Libération - 25.11.2019

(Michael S) #1

France


14 u Libération Lundi^25 Novembre 2019


C’


est peu dire que la
séance est attendue.
Lundi, le conseil
municipal de Marseille doit
débattre – enfin – du rapport
de la chambre régionale des
comptes (CRC) portant sur la
gestion de la ville par l’équipe
Gaudin. «Ce rapport est un
document accablant, qui
montre qu’il n’y a pas de pilote
dans l’avion», tacle ­Benoît
Payan, chef de file du groupe
PS. Pour Jean-Marc Coppola,
élu PCF, ce n’est que «la par-
tie ­visible d’un système» : «Il
faudrait une vraie investiga-
tion pour mettre à jour la par-
tie opaque.» Côté extrême
droite, Stéphane Ravier (RN)
y va à la pelleteuse : «La

de loyer, «l’exploitation de
M. Marquet était viable».

Acheter au prix fort,
vendre au rabais
Quand la ville achète, le rap-
port relève que, dans plu-
sieurs cas, les acquisitions
sont «intervenues dans des
conditions juridiques parfois
contestables et assez peu éco-
nomes des deniers publics». Le
rachat de la Maison de la ré-
gion, sur la Canebière, est un
modèle du genre. La mairie se
l’offre en 2016 pour 5,28 mil-
lions, soit «10 % de plus que ne
l’avait évalué France Do-
maine». Une addition alour-
die par 1,3 million de travaux
prévus par la délibération ac-
tant la vente... La ville s’en
sort-elle mieux quand elle
vend? Pas vraiment. Sur les
120 millions de cessions réali-
sées entre 2012 et 2017, la
chambre dresse la liste d’opé-
rations bien rentables, mais
plutôt pour les acheteurs. Là
encore, question de point de
vue, renvoie la mairie : «La
chambre semble parfois sortir
de son rôle pour se poser en
juge de l’opportunité, parfois
en architecte.»

Effectifs,
flou artistique
«Les services de la ville n’ont
jamais été à même d’établir et
de transmettre en plus de huit
mois d’instruction le nombre

d’agents» : c’est le principal
reproche de la CRC à la mai-
rie dans le deuxième volet de
son rapport sur la gestion du
personnel de la ville. D’au-
tant que la masse salariale a
augmenté de près de 11 % en
cinq ans, pour atteindre,
en 2017, 596 millions d’euros
alors même que nombre de
compétences ont été transfé-
rées à la métropole, note la
CRC. L’administration, dans
sa réponse, déclare faire
preuve «d’une intense mobili-
sation» mais invoque des dif-
ficultés informatiques.

Primes à gogo
et à vau-l’eau
Les magistrats relèvent une
gestion inflationniste des pri-
mes et indemnités. Par
exemple, la nouvelle bonifi-
cation indiciaire (NBI) est
versée à 57 % des agents, une
«attribution loin de revêtir le
caractère exceptionnel que lui
confèrent les textes». C’est le
cas de la NBI, normalement
réservée à l’accueil du public
mais versée à des services qui
accueillent plutôt... des collè-
gues. La ville est aussi épin-
glée pour les heures sup qui
«ont augmenté de 24 %». Avec
des records à 100 ou même
202 heures mensuelles par
personne, soit plus qu’un
temps plein... Alors que quel-
ques chapitres plus loin, la
CRC note que le temps de tra-

vail des agents de la ville est
inférieur de 40 heures à la
durée légale annuelle. Sur
«l’empilement sans cohérence
de primes», la ville reconnaît
quelques erreurs qu’elle s’en-
gage à rectifier. Mais justifie
son système au nom de la
«cohésion d’équipe qu’une in-
dividualisation des rémuné-
rations aurait pu détériorer».

Salariés (très) âgés
La CRC tient à l’œil l’équipe
vieillissante en charge des
plus hautes fonctions à l’hô-
tel de ville. Sur douze cas
d’activité au-delà de l’âge lé-
gal du départ en retraite (la
doyenne a 82 ans), «aucune
justification autre qu’un sim-
ple “maintien en fonction” n’a
été apportée». Parmi ce petit
monde figurent nombre de
proches du maire, dont son
chef de cabinet, Claude Ber-
trand, 73 ans. Alors que le
Parquet national financier
s’intéresse à l’affaire, l’un des
arguments de la mairie est
magique : «La jeunesse, la
vraie, n’est heureusement pas
une simple affaire d’âge.» Elle
évoque également le très pro-
chain terme de la mandature
de Gaudin pour justifier ces
maintiens en fonction. En
mars, une nouvelle équipe
sera en place. Après tant
d’années d’une telle gestion,
faudrait voir à pas chipoter
pour quelques mois, si ?•

Alors que les élus
examinent ce lundi
le document de la
chambre régionale
des comptes qui
épingle la gestion
de la ville par
l’équipe de Gaudin,
«Libé» fait le point
sur les principaux
sujets qui devraient
faire jaser.

Par
Stéphanie Aubert
et Stéphanie
Harounyan
Correspondantes à Marseille

Des associations
­réclament un plan
amiante dans l’édu-
cation nationale Alors que le ministère
doit rendre public le nombre d’établisse-
ments scolaires potentiellement dangereux,
un collectif de syndicats et d’associations
alarme sur les risques sur la santé des ensei-
gnants et des élèves. Photo Stéphane Remael

LIBÉ.FR

Marseille, un conseil chaud sous tout rapport


Jean-Claude Gaudin au conseil municipal de Marseille, le 17 juin. Photo Patrick Gherdoussi

chambre ne peut l’écrire, mais
[...] tous les élus qui gèrent la
ville, du conseiller municipal
délégué, à l’adjoint jusqu’au
maire, sont profondément in-
compétents, menteurs, falsifi-
cateurs, sans aucun sens de
l’intérêt général.» Ce qui pro-
met des débats musclés, d’au-
tant que dans sa réponse à la
CRC, la majorité LR a déjà
contesté dans tous les sens les
conclusions des magistrats.
«Je suis impa-
tient, je le con-
firme, il n’y a
a u r a p a s d e
phrase tronquée,
de coupures au
montage. Ceux
qui viendront ne
seront pas déçus...» se chauffe
déjà Yves Moraine, adjoint de
Jean-Claude Gaudin. Avant
le match, Libé passe en revue
les points chauds du rapport.

Locataire bonne poire
La ville semble avoir un pro-
blème avec le juste prix de
l’immobilier, relève le rap-
port. Quand elle loue des lo-
caux, la municipalité «ac-
quitte parfois des loyers très
élevés» et le bien n’est parfois
occupé que «très partielle-
ment». Le cas de la tour
La Marseillaise est du genre
parlant. La ville a loué pour
570 000 euros l’année tout le
16 e étage, dont la moitié est
restée vide... Une vision «er-

ronée» de l’histoire, rétorque
la majorité Gaudin, tant sur
le montant du loyer, que sur
l’absence de «stratégie d’oc-
cupation des locaux», puis-
que des agents de la ville vont
rejoindre le plateau.

Proprio grand
seigneur
«Erreur d’interprétation»
toujours, selon la municipa-
lité, quand le rapport s’at-
tarde sur son
­activité de pro-
priétaire : «Les
conditions de
la ville ressor-
tent environ
25 % en deçà du
prix du mar-
ché.» Passons sur le cas du
Vélodrome, dont le loyer, no-
tamment sa part fixe (5 mil-
lions d’euros), doit être aug-
menté «significativement»,
selon la CRC. Dans la série
«mon proprio est super-
cool», le dossier du Fortin de
Corbières a aussi intéressé les
magistrats. Cette superbe bâ-
tisse (406,84 m² bâtis sur
6 672 m² de terrain) est louée
«moins de 2 500 euros par
mois» à un ex-footballeur,
Jean-Christophe Marquet,
pour sa société d’événements
sportifs. Un loyer qui n’a rien
de faible, avait répondu la
mairie, s’appuyant sur l’ana-
lyse d’un bureau d’études qui
estimait qu’avec ce montant

L’histoire
du jour
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