’entrai pour la première fois chez
Monsieur Ernest?

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