Le Monde - 20.10.2019

(lily) #1
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DIMANCHE 20 ­ LUNDI 21 OCTOBRE 2019 france| 9

SOS Education, vitrine d’un business conservateur


Depuis trente ans, la famille Laarman fait fructifier un réseau d’associations idéologiques à but lucratif


ENQUÊTE


C’


est un sondage
comme beaucoup
d’autres, réalisé par
l’IFOP, et publié le
15 octobre dans Le Figaro. On y
apprend que les parents ont un
« jugement sévère » à l’encontre
de Jean­Michel Blanquer, le mi­
nistre de l’éducation nationale.
En regardant dans le détail cette
enquête, aux côtés de questions
classiques sur la qualité de
l’enseignement ou le nombre
d’élèves par classe, on trouve
aussi plusieurs questions sur la
sécurité, ou le « niveau de mixité
ethnique, sociale ou culturelle »
des établissements. Des thèmes
qui intéressent beaucoup, depuis
près de dix ans, l’association qui
a commandé ce sondage :
SOS Education.
Début octobre, elle avait fait
l’objet de critiques de la part de
parents d’élèves, dont les enfants
lycéens avaient reçu par la poste
un « référendum » dénonçant le
« pédagogisme » des « syndicats
jusqu’au­boutistes » qui « gangrè­
nent l’éducation nationale », et ré­
clamant « de vrais cours de mo­
rale, de civisme et de politesse ».
Interpellée sur les réseaux so­
ciaux par plusieurs parents mé­
contents, l’association a plaidé
l’erreur de l’un de ses prestatai­
res. Ces courriers n’auraient pas
dû être envoyés à des moins de
18 ans, comme le veut la loi. « Nos
contrats sont très clairs : les fi­
chiers doivent évidemment être
expurgés de tous les mineurs, a
précisé au Monde Sophie Audugé,
déléguée générale de l’associa­
tion. Une erreur, cela arrive. »
Ce n’est pourtant pas la pre­
mière « erreur » de SOS Educa­
tion, qui a eu son quart d’heure
de célébrité en 2007 en s’oppo­
sant à l’exposition « Zizi sexuel »,
du dessinateur Zep. En 2017, un
hiérarque de l’association avait
aussi utilisé une fausse adresse
mail au nom d’Emmanuel Ma­
cron pour envoyer une pétition
provenant d’un site d’extrême
droite, Damoclès. Un site tenu
par Samuel Lafont, militant con­
servateur libéral, longtemps sala­
rié d’une association sœur, qui
milite, elle, contre le « trop d’im­
pôts » : Contribuables associés.

Marketing agressif
Bienvenue dans une galaxie
vieille de trente ans, aux idées
bien arrêtées et au marketing
agressif. SOS Education n’avance
en effet pas seule. Elle partage le
même ADN que plusieurs struc­
tures : Contribuables associés,
mais aussi Sauvegarde retraites
ou l’Institut pour la justice, par
exemple. Toutes portent une vi­
sion de la société à la fois conser­
vatrice et économiquement libé­
rale. Surtout, toutes ont été fon­
dées ou dirigées par les membres
ou les proches d’une même fa­
mille : les Laarman.
Quelle que soit la cause défen­
due, ces structures utilisent des
méthodes identiques, issues de la
nouvelle droite américaine des
années 1980. « Ces associations
ont une manière très américaine
de fonctionner, mais ce qui est en­
core plus typiquement américain,
c’est la façon dont elles occupent
des espaces. Il y a des espaces va­

cants qui se créent entre le savoir
universitaire et les médias, et elles
s’yengagent », détaille Xavier Car­
pentier­Tanguy, professeur à
Science Po et à l’université du
Luxembourg et spécialiste des
think tanks.
Chaque association est organi­
sée autour d’un sujet grand pu­
blic et publie des pétitions et
autres « référendums ». Ces textes
sont envoyés en grandes quanti­
tés par la poste et par courriel et
proposent aux destinataires non
seulement de signer – et donc
d’accepter tacitement d’être ins­
crit dans différents fichiers –
mais aussi de verser une contri­
bution de soutien. En revanche, il
n’est pas possible d’adhérer, si­
non symboliquement : le nom­
bre de membres actifs est généra­
lement fixé par les statuts, assu­
rant que la structure ne soit pas
bouleversée par l’arrivée de nou­
velles personnes.
C’est le patriarche de la famille,
François Laarman, qui a importé
ces méthodes en France. Dans
l’hommage qu’il lui a rendu après
son décès en 2009 sur le site de la
libérale fondation Ifrap, son ami
Bernard Zimmern estimait que
M. Laarman avait « bouleversé


  • dans le bon sens – le fonctionne­
    ment de la démocratie française »,
    en développant des « associa­
    tions de défense de la société
    civile ». De fait, l’action des Laar­
    man touche autant à l’éducation
    qu’à la justice, à la culture qu’à
    l’alimentation.


4,5 millions d’euros de dons
François Laarman crée d’abord
en 1990 le navire amiral de cette
galaxie, Contribuables associés,
au côté de Bernard Zimmern et
d’Alain Dumait, ancien journa­
liste devenu maire du 2e arrondis­
sement de Paris dans les années


  1. Contribuables associés s’ap­
    puie sur des groupes de réflexion
    frères, constitués au fil du temps :
    la Fondation pour la recherche
    sur les administrations et les poli­
    tiques publiques (Ifrap), l’Institut
    de recherches économiques et
    fiscales (IREF) ; et même une école
    dispensant des séminaires, l’ins­
    titut de formation politique.
    Pour M. Carpentier­Tanguy, ces
    différentes organisations ne peu­
    vent pas vraiment être considé­
    rées comme des think tanks. « Un
    think tank travaille, théorique­
    ment, pour le bien commun, et en
    amont pour identifier des problè­
    mes et proposer des recomman­
    dations. Là, on est dans l’émotif,
    on flatte la réaction des person­
    nes, dans le but de lever des fonds
    très vite. Une organisation comme
    l’Ifrap se présente, en fonction du
    contexte, alternativement comme
    un think tank, une fondation, un
    lobby, ou une association. »
    A la politique s’ajoute en effet
    un savoir­faire commercial.
    François Laarman se définissait
    comme « entrepreneur militant ».
    C’est ainsi qu’il a fondé, en 1996,
    la société Score Marketing,
    aujourd’hui dirigée par une
    ancienne collaboratrice, Carole
    Néaumet. Son activité se spécia­
    lise dans le « mailing direct » :
    l’envoi de publicité ciblée au
    domicile. Autrement dit, cette
    structure achète, puis revend ou
    loue – y compris à des groupes de
    presse comme Le Monde – des
    fichiers d’adresses déjà consti­
    tués. Suivront d’autres entrepri­
    ses, exerçant des activités similai­
    res : France Adresses, Top Data,
    Starexis...
    En 2001, François Laarman a
    aidé son neveu Vincent à lancer
    SOS Education, où il sera épaulé
    par sa sœur Isabelle. Suivra,
    en 2007, l’Institut pour la justice,
    cofondé par le même Vincent
    Laarman et son épouse, Marie­
    Laure Jacquemond. Celle­ci est
    également trésorière de l’associa­
    tion Créer son école, fondée
    en 2004, et qui milite en faveur
    des écoles privées hors contrat.


Fiscalité, retraites, éducation,
justice... Autant de thématiques
susceptibles de séduire un public
âgé et aisé, cible prioritaire. Et
une méthode qui marche.
En 2014, les comptes de Sauve­
garde retraites faisaient apparaî­
tre 4,5 millions d’euros de dons.
En 2016, SOS Education affiche
1,5 million d’euros de dons. L’Ins­
titut pour la justice, pour sa part,
annonce 856 000 euros pour
l’année 2017. Toutes ces associa­
tions engrangent également des
fonds en louant leurs fichiers
d’adresses.

Actifs aussi en Suisse
Vincent Laarman modernise les
techniques de son oncle. Il n’oc­
cupe aujourd’hui plus aucune
fonction au sein de SOS Educa­
tion ni de l’Institut pour la jus­
tice, mais dirige Santé nature in­
novation (SNI), une société
suisse qui édite notamment un
site Web du même nom, et reven­
dique plus de 850 000 abonnés à

ses newsletters, gratuites et
payantes. Le site, qui a long­
temps compté le très contro­
versé professeur Henri Joyeux
dans son comité scientifique, a
été épinglé à plusieurs reprises,
notamment par l’UFC­Que choi­
sir. Dans la ligne de mire : son
marketing agressif, sa promo­
tion de traitements « miracles »
dont les effets sanitaires restent
sujets à caution, et ses articles
anti­vaccins.
Un autre Laarman, Jan, frère de
Vincent, sera durant quelques
années à la tête de la Sercogest,
entreprise chargée de la plate­
forme téléphonique de SNI.
L’épouse de Vincent, Marie­
Laure Jacquemond, lui succédera
jusqu’à la liquidation de la so­
ciété, en 2018.
Installés depuis quelques an­
nées à Lausanne, les Laarman
sont aussi actifs en Suisse.
En 2017, Marie­Laure Jacquemond
a contribué à y créer une école pri­
maire « d’esprit chrétien et de cul­

ture classique », l’institut du
Mont­Pèlerin, référence à la So­
ciété du Mont­Pèlerin, groupe de
réflexion libéral de l’après­guerre.
C’est également à Lausanne
qu’a été domiciliée SerenWays.
Cette entreprise est le prolonge­
ment d’un énième « collectif »,
Alerte enfants écrans, qui avait
connu une certaine notoriété
en 2018 grâce à des pétitions con­
tre l’utilisation du téléphone
portable à l’école. Devenue
Serenways, elle se positionne

désormais comme une « commu­
nauté » qui propose conseils et
guides – payants – pour « mieux
gérer votre vie digitale ». A la tête
de la structure, on retrouve...
Sylvain Marbach, le nouveau pré­
sident de l’association SOS Edu­
cation, qui n’a pas souhaité
répondre à nos questions sur
cette société.
M. Marbach est déjà installé
dans la région. Il a travaillé de
2013 à 2018 pour Santé nature
innovation. Rien d’étonnant dès
lors à ce que SNI, comme
d’ailleurs SOS Education, assu­
rent la promotion des solutions
et des guides de Serenways, sans
jamais évoquer les liens qui unis­
sent leurs fondateurs. A l’heure
du marketing électronique, Syl­
vain Marbach a un CV adéquat.
Son compte Linkedin le décrit
comme un ingénieur spécialisé
en sciences cognitives.
mattea battaglia,
damien leloup
et samuel laurent

C’est le patriarche,
François
Laarman,
qui a importé
en France des
méthodes très
américaines de
fonctionnement

SOS Education
partage le même
ADN que d’autres
structures :
Contribuables
associés,
Sauvegarde
retraites
ou l’Institut
pour la justice

DÉFENDRETOUT


CEQUICOMPTEPOURVOUS.


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