J'irai manger des khorovadz

Épilogue

Voir jour du départ p.20

Papy Marc a écrit ce livre. Il dit que comme ça quand je serai

grande je pourrai me souvenir de toutes ces histoires et les raconter à

mes enfants.

Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé est

bien réelle et volontaire. Les noms utilisés sont authentiques par souci

de respecter la véracité du récit.

Papy Marc c’est mon autre grand-père. Lui il n’est pas Arménien

mais il est allé en Arménie sur son vélo bizarre. Le jour où il est parti

j’ai été la première à le suivre sur mon petit vélo^129! Il a fait un long

long voyage et quand il est re v e n u  sa barbe avait tellement poussé que

je ne l’ai pas re c o n n u. Et ça piquait quand il a essayé de m’embrasser.

J'irai manger des khorovadz

Devenue adulte à son tour Sela a croisé le chemin du jeune Henri avec
qui elle s’est mariée. Lui aussi a connu une vie difficile. Avant sa
naissance son entourage a vécu le génocide assyrien – autre épisode
sombre souvent absent de la mémoire collective – dans leur village
d’Ourfa. La famille était très riche et possédait de nombreuses maisons
des champs et beaucoup de bétail. Obligée de tout quitter en 1924 elle
s’est installée à Alep en Syrie où Henri est né. Sa mère est décédée
quand il avait trois ans et malade de chagrin sa petite sœur d’un an et
demi s’est éteinte à son tour quelques semaines après la maman. Le petit
garçon a été élevé par son grand-père et par son père.
À 23 ans Henri est parti vivre au Liban. C’est là qu’en 1962 il s’est
marié avec Sela et le jeune couple s’est installé à proximité de Beyrouth.
Ils ont construit leur maison monté leur entreprise de menuiserie
embauché du personnel. Ils étaient appréciés dans leur quartier. C’était
une existence enfin redevenue paisible et pleine de promesses. Et là un
autre drame est venu s’immiscer insidieusement. La guerre du Liban a
finalement éclaté en 1975. Henri et Sela Dabbo étant officiellement
syriens il était trop risqué pour eux de demeurer dans le pays. Ils ont
alors décidé de fuir à nouveau la violence et la persécution laissant
derrière eux amis maison entreprise et église afin d’émigrer en France
accompagnés de leurs trois enfants : Georges Jema et Sarita. Ils sont
arrivés en 1976 et se sont installés à Valence dans la Drôme où naîtra
leur quatrième enfant Basile.
Ils ont été contraints de recommencer leur vie à zéro trouver une
maison chercher du travail tisser de nouvelles relations. Ce n’est pas
facile quand on ne connaît pas la langue quand on ne connaît pas le
pays quand on ne connaît quasiment personne. Mais ils avaient l’envie
et la volonté de rebondir de ne pas se laisser décourager par les
circonstances de la vie avec le rêve inamovible de simplement vivre à
tout prix. Ils ont fait preuve d’une résilience profonde dans l’espérance
d’une existence enfin apaisée. Ils se sont battus pour eux et pour leurs
enfants : il s’agissait de leur donner une vie meilleure tout en restant
attachés à leurs racines à leurs origines.