J'irai manger des khorovadz

J'irai manger des khorovadz

À la nuit tombante je rejoins la rue que l’on m’avait indiquée dans la
périphérie de Gelendjik et j’ai du mal à trouver le bon numéro. Je me
laisse attirer par la musique qui s’échappe d’une salle. Indiscrétion du
musicien. Surprise. En m’approchant je me rends compte que c’est le
lieu où j’ai rendez-vous! Je me faufile par la porte et en attendant que
l’on vienne me chercher je fais connaissance avec les musiciens
présents. Ils découvrent que j’ai aussi un passé musical et insistent pour
que je les accompagne. Je m’installe sur le petit tabouret de la batterie et
c’est là que je m’aperçois avec effroi que le temps a passé. Je n’ai pas
touché cet instrument depuis des années. Finie l’époque où j’usais mes
baguettes six heures par jour!

Je me souviens de ma première prestation publique à l’occasion du
mariage de nos amis Annick et Pierre^70. Mes frères et moi avions monté
un semblant de groupe musical dont la batterie était constituée de grosses
boîtes de conserve pour les toms et de couvercles pour les cymbales. En
guise de projecteurs mon frère Yves avait récupéré des lampes de chevet
qu’il avait recouvertes de papier coloré (il sera réprimandé par nos
parents pour ce détournement !... ). Forts de notre succès nous avons
réitéré l’expérience quelques jours plus tard. Nous avons réquisitionné
une chambre de notre maison pour créer une scène et proposer une
nouvelle prestation avec notre matériel bricolé. Nous avons même eu
l’audace de faire payer l’entrée à la famille et aux amis! Probablement
une expérience fondatrice de notre vocation transformée par la suite en
activité professionnelle. Tout était présent dans cet embryon : la
musique le business la technique le spectacle comme si c’était inscrit
dans nos gènes. La musique n’allait plus nous lâcher et nous n’allions
plus la lâcher non plus. J’avais 14 ans et demi mon frère Yves 13 et
Jean-Luc 11. Dans les années qui ont suivi je suis devenu un musicien
assidu avant de remettre en question mes ambitions personnelles et de
passer de l’autre côté de la barrière. J’ai ainsi aidé accompagné et
produit d’autres musiciens et artistes dans leur désir de graver leurs

(^70) Pi e r re Ung er c’ ét a i t l u i l e p ro p ri é ta i re d u v é l o d e ma p r em ière esc apad e (v oir p. 4 2)