Ãpilogue
J'irai manger des khorovadz
à courir aussi vite quâelles peuvent.
à courir à en perdre haleine.
à courir éperdument.
Courir pour échapper au pire courir pour échapper aux bourreaux
courir pour se dérober à ces horreurs courir pour laisser au loin la
terreur.
Zartar a abandonné son bébé sa deuxième fille. Quel déchirement
insupportable!! Aveuglée par le danger de la situation elle ne peut pas
croire quâelle ait pris cette décision inconcevable. Elle la mère celle qui
a conçu et donné vie à cet être quâelle a attendu avec tant dâémotions Ã
qui elle voulait donner tant dâamour... Khatoun nâarrête pas de pleurer et
de crier : « Je veux Nartouhie je veux Nartouhie!! » Zartar est à bout.
Après plusieurs heures de marche en tirant la fillette de quatre ans
désemparée et déboussolée elle nâen peut plus. Elle aurait voulu
sâarrêter se reposer faire une halte dans cette fuite désespérée.
Malheureusement lâarrivée est encore loin. Surtout quand on ne sait pas
où lâon va. Elle sâen veut maintenant. Elle sâarrête et réfléchit quelques
instants juste le temps de répondre à la question qui la mine :
- Continuer ou retourner au village!?
- Risquer dâêtre tuée ou sauver sa vie!?
Nây tenant plus elle cède aux supplications incessantes de sa fille. Son
instinct maternel est plus fort que son propre instinct de survie. Elle
prend Khatoun par la main et rebrousse chemin. Elle va retourner sur ses
pas et revenir à la maison tout en sachant que les chances de retrouver
Nartouhie vivante sont minimes voire inexistantes. Zartar préfère mourir
aux côtés de ses deux filles plutôt que dâêtre séparée de lâune dâelles.
Avec précaution la mère et la fille arrivent à lâentrée de leur quartier.
Elles se rendent compte que les Turcs sont partis non sans avoir semé la
désolation dans tout le village : ils étaient à la recherche des Arméniens.
Sâaccrochant à son infime espoir secret comme seule une mère peut le
faire Zartar entre dans la maison où tout le mobilier a été saccagé. Elle
retrouve le berceau à la place où elle lâavait abandonné et dans lâétat où
elle lâavait laissé. Elle soulève délicatement le drap couvert de poussière