La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1
 Les danseurs, tous initiés, habillés de leurs attributs de guerre et du tso/so exécutent la danse de
la victoire, en mâchonnant un mélange de poivre de guinée, de cola, de silique et d’autres
éléments, ils vont jusqu’au mort et lui crachent cette bouchée sur le visage et la poitrine en signe
de bénédiction. Il s’agit ici de lui donner la force d’affronter le nouveau monde, l’espoir d’une
nouvelle victoire, d’une reconnaissance quand on affronte la mort.
 L’esâna est également le rappel des diverses actions d’éclat du défunt. Ses compagnons de
guerre rappellent son ndân et ses devises de guerre en chantant le chant du Sô ; c’est la
commémoration de la vie guerrière du défunt parmi ses compagnons.
 L’ésâni en outre est une occasion d’exprimer les regrets qu’a le défunt de partir, le moyen de
rejeter sur lui la principale responsabilité mais surtout une exhortation à se résigner à
l’inévitable. Chacun de ces aspects pouvaient être joué par un tambour spécifique.
 Enfin par la danse guerrière, la présentation et l’exhibition du matériel de guerre et des talismans
du Sô, les danseurs signifient au défunt qu’il n’a plus rien d’agréable à espérer des vivants, ils
montrent au partant que le lignage dispose encore de guerriers décidés à le défendre. Et c’est le
rythme de danse, qui consiste à gambader et sautiller sur place, qui a probablement donner le
nom de l’esâna ou ésâni qui viendrait du verbe (Sân ou asân) qui signifie « sauter de joie ».

Ces cérémonies vont s’alterner (ésâni-ordalies-exécutions) jusqu’à la tombée de la nuit, heure de
l’inhumation.


L’Inhumation

Elle intervient au coucher du soleil. Car la disparition d’un grand initié, d’un grand homme est la
disparition du soleil, la tombée de la nuit. Le mépris de ce caractère solaire peut causer la colère du
défunt, tout comme son respect favorise l’espoir de reconnaissance pour ce dernier.
Le transport du corps est fait par les fossoyeurs ; c’est un moment redoutable car toute réaction ou tout
mouvement imprévu est interprété comme un signe ou un message du défunt, ou alors une manifestation
flagrante de sorcellerie. Un nouveau mort est généralement inhumé nu, dépouillé de son ornement à
l’exception d’un objet favori tel la pipe. Si des difficultés à découvrir le coupable de sa mort existent,
on l’enterre avec des bikié attachés au poignet, signe qu’il doit lui-même payer sa vengeance dans l’au-
delà. La dépouille est couchée dans la niche mortuaire sur le côté gauche, la face tournée vers
l’ouverture, c’est-à-dire vers l’ouest, vers la mer, le royaume des morts. Le bras droit est levé tout comme
celui du jeune initié au so au sortir du tombeau souterrain symbolique. L’entrée de la chambre funéraire
est bloquée avec une écorce d’arbre pour empêcher la terre d’y pénétrer. Les corps sélectionnés sont mis
en place dans la fosse, sa femme préférée elle, a été placée aux côtés de son mari. La lance du défunt est
cassée. Du transport du corps à la mise en terre, l’on joue l’Osenge ; danse funèbre qui n’est jouée que
lors de la mise en terre, en même temps que les tam-tams redisent les mérites et les exploits du défunt.
Chaque proche et ami du défunt vient jeter une poignée de terre dans la fosse en disant des paroles
d’adieu. Et les fossoyeurs comblent la fosse. A côté du tertre qui s’est levé, on insalle un autel (anâg) où
les objets qu’on destine à accompagner le mort sont placés : plat, cuillère, pipe, talisman, arme ... etc,
également de la nourriture, une marmite rituelle (étog) durant la période de deuil. Cette marmite est
utilisée par le ngengañ pour laver les survivants de la mort.
Cependant, certains grands chefs beti, les grands initiés et les grands mingengân refusaient d’être
inhumés dans plusieurs groupes beti/fang. Ils le disaient bien avant leur mort. De tels morts se faisaient
exposer dans certains grands arbres de la forêt aux vertus reconnues ; personnalités rituelles importantes
: le dùm (fromagers) aux gigantesques contreforts, l’oveñ (Guibourtia tesmani Cesalpinacées), l’esingan
« effroi des rituels » aux mêmes vertus que l’oveñ et qui représente la protection, l’ayos, (triplochiton
scleroxylon, Stercularicées) arbre protecteur dont l’écorce servait de revêtement corporel et des cases.
Les trous de ces arbres étaient ensuite bouchés pour empêcher les grands animaux d’atteindre le corps.
Celui-ci venait cependant à disparaître au bout de quelques jours. L’explication de tout cela pourrait être
qu’appartenant à une société secrète quelconque, les grands initiés promettaient probablement leur
dépouille aux autres membres de la société. Cela pourrait également expliquer la multitude de crânes
dont disposaient les grands initiateurs du melân, du ngi, .... Cet aspect ressort également l’idée selon

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