Libération - 18.10.2019

(Ron) #1

France


credi à l’Agence du médica-
ment, le CST, composé de
professionnels de santé mais
aussi de patients, a six mois
pour sélectionner les médi-
caments qui seront utilisés
pendant l’expérimentation.
«L’expérimentation va s’assu-
rer que les réponses aux ap-
pels d’offres des producteurs
soient conformes au cahier
des charges, reconnaît Nico-
las Authier. Pour officialiser
les traitements et permettre
aux patients soulagés d’avoir
la garantie d’être traités avec

le même médicament. Ces
choix pourront peut-être gui-
der de futurs promoteurs
d’une filière française.»

Collecte. Le contenu des
formations des profession-
nels de santé reste à détermi-
ner : «Ce ne sera pas un ap-
prentissage de référence sur le
cannabis médical car on ne
peut pas demander aux pro-
fessionnels de santé de suivre
vingt heures de formation, au
risque de les décourager»,
constate le président du CST,

qui rappelle l’importance de
mettre en place un registre
de collecte des données des
patients. Ces derniers, qui re-
présentent 20 % des mem-
bres du nouveau comité, se-
ront chargés d’informer le
public sur ce qu’est le canna-
bis thérapeutique et en quoi
il est un médicament. «Je
vais essayer de participer au
programme de formation, an-
nonce le député Olivier Vé-
ran. Si je suis formé, je serai
habilité à en prescrire. Ce
sera un beau symbole.»•

Mercredi,
les députés se
sont largement
prononcés pour
l’autorisation de
deux ans d’une
expérimentation
prise en charge par
la Sécurité sociale :
3 000 patients
sont concernés.

«Au-delà des clivages et des


positions de chacun sur le


cannabis récréatif, on est capables
d’avoir un consensus national

pour aider les malades.»
Olivier Véran neurologue et député LREM de l’Isère

U


n pas de plus vers
l’accès au cannabis
thérapeutique pour
quelque 3 000 patients qui
doivent participer à son ex-
périmentation. Au moment
où cette phase de test se
structure du côté des autori-
tés de santé, le cannabis mé-
dical entre à l’Assemblée na-
tionale via le projet de loi de
financement de la Sécurité
sociale. Le dé-
puté de l’Isère
Olivier Véran
(LREM), rappor-
teur du projet de loi, est à
l’origine d’un amendement
adopté à l’unanimité mer-
credi soir en commission des
affaires sociales. Le texte pré-
voit que l’expérimentation
du cannabis thérapeutique
soit prise en charge par la
Sécu. «Dire non à une expéri-
mentation, alors même qu’elle
est approuvée par l’Agence du
médicament, aurait dû sacré-
ment se justifier! J’étais assez
confiant que le texte passe,
mais je ne m’imaginais pas
qu’il n’y aurait aucune voix
contre», se félicite Olivier Vé-

Par
Charles Delouche

Un tampon bio dans ton
abricot? L’enseigne bio
Naturalia fait parler d’elle et de ses
produits d’hygiène féminine via une publicité assez
controversée avec des fruits pour figurer le sexe
féminin. «On ne met pas de glyphosate dans nos
abricots, ce n’est pas pour en mettre dans le vôtre»,
peut-on lire sur une affiche où pose une femme avec
un abricot pour figurer son sexe. Photo Naturalia

LIBÉ.FR

ran, qui attend sereinement
l’examen du texte en seconde
lecture la semaine prochaine
à l’Assemblée.
Neurologue, le député de
l’Isère a tiré son intérêt pour
le cannabis de ses consulta-
tions. «J’avais un patient
de 30 ans hospitalisé en neu-
rologie qui ne travaillait plus.
Il prenait de la morphine,
était sous perfusion d’antalgi-
ques et présentait un risque
suicidaire, explique Olivier
Véran. Je l’ai revu trois mois
plus tard. Il avait arrêté ses
traitements et allait repren-
dre son travail. Pour soulager
ses douleurs, il prenait du
­cannabis. J’ai commencé à
sonder mes patients. Ils en
consommaient aussi.»

Tisanes. Sont concernées
par l’expérimentation : les
douleurs neuropathiques ré-
fractaires aux thérapies ac-
cessibles, certaines formes
d’épilepsies pharmacorésis-
tantes, certains
symptômes re-
belles en onco-
logie (vomisse-
ments, nausées, anorexie...),
les situations palliatives et
enfin la spasticité doulou-
reuse de la sclérose en pla-
ques ou d’autres pathologies
du système nerveux central.
Les premiers patients expéri-
mentateurs devraient rece-
voir leur traitement au cours
du premier semestre 2020. Le
député prévient tout de
même que le cannabis n’est
pas une «molécule miracle» :
«On n’explique pas nécessai-
rement l’effet pharmacologi-
que sur certaines douleurs.
Nous n’avons pas encore tou-

tes les clefs de lecture, nous
sommes plutôt dans le cons-
tat. La demande est telle de la
part des patients qu’il fallait
un accompagnement politi-
que.»
En janvier, l’Organisation
mondiale de la santé a pro-
posé de déclassifier le canna-
bis du tableau IV des stupé-
fiants et donc de reconnaître
les fins médicales de la
plante. En France, un décret
daté du 5 juin 2013 a donné,
via une autorisation de mise
sur le marché, la possibilité
d’utiliser des spécialités
pharmaceutiques à base de
cannabis. Trois médica-
ments ont été autorisés mais
leur accès reste moindre. In-
diqué dans le traitement de
la sclérose en plaques, le Sati-
vex n’a jamais été commer-
cialisé faute d’accord sur le
prix. Il est donc courant que
des patients se procurent du
cannabis illégalement. D’au-
tres passent la frontière et se
fournissent à l’étranger,
grâce à une prescription mé-
dicale que les médecins fran-
çais sont habilités à fournir.
Un paradoxe soulevé par le
député : «Au-delà des clivages
et des positions de chacun sur
le cannabis récréatif, on est
capables d’avoir un consensus
national pour aider les mala-
des. Les mentalités évoluent.»
Les produits délivrés en
pharmacies seront sous
forme d’huiles, de tisanes et
de fleurs séchées.
La loi de financement de la
Sécurité sociale ne sera pro-
mulguée qu’à la fin de l’an-
née. En attendant, un nou-
veau comité spécialisé
temporaire (CST) s’est mis au
travail. Son président, le mé-
decin psychiatre spécialisé
en pharmacologie et en ad-
dictologie Nicolas Authier, a
salué «un amendement en
adéquation avec les décisions
prises cet été par les autorités
de santé et le ministère». Pour
lui, cette annonce «inscrit
durablement le projet dans le
temps et la loi». Réuni mer-

Cannabis


thérapeutique


Un beuh trois, go!


Les premiers patients devraient recevoir leur traitement en 2020. Julie Hascoët. Myop

L’histoire
du jour

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