Le Monde - 15.11.2019

(coco) #1
0123
VENDREDI 15 NOVEMBRE 2019 france| 9

Aussi peut­on constater que, majoritaire­
ment, ils souhaitent aller plus loin dans la
voie de la décentralisation. Plus des trois
quarts jugent que l’Etat doit renoncer à inter­
venir dans les compétences qu’il a décentra­
lisées. De même, dans des proportions équi­
valentes, ils souhaitent avoir une latitude de
dérogation aux normes.

AMÉLIORATION DU CLIMAT POLITIQUE
Le questionnaire établi par le Cevipof, enfin,
ne permet pas de dégager un choix
recueillant une approbation majoritaire des
élus locaux pour la compensation de la
suppression de la taxe d’habitation. Le
gouvernement a prévu, dans le projet de loi
de finances pour 2020, de faire redescendre
aux communes la part de taxe foncière sur
les propriétés bâties actuellement attribuée
aux départements.
Les positions des maires sont très parta­
gées : 35,4 % d’entre eux estiment qu’« il fau­
drait mettre en place un nouvel impôt local en
conservant un pouvoir de taux aux collectivi­
tés locales », option qui se rapproche le plus
de la proposition du gouvernement ; 30,1 %
se prononcent pour la « prise en charge totale
par l’Etat sous forme de dégrèvement dans la
durée », proposition défendue par l’AMF ;
15,1 % jugent qu’« il est préférable de donner
une partie d’un impôt national ». Ce qui
transparaît à travers ce questionnaire est
d’abord la perplexité des maires quant aux
conséquences de cette réforme.
L’enseignement majeur de cette enquête,
un an après la précédente, n’en reste pas
moins une amélioration globale du climat
politique chez les élus locaux et de la percep­
tion qu’ils ont de leur activité. Signe, semble­
t­il, que les tensions paroxystiques qui
semblaient régir les relations entre l’exécutif
et les collectivités territoriales l’année précé­
dente se sont, en partie, apaisées.
patrick roger

Infographie Le Monde


Source : sondage Sciences Po-Cevipof, Association des maires de France (AMF). Calculs réalisés par Martial Foucault,
directeur du Cevipof, avec la participation de Pierre-Henri Bono, chercheur.
Méthodologie : enquête réalisée en ligne entre le 12 octobre et le 7 novembre 2019, auprès de 33 279 maires, à partir
du chier des maires de l’AMF. Le taux de réponses s’établit à 13 % (soit 4 355 réponses complètes de maires) et 18 % si
l’on tient compte des réponses incomplètes (soit 6 450 maires). La représentativité de l’enquête est assurée par une
proportion équivalente de maires répondants dans chacune des strates de population des communes françaises.

Près d’un quart des maires sont encore indécis


Souhaitent se représenter Ne souhaitent pas se représenter Ne savent pas encore

A la date d’aujourd’hui, que prévoyez-vous de faire à la n
de votre mandat de maire?

48,7 % 28,3 %


23 %
Ne savent
pas encore

souhaitent
se représenter

Ne souhaitent pas
se représenter

Souhaits de représentation selon le nombre de mandats

1 mandat

2 mandats
3 mandats ou plus

57,1 20,1 22,
42,4 36,1 21,
37,7 37,5 24,

Souhaits de représentation selon la taille de la commune
(en nombre d’habitants)

De 30 000 à 100 00

De 10 000 à 30 000

De 5 000 à 10 000

De 3 500 à 5 000

De 1 500 à 3 500

De 1 000 à 1 500

De 500 à 1 000

Moins de 500

75 12,5 12,

63,3 26,5 10,

74,8 1 7,18,

67,7 19,2 13,

54,4 31,5 14,

56,5 26,3 17,

48,2 27,8 24

42,4 29,5 28,

Vous avez signié vouloir ne pas vous représenter
Parmi les raisons suivantes, laquelle ou lesquelles
ont motivé votre choix?

72,

62,

28,

22,

9,

8,

8,

8,

Me concentrer sur ma vie
personnelle et familiale
J’ai le sentiment d’avoir
rempli ma mission
Diicultés à satisfaire
mes administrés
Je n’ai pas (plus) les moyens
nanciers de mon action

Manque de personnels

Sentiment
d’être inutile

Diicultés avec
mon équipe municipale
Me consacrer à
mon activité professionnelle

Nombre d’heures déclarées par semaine et taux horaire brut, en euros par heure,
selon la taille de la commune (en nombre d’habitants)

50 000
à 100 00

20 000
à 50 000

10 000
à 20 000

3 500
à 10 000

1 000
à 3 500

500
à 1 000

Moins
de 500

63 h 59 h 51 h 45 h 35 h 29 h 22,3 h

17 /h 14,80 /h 12,40 /h 11,90 /h 11,90 /h 10,40 /h 7,40 /h

Smic horaire
10,03 euros

58,3 % des maires n’exercent pas d’activité professionnelle en parallèle
de leur mandat. 26,1 % étaient retraités au moment de leur élection

Votre mandat de maire a-t-il eu un impact sur votre vie familiale et personnelle?
Un impact positif Un impact négatif Aucun impact

23,7 42,8 33,


Un impact négatif sur la vie privée


Des maires reconnus par leurs citoyens mais qui jugent les risques trop importants


En analysant à votre expérience de maire, êtes-vous d’accord ou non avec les airmations suivantes?

Tout à fait
d’accord

Plutôt
d’accord

Ni d’accord
ni pas d’accord

Plutôt
pas d’accord

Pas d’accord
du tout

Mon indemnité de maire est suisante

19
24,2 25,
19,
11,

Les risques juridiques et pénaux sont trop forts

39,9 42,

11,
4,8 0,

Le niveau d’exigence des citoyens est trop élevé

29,

47,

15,
6,
0,

En tant que maire, j’ai la reconnaissance
des citoyens de ma commune

14,1 19,
8,
2,

55,

Une vision positive du fonctionnement de l’intercommunalité


Dans quelle mesure êtes-vous d’accord
ou non avec les airmations suivantes?

Tout à fait d’accord
Plutôt d’accord
Ni d’accord
ni pas d’accord

Plutôt pas
d’accord
Pas d’accord
du tout

L’Etat veut reprendre la main
sur l’action des municipalités

La crise des  gilets jaunes 
vous a rapproché
des représentants de l’Etat

Le grand débat vous a permis
de mieux connaître
les attentes des administrés

27,

43,

16,
8,
2,

0,

8,

25,8^27

37,

1,

13,

22,

31,8 30,

Vous diriez que l’intercommunalité fonctionne :

La situation nancière de votre commune est ...

Très bien
Plutôt mal

9,9 %


Très mal

6,7 %


Plutôt bien

41 %
Ni bien ni mal

24,7 %


17,4 %


Saine

49,2 %


1,6 %Critique


Plutôt saine

39,7 %


Plutôt
critique

9,4 %


A la suite de la suppression de la taxe d’habitation,
laquelle des solutions suivantes a votre préférence?

35,
Un nouvel
impôt local
Une prise en charge
par l’Etat
Donner une partie
d’un impôt national

Ne se prononce pas

30,

15,

19,

André Trigano, une recette immuable depuis 1971


A 94 ans, l’ancien député et maire de Pamiers, dans l’Ariège, espère être réélu à l’hôtel de ville


PORTRAIT
pamiers (ariège) ­ envoyé spécial

E


n cinquante ans de vie politi­
que, les présidents, ministres
et élus en tout genre se sont
succédé, mais lui n’a pas bougé. A
94 ans, André Trigano est toujours
maire de Pamiers, dans l’Ariège, et le
moins que l’on puisse dire, c’est qu’il
ne semble pas décidé à lâcher son
trône. En avril, l’édile a annoncé sa
candidature pour un cinquième
mandat à la tête de la ville. Un
mandat qui viendrait ponctuer un
engagement politique dans le sud­
ouest débuté en 1971.
Pourtant, il n’est pas né au pied
des montagnes ariégoises mais à
Montreuil, en Seine­Saint­Denis. Ce
qui s’entend assez facilement car à
l’hôtel de ville, il est le seul à ne pas
avoir cet accent chantant typique de
la région. C’est en 1939 que la famille
Trigano, d’origine juive­algérienne,
débarque dans l’Ariège pour fuir
l’invasion nazie. A Mazères précisé­
ment, où le jeune André s’engage
avec ses frères dans la Résistance en
tant que faussaire.
Une fois la France libérée, les
Trigano retrouvent la capitale et
relancent l’activité familiale dans le
tourisme. Une entreprise floris­
sante qui va rendre célèbre le nom
Trigano à l’échelle nationale et qui

vaudra à André d’être perçu comme
« le riche du quartier » à chaque
retour dans le sud, où il a épousé
une Mazérienne. C’est d’ailleurs ce
sobriquet qui va, en partie, précipi­
ter son entrée en politique.
« Au début des années 1970, la ville
de Mazères se vidait de ses habitants
et plein de gens sont venus me voir en
me suggérant de me présenter », se
remémore le fondateur du groupe
spécialisé dans le camping Cam­
péole. Quelques jours suffisent pour
le convaincre de faire acte de candi­
dature. Une candidature qu’il fonde
sur une seule proposition : celle de
créer 100 emplois. Il est élu, sans
mal, en 1971, et débute alors le
premier de ses nombreux mandats,
toujours exécutés sans étiquette. « Je
n’ai jamais pris de carte, affirme­t­il.
La seule fois où je me suis rapproché
d’un parti, c’est quand je suis entré à
l’Assemblée en 1993 et que je me suis
apparenté à l’UDF avec Raymond
Barre pour pouvoir avoir la parole. »

« On a cru à une plaisanterie »
Au total, André Trigano participe à
19 élections pour presque autant de
victoires. Municipales, départemen­
tales, régionales... aucune ne lui
échappe, si ce n’est la législative qui
suit la dissolution de l’Assemblée
Nationale en 1997. « La renommée de
l’entreprise Trigano m’a énormément

aidé et m’a ouvert beaucoup de por­
tes », explique­t­il pour justifier ses
succès électoraux. Et poursuit : « J’ai
toujours créé plus d’emplois que ce
que j’annonçais, forcément ça
rassure les gens. » Des propos que
conteste son opposant le plus viru­
lent, Michel Teychenné, conseiller
municipal d’opposition à Pamiers,
ville de 15 600 habitants où M. Tri­
gano est maire depuis 1995. « On a
effectivement connu une certaine
croissance, notamment au niveau de
l’emploi, mais elle est plus endogène
qu’autre chose », précise­t­il.
Car si André Trigano a longtemps
fait consensus partout où il a siégé,
les critiques à son égard commen­
cent à pleuvoir. Surtout depuis l’offi­
cialisation de sa candidature pour
un nouveau mandat de maire de
Pamiers. « Quand il l’a annoncé, on a
cru à une plaisanterie », souffle une
élue socialiste locale. Et pour cause,
à 94 ans, l’âge commence à se faire
ressentir sur l’ancien « M. Tou­
risme » de la Région Midi­Pyrénées
qui, à cause d’une douleur récur­
rente au genou, limite ses déplace­
ments et marche appuyé sur une
canne. En 2014, il avait d’ailleurs pro­
mis qu’il ne se représenterait pas.
Mais entre­temps, l’édile, qui n’a
pas perdu un cheveu avec l’âge, signe
de nombreux contrats avec l’Etat et
les différentes collectivités pour re­

vitaliser le centre­ville, vidé de sa po­
pulation et de ses commerces. « Je
suis parvenu à obtenir 20 millions
d’euros de subventions, j’ai entamé de
nombreux chantiers, il est donc logi­
que que je poursuive ce qui a été com­
mencé », expose­t­il. Il assure cepen­
dant qu’il n’ira pas au bout de son
mandat et qu’il laissera la main une
fois « les premiers rubans coupés »,
dans environ deux ans. Pas de quoi
convaincre ses détracteurs pour qui
l’âge avancé de l’ex­entrepreneur
toujours tiré à quatre épingles pose
un réel problème.
« A son âge, on n’est plus en mesure
d’exercer pleinement les fonctions de
maire », râle un commerçant. Ce que
nie en bloc une proche de M. Trigano :
« Il faut peut­être parler plus fort
quand on s’adresse à lui, mais il est en
pleine possession de ses moyens. »
Autre critique récurrente, son man­
que de concertation ou de prise en
compte des remarques. « On sait à
l’avance que, peu importe ce qu’on va
dire, il décidera seul », témoigne une
élue d’opposition. Un constat par­
tagé par certains membres de sa ma­
jorité qui ont décidé de ne pas repar­
tir à ses côtés. Certains envisagent
même de présenter une liste face à lui
en mars 2020, ce qui pourrait précipi­
ter la fin du règne d’André Trigano
dans le nord de l’Ariège.
s. ne.

« J’ai changé le quotidien des gens »


La maire ex­Les Républicains du 9
e
arrondissement de Paris,
Delphine Bürkli, s’est alliée au candidat LRM Benjamin Griveaux

PORTRAIT


E


lle n’a rien acheté, promis.
D’ailleurs, elle n’a jamais
fumé. Mais lors du voyage
à Montréal qu’elle vient d’ache­
ver, Delphine Bürkli a tenu à se
rendre rue Sainte­Catherine, pour
voir de ses yeux le système de
vente de cannabis récréatif, légal
au Québec depuis octobre 2018.
« C’était extrêmement intéressant,
raconte la maire du 9e arrondisse­
ment de Paris. Le dispositif est très
encadré, avec des fonctionnaires
d’Etat. Cela alimente une réflexion
que, malheureusement, nous
n’avons pas en France. Il ne faut
pas vivre les volets fermés! »
Au conseil de Paris, Delphine
Bürkli est encore rattachée au
groupe réunissant Les Républi­
cains (LR) et quelques indépen­
dants. Mais sur le cannabis
comme sur bien d’autres sujets,
elle n’est plus en phase avec son
ancien parti. Au point qu’après
avoir été durant des mois la
maire la plus courtisée de Paris,
l’élue de terrain que tous les
candidats à la Mairie voulaient
avoir à leurs côtés, elle a fini par
nouer une alliance avec celui de
La République en Marche (LRM),
Benjamin Griveaux. C’est sous la
bannière du parti présidentiel
qu’à 45 ans elle est désormais en
campagne pour sa réélection. Un
parcours représentatif du glisse­
ment de toute une série d’élus de
droite modérée.
Le parti gaulliste, pourtant, était
le sien de longue date. Elle l’avait
rejoint à la fin des années 1990,
quand il s’appelait encore le Ras­
semblement pour la République
(RPR). Un engagement sans doute
lié à son grand­père, un Suisse
devenu Français libre. « Enfant, on
me disait que la France nous avait
accueillis, qu’il fallait lui rendre ce
qu’elle nous avait donné, raconte
cette fille de restaurateurs. Je

viens d’un milieu ouvrier, où l’on
croit au travail, à l’effort. »
En 1997, celle que les discours
du gaulliste social Philippe
Séguin font vibrer rencontre le
nouveau député Pierre Lellouche
et devient son attachée parle­
mentaire. Débutent alors plus de
vingt ans d’engagement à droite,
dans l’ombre de son député, puis
dans des cabinets ministériels,
avant de devenir elle­même
candidate dans le 9e, l’arrondisse­
ment où elle a toujours vécu.

Dérive droitière
Après un échec en 2008, elle
réussit un coup d’éclat lors de la
campagne suivante. Elle s’im­
pose d’abord comme tête de liste,
avec des candidats qu’elle choisit
elle­même. « J’ai prévenu mon
parti que c’était mon quartier et
que j’irais quoi qu’il arrive, même
sans investiture. » Puis, alors que
Nathalie Kosciusko­Morizet s’in­
cline face à Anne Hidalgo à la
Mairie de Paris, Delphine Bürkli
l’emporte dans le 9e. Elle est la
seule à faire basculer un arron­
dissement à droite.
La suite est un mélange de suc­
cès et de déconvenues. « Dans plu­
sieurs domaines, j’ai réussi à chan­
ger le quotidien des gens, juge­t­
elle aujourd’hui. Par exemple en
ouvrant un centre d’accueil des
mineurs migrants, une crèche de
secours pour les familles prises au

dépourvu ou en végétalisant le
faubourg Montmartre. » Elle s’est
aussi impliquée pour aider les
habitants de la rue de Trévise,
après l’explosion qui a tué quatre
personnes et dévasté le quartier
en janvier 2018.
Déception en revanche côté LR.
Au fil des ans, elle se sent moins
en accord avec son parti, dans
lequel les militants venus de La
Manif pour tous montent en
puissance. « On a vu arriver dans
le mouvement des personnes
qu’on ne connaissait pas et qui ont
pris de plus en plus de poids. Tout
s’est structuré autour d’eux », se
souvient­elle. Cette dérive droi­
tière la heurte. Après avoir
travaillé pendant des années sur
ces questions, elle est la première
élue de Paris à célébrer des maria­
ges homosexuels.
Sans claquer la porte, Delphine
Bürkli prend ses distances avec
ses confrères des Républicains.
En 2017, cette fidèle d’Edouard
Philippe fait partie de la ving­
taine de personnalités de droite à
accepter la main tendue d’Emma­
nuel Macron, tout juste élu. De ce
nouveau président, elle apprécie
la capacité à rassembler. « Il a su
réunir les minoritaires de la gau­
che et de la droite pour en faire une
majorité, applaudit­elle. C’est ce
même pragmatisme que j’ai réussi
à mettre en place dans le 9e. »
Aujourd’hui, elle appelle à nou­
veau à l’union au sein même des
macronistes et rêve d’un rappro­
chement entre les frères ennemis
Cédric Villani et Benjamin
Griveaux. « Je ne suis pas Médaille
Fields, mais c’est mathématique :
si on part éparpillés, c’est l’équipe
sortante qui l’emportera. » A
quatre mois du scrutin, les chan­
ces d’une alliance entre les deux
rivaux du macronisme parisien
semblent néanmoins de plus en
plus maigres.
denis cosnard et sacha nelken

AU FIL DES ANS, ELLE SE 


SENT MOINS EN ACCORD 


AVEC SON PARTI, DANS 


LEQUEL LES MILITANTS 


VENUS DE LA MANIF


POUR TOUS MONTENT


EN PUISSANCE

Free download pdf