Aires marines protégées 261
Respectons les aires marines protégées
Le principe de Natura 2000 est européen. Il s’agit de
zones qui représentent un intérêt communautaire
(Européen) pour la flore, la faune ou pour des
écosystèmes (habitats). Ces sites sont ainsi
sélectionnés dans un objectif précis (comme par
exemple sur terre, protéger des abris et la zone
d’évolution de chauves souris rares). Un tracé
( polygone intégrant la zone intéressante) est alors
proposé. Sa gestion est programmée dans un
document d’objectifs, qui doit garantir la protection
de l’habitat ou des espèces ciblées. Ainsi partant
d’un principe que la zone choisie a permis jusqu’à
présent la survie des espèces ou la préservation
des habitats d’intérêt communautaire, toutes les
activités humaines traditionnelles en place peuvent
persister. Par contre toute activité nouvelle ou tout
projet mettant en danger les espèces et l’habitat
naturel seront examinés et, s’ils sont nuisibles,
ils seront interdits. Ainsi, dans un grand nombre
d’espaces Natura 2000 terrestres une fois le
document d’objectifs validé, il n’y a rien à faire si ce
n’est de veiller à la bonne application des objectifs :
pas d’initiative nouvelle susceptible de bouleverser
la zone. La gestion prévue dans le document
d’objectifs est locale grâce à des financements
d’Etat (en attendant d’hypothétiques financements
communautaires).
Des sites à débattre
Très utile en milieu terrestre, on a transposé ce
principe en mer avec une application fort critiquable.
Pour répondre à temps au calendrier des exigences
européennes, les fonctionnaires, en charge de la
délimitation des zones, devaient être pressés. Ils
avaient pour contrainte de sélectionner des surfaces
importantes. On a donc proposé des polygones sur
le bleu uni des cartes marines avec des restrictions
politiques évidentes : les zones choisies ne devaient
pas heurter certaines gouvernances locales avides
d’urbanisation littorale. Les polygones en mer ont
été ensuite « validés » par des comités de scientifiques
bénévoles (où les spécialistes du milieu marin sont
rares, où l’absentéisme est très élevé et où certains
spécialistes ont affirmé leur désaccord). C’est ainsi
que les tracés évitent dans nombre de zones les
petits fonds qui sont de loin à la fois les plus riches
et les plus menacés par les activités humaines. Cela
a été signalé lors des premières présentations. Par
exemple, à l’ouest du Cap d’Antibes se situe entre
0 et -5 m la zone marine la plus remarquable de
toute la Côte d’A zur. Classée depuis longtemps
« zone Naturelle d’Intérêt Ecologique, Faunistique
et Floristique », elle a été étudiée depuis un siècle
par les scientifiques locaux. Or la limite de la zone
Natura 2000 passe juste au large! Autre exemple : au
Cap d’Ail, il y a un large plateau sous-marin très riche
en faune et en flore (alternance d’affleurements
rocheux et de posidonies) : la zone Natura 2000
coupe le plateau en deux : la partie située vers la
frontière monégasque n’est pas protégée ce qui
laisse le champ libre à des extensions terrestres en
mer à Monaco qui sont susceptibles d’altérer les
habitats sous marins de l’est du plateau! Dernier
exemple : devant les Maures, une très grande zone
avait été délimitée, puis divisée en deux laissant
entre les deux à terre un tout petit espace non
protégé : il est situé au Cap Nègre. C’est la partie du
Cap la plus riche qui est ainsi hors Natura 2000..., elle
est juste en dessous de la villégiature de l’épouse
d’un ex Président de la République : qui a voulu se
faire remarquer en modifiant ainsi le tracé initial?
Comme tout le processus de désignation des
zones a été fait à l’envers (on a tracé des polygones
politiquement publiables puis on a cherché à les
justifier par des objectifs), il n’a pas été étonnant
de constater, lors des premières présentations
officielles des sites Natura 2000 en mer, que les
objectifs pré-attribués étaient peu convaincants.
Des objectifs redondants
Certains n’apportent rien de plus à l’existant. Par
exemple, l’objectif de protéger les herbiers de
posidonies ne change rien : en effet les herbiers
de posidonies sont protégés très sévèrement par 2
Les zones marines de développement durable cogérées :
les sites Natura 2000 en mer
Alexandre Meinesz, professeur émérite à Université Côte d’Azur (CNRS UMR 7035 « ECOSEAS »)
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