Destructions et restauration^201
Défendons la biodiversité marine
Nous savons par expérience quel diamètre vont
mesurer les touffes après 25 ans : entre 2 et 3 m. C’est
notamment le cas dans un site suivi très protégé et
très favorable (une zone autrefois colonisée par
l’herbier détruit par une bombe lors de la dernière
guerre) où elles végètent.
Pour les graines, l’opération est beaucoup plus
aléatoire : certaines rares années sont favorables à
la floraison et à la fructification. Souvent on peut
compter 9 années sans aucune fleur après une
floraison importante. Et le résultat des plantations
de graines (qu’il faut au préalable faire germer
en aquarium pendant 6 mois) est identique aux
plantations de touffes générées par des boutures :
la croissance latérale est tout aussi lente (testée et
suivie sur un lieu favorable et protégé depuis 25
ans).
Ainsi, il est beaucoup plus sage et économiquement
judicieux de tout faire pour ne pas détruire les
herbiers de posidonies et les laisser reconquérir
naturellement les espaces favorables où ils ont été
éliminés par le passé. Qu’elles soient dans des sites
Natura 2000, dans des aires marines protégées ou
à côté, il faut tout mettre en œuvre pour protéger
partout ces véritables forêts millénaires qui se
développent sous l’eau devant nos côtes.
Et surtout ne tentez pas de proposer des plantations
de posidonies en compensation d’une surface
endiguée ou couverte par un terre-plein! Car
où allez-vous les planter? Sur un site vierge de
posidonies situé à côté ou au large (sur sable, vase
ou roche)? Les posidonies ont mis des centaines
de milliers d’années à se développer devant nos
côtes sur tous les sites favorables : leur absence
dans une zone indique que le lieu ne leur convient
pas. Au delà de 35 m, pas assez de lumière ; ailleurs
l’hydrodynamisme, l’apport d’eaux douces (cours
d’eau et nappes phréatiques qui percolent les fonds
marins) et bien d’autres causes empêchent toute
colonisation naturelle ou artificielle des fonds.
Les promoteurs d’ouvrages gagnés sur la mer
trouveront toujours des plongeurs pour planter
les posidonies. La tentative, vouée à l’échec, sert
avant tout de caution et ils savent que si la caution
échoue on ne détruira pas l’ouvrage! Il faut une fois
pour toutes considérer que tout endigage détruit
à jamais le milieu de vie favorable à la forêt sous
marine ; son biotope sera ainsi réduit pour toujours.
C’est pour cette raison que les posidonies et leurs
cousines encore plus rares, les cymodocées, ont été
protégées depuis les années 1980.
La plus grande opération de plantation de
posidonies, préalable à une destruction massive de
ces plantes par un aménagement gagné sur la mer, a
été entreprise en 2010 devant le port de Civitavecchia
non loin de Rome. 320 000 boutures ont été fixées
sur 1 hectare de nattes de géotextile préalablement
fixées solidement sur le fond (technique mise au
point suite à des expérimentations à petite échelle
par des chercheurs italiens). La réussite n’a pas été
optimale car les conditions hydrodynamiques du
lieu de plantation se sont révélées très mauvaises.
A Monaco, pour compenser 1500 m² de destruction
de posidonies par un terre-plein de 6 hectares, des
transplantations ont été testées en 2017. De larges
mottes de matte de posidonie (à peu près 500 m²
au total) ont été prélevées avec une grue. Elles ont
été ensuite disposées dans des pots en béton ou
dans des paniers de textile. Un an plus tard, celles
disposées dans les pots n’ont pas tenu. Les autres
semblent encore résister. Il faudra encore au moins
5 ans pour savoir si cette technique est favorable.
© Alexandre MEINESz
Plant de posidonie issue d’une graine cultivée en
aquarium