qu’elle a fait cloisonner pour aménager deux salles de démonstration. L’architecte,
soutenant que ces modifications dénaturaient son œuvre et portaient atteinte à son
droit moral d’auteur, en a réclamé la suppression.
La Cour de cassation rejette le pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel qui a
débouté l’architecte de sa demande : “l’arrêt énonce exactement que la vocation
utilitaire du bâtiment commandé à un architecte interdit à celui-ci de prétendre
imposer une intangibilité absolue de son œuvre, à laquelle son propriétaire est en
droit d’apporter des modifications lorsque se révèle la nécessité de l’adapter à des
besoins nouveaux; qu’il appartient néanmoins à l’autorité judiciaire d’apprécier si
ces altérations de l’œuvre architecturale sont légitimées, eu égard à leur nature et
à leur importance, par les circonstances qui ont contraint le propriétaire à y
procéder; ... ayant souverainement relevé, d’une part, que la situation commerciale
de la Sté Bull avait rendu indispensables et urgents les travaux incriminés, et,
d’autre part, que la création des deux salles nouvelles était “aussi peu perceptible
que possible” et préservait notamment la vue sur l’extérieur, la Cour d’appel, tenue
d’établir un équilibre entre les prérogatives du droit d’auteur et celles du droit de
propriété, a pu estimer que ces travaux ne portaient pas une atteinte suffisamment
grave à l’œuvre de M. Bonnier pour justifier la condamnation sollicitée.”
2° Caractère nécessaire de l’atteinte
- La limitation naturelle du droit au respect ne s’imposera que si le propriétaire
“établit la réalité des impératifs techniques” : Cour de cassation, 1ère chambre
civile, 1er décembre 1987 (Bull. civ. 1, n.°319; JCP 1988, IV, 56 & JCP 1989, I,
3376 obs. B. Edelman; RIDA, avril 1988, 137; Dalloz 1989, sommaires
commentés, page 45, observ. C Colombet).
- Il a été ainsi possible à un architecte de s’opposer à la pose d’antennes
paraboliques sur la façade d’un immeuble d’habitation dont “l’harmonie et
l’esthétique seraient atteintes par ces adjonctions” : Cour d’appel de Paris, 8ème
chambre, 28 mars 1995 (RIDA, octobre 1995, 243, obs. A. Kéréver).
- Encore faut-il que l’atteinte soit perceptible par le public : Cour d’appel de Paris,
1ère chambre, 11 juillet 1990 (RIDA, octobre 1990, 299; Dalloz 1992, sommaires
commentés, page 17, obs. Colombet ) : il s’agissait de la surélévation d’un
bâtiment et de la construction d’un restaurant sur le toit du théâtre des Champs-
Elysées. Si les transformations ne s’imposaient pas, il n’a cependant pas été admis
qu’il y avait atteinte au droit moral de l’auteur de la partie sculptée de la façade en
raison du caractère peu perceptible des ajouts depuis la rue.
- C’est donc un modus vivendi qu’il faut trouver : le Tribunal de grande instance
de Paris, le 25 mars 1993 (RIDA, juillet 1993, 354), a tenté de rechercher une voie
de nature à concilier les intérêts divergents en présence : “il est (...) admis sans
méconnaître la nature constitutionnelle du droit de propriété que l’article 544 du
Code civil ne peut justifier, en toute hypothèse, les atteintes à l’œuvre architecturale,
protégée par les dispositions de la loi du 11 mars 1957, actuellement codifiée; qu’il
appartient aux titulaires des deux droits concurrents de les exercer, en toute bonne
foi, dans le respect mutuel de leur droit respectif, l’architecte ne pouvant, en
l’absence de droit, exiger un droit d’immixtion permanente; que dans la réalité, un
juste équilibre sera recherché en fonction de divers critères, notamment des
mobiles qui ont déterminé le maître d’ouvrage à apporter des modifications à
l’œuvre initiale, ainsi que des circonstances qui ont entouré ces modifications”^247
II. LES DROITS DE L’AUTEUR