Les Echos - 31.10.2019

(Martin Jones) #1
Basile Dekonink
@Bdekonink

Passage de témoin dans le strea-
ming. Alors que AT&T levait
mardi le voile sur le prix et l’éten-
due catalogue de sa future plate-
forme, HBO Max, Sony rendait les
armes : en marge de la présenta-
tion de ses résultats trimestriels, le
groupe japonais a annoncé mettre
un terme à son service PlayStation
Vue. Le baisser de rideau sera
effectif en janvier prochain.
Quatre ans après s’être lancé
avec l’ambition de révolutionner la
télévision traditionnelle, PlaySta-
tion Vue pâtit du « coût des contenus
et des deals », indique John Kodera,
le PDG de Sony Interactiv Enter-

tainment, dans un message posté
sur le blog de Sony. Le groupe n’a
pas communiqué de chiffres sur le
service, mais plusieurs analystes
soulignent surtout qu’il n’a jamais
dépassé le million d’abonnés, ni
dégagé de profits.
Sony n’était pas, à proprement
parler, un acteur de la SVoD – c’est
d’ailleurs le seul poids lourd de Hol-
lywood à n’avoir pas lancé ou à ne
pas préparer d’offensive dans le sec-
teur. PlayStation Vue se présentait
comme un agrégateur de chaînes
câblées en OTT et à un prix moin-
dre, à la manière de Sling TV ou
DirecTV Now, le service de AT&T.
A partir d’une console Sony ou
d’autres équipements (une Apple
TV ou un boîtier Chromecast de
Google, par exemple), le consom-
mateur pouvait accéder au service
et choisir parmi différentes offres
compilant des bouquets de chaî-
nes, dont ceux proposés par ESPN,

Fox News ou CNN. La cible : les
millions de foyers américains
désertant les chaînes câblées.

Un tarif largement
dissuasif
Sauf que cette audience, surnom-
mée les « cord-cutters » outre--
Atlantique, s’est massivement
déplacée vers la SVoD – Netflix et,
dans une moindre mesure, Ama-
zon Prime et Hulu. La firme diri-
gée par Reed Hastings, qui comp-
tait déjà quelque 40 millions
d’abonnés américains début 2015,
en a séduit 20 millions supplémen-
taires depuis.
Considéré comme un pionnier
du futur de la télévision à son lan-
cement il y a quatre ans, le service
de Sony n’a pas tenu la comparai-
son face au solide catalogue de
Netflix. Son prix, surtout, était lar-
gement dissuasif : 40 dollars puis
50 dollars par mois pour l’offre la

Sony rend les armes face à Netflix, Disney et AT&T


Le groupe japonais va
mettre un terme à son
offre de télévision délinéa-
risée, PlayStation Vue.

nus dans une logique de « métis-
sage ». De quoi l’aider à réussir son
implantation s ur le marché français.
Mais avant d’entamer son inter-
nationalisation, Hylink s’est attaqué
à sa propre mutation. Créée en
1994, l’agence traditionnelle s’est
métamorphosée e n agence d igitale,
devenant en 2014 leader sur son
marché. Dès 2012, sentant le vent
tourner, le groupe chinois avait
commencé à investir dans la fabri-
cation de contenus (séries, longs-
métrages), diffusés, entre autres,
sur CCTV, la télévision nationale
chinoise d’Etat.

Le spot condamné
Depuis, cette diversification n’a
cessé de s’accélérer. « Les contenus
ne représentent encore que 10 % de
notre chiffre d’affaires, mais elle va
monter en puissance : le spot TV de
30 secondes est condamné, et nous
sommes convaincus que pour com-
muniquer sur les marques, il va fal-
loir passer par les contenus, qu’il
s’agisse de placement de produits ou
autres... », estime Tong Su, prési-

dent de Hylink Digital Worldwide.
En 2018, la division contenus de
Hylink a produit ainsi coup sur
coup l’adaptation de l’émission bri-
tannique « Top Gear », « My
Youth », « Love Departure » et
« Stairway to Himalayas » pour le
marché chinois. En parallèle, le

groupe réalise des dizaines de
courts-métrages de 15 à 25 minutes
comme « Lovend Express », en par-
tenariat avec Häagen-Dazs, ou « Le
Souhait du père » en association
avec China Mobile. A chaque fois, le
logo surgit simplement au départ et
à la fin du court-métrage. Mais la
singularité de la démarche se situe
ailleurs : les scénaristes y abordent
de front des sujets de société, zap-
pant l’écueil du spot TV ostensible-
ment souriant.

Importer des contenus
en Europe
D’où cette volonté de passer à la
vitesse supérieure en exportant ses
contenus. Après s’être i mplanté a ux
Etats-Unis, en Corée du Sud puis au
Japon, Hylink, déjà à la tête de
24 bureaux à travers le monde et
ayant noué des contrats d’exclusi-
vité avec les géants chinois de la
tech comme Tencent (WeChat) et
Sina (Weibo), lorgne l’Europe.
En 2016, le groupe s’est installé à
Londres. Le voilà à Paris. « Nous ne
sommes pas ici pour faire concur-

rence aux agences locales, mais pour
lancer des passerelles culturelles et
les épauler pour aider leurs clients à
s’implanter en Chine, en leur permet-
tant de décoder le marché local,
plaide Tong Su. En Chine, la généra-
tion Z jette un regard nouveau sur les
marques, et en particulier celles évo-
luant dans l’univers du luxe. Leurs
parents les mettaient sur un piédes-
tal ; eux, réclament une relation plus
horizontale et plus émotionnelle... »

Hylink collabore déjà avec
L’Oréal, Chopard, Omega et le
groupe suisse Swissquote. Mais ses
ambitions ne se limitent pas là.
« Nous cherchons en parallèle à
importer des contenus audiovisuels,
issus, par exemple, de la BBC ou de
Canal+, et adaptés à un marché chi-
nois ultra-dominé par les program-
mes américains », reprend Tong Su.
Prochaines étapes : Milan et
Munich.n

Véronique Richebois
@VRichebois


L’histoire de Hylink, première
agence digitale chinoise, avec un
chiffre d’affaires de 1,6 milliard
d’euros en 2018, comporte tous les
ingrédients d’un bon storytelling :
des rebondissements à répétition,
une série de métamorphoses... et,
pour finir, un modèle économique
hybride, associant communication
numérique et fabrication de conte-


PUBLICITÉ


Première agence
de publicité digitale
chinoise, Hylink,
poursuit son expansion
internationale.


Son modèle économi-
que hybride associe
communication numé-
rique et fabrication
de contenus.


L’agence chinoise de publicité Hylink se lance en France


l Le service d’AT&T et de sa filiale Warner Media verra le jour en mai aux Etats-Unis, au prix de 15 dollars par mois.


lUne tarification supérieure à celle de ses concurrents, mais il compte sur l’étendue de son catalogue pour séduire.


HBO Max vise le haut de gamme


du marché du streaming


Nicolas Rauline
@nrauline
—Bureau de New York


HBO Max ne sera « ni Netflix ni
Disney ». C’est le patron d’AT&T,
Randall Stephenson, qui le dit.
En effet, le positionnement du
nouveau service de streaming
s’annonce légèrement différent...
en particulier sur le prix. Lors d’une
présentation mardi à Burbank, en
Californie, la direction de Warner
Media, filiale d’AT&T, a dévoilé le
prix de HBO Max. L’abonnement
sera commercialisé à 14,99 dollars
par mois, le plus haut du marché –
même si Netflix propose un service
premium à 16 dollars. Le groupe n’a
pas osé descendre plus bas : le ris-
que était alors de concurrencer sa
propre chaîne, HBO, qui compte
35 millions d’abonnés, proposée
elle aussi autour de 15 dollars par
mois, et son service à la demande
HBO Now (8 millions d’abonnés).
A titre de comparaison, Apple
TV+ ne coûtera que 4,99 dollars par
mois et Disney+ 6,99 dollars. AT&T
mise donc sur la richesse de son
offre pour séduire les utilisateurs,
alors que la concurrence est vive.


« South Park » et « Joker »
Ces dernières semaines, le groupe
a multiplié les achats de droits pour
gonfler son catalogue. Il a ainsi mis
la main sur « Friends », arraché à
Netflix pour 425 millions de dollars,
ou « The Big Bang Theory » pour
1 milliard. Le service doit aussi
s’appuyer s ur la profondeur d e cata-
logue des studios Warner et de la
chaîne HBO.
Mais HBO Max ne s’arrêtera pas
là. Ses dirigeants ont aussi précisé,
lors de la présentation, qu’ils propo-
seraient les 23 saisons de « South
Park » (que Hulu et Comcast avaient
payées 600 millions de dollars pour
cinq ans), ainsi que trois nouvelles
saisons du dessin animé, des pro-
grammes du producteur Greg Ber-
lanti (« Dirty Sexy Money », « River-
dale »...) et de Mindy Kaling (« The
Mindy Project », « Champions »...).
Une série inspirée du film de super-


AUDIOVISUEL


« Nous ne sommes
pas ici pour faire
concurrence aux
agences locales,
mais pour lancer
des passerelles
culturelles et
les épauler pour
aider leurs clients
à s’implanter
en Chine. »
TONG SU
Président de Hylink Digital
Worldwide

héros « Green Lantern » et une nou-
velle comédie sur des colocataires
d’université sont notamment pré-
vues. Le film « Joker », en salle, sera
aussi disponible au lancement.
Cerise sur le gâteau : le service
accueillera « House of the Dra-
gon », un préquel de la série à suc-
cès « Game of Thrones », qui sera
d’abord diffusé sur HBO. Le pre-
mier du genre, alors que tous les
épisodes de « Game of Thrones »
devraient aussi être sur la plate-
forme à son lancement.
Au total, Warner prévoit d’inves-
tir 2 milliards de dollars pour le lan-
cement de HBO Max, en plus des
sommes déjà dépensées pour les
rachats de droits. Sur les trois pro-
chaines années, l’investissement
montera à 4 milliards.
Ce n’est qu’en 2025 que la rentabi-
lité pourrait être atteinte : à cette

date, le service doit rapporter 5 mil-
liards de dollars annuels, selon les
prévisions des dirigeants.
AT&T, qui est confronté à une
baisse de ses revenus traditionnels,
sur la télévision payante notam-
ment, s’e st fixé plusieurs objectifs :
le service doit atteindre les 50 mil-
lions d’abonnés aux Etats-Unis d’ici
à 2024 et entre 75 et 90 millions
d’abonnés dans le monde en 2025.
Les principaux marchés visés sont
l’Europe et l’Amérique latine. Des
objectifs élevés, sachant que Netflix
a déjà séduit 60 millions de foyers
américains et 97,7 millions de plus
à l’international. Le nouveau ser-
vice sera lancé en mai. Il s’agira
d’une version sans publicité. Une
autre version incluant de la publi-
cité, sans doute à un prix inférieur,
verra le jour en 2021.n

Ces dernières
semaines, le groupe
a multiplié les achats
de droits pour gonfler
son catalogue.

Il a ainsi mis la main
sur « Friends » et
« The Big Bang
Theory ».

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moins chère, contre 8 dollars pour
le tarif de base de la plate-forme de
Los Gatos (9 dollars désormais).
Et les prochains mois n’augu-
raient rien de bon : la plate-forme
d’Apple sera disponible à partir de
vendredi aux Etats-Unis et dans
une centaine de pays, puis vien-
dront Disney le 12 novembre et
HBO Max en mai. La guerre du
streaming n’a pas encore com-
mencé qu’elle produit déjà ses pre-
mières victimes.n

50


DOLLARS
Le prix de l’abonnement
mensuel au service PlayStation
Vue de Sony, contre 9 dollars
par mois pour le service
de base de Netflix.

Le scénariste, réalisateur et producteur J.J. Abrams, à Burbank en Californie, mardi, lors de la présentation de HBO Max.

Presley

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Jeudi 31 octobre vendredi 1er et samedi 2 novembre 2019Les Echos

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