Macron, à la tête
d’un Etat faillible?
LE FAIT
DU JOUR
POLITIQUE
Cécile
Cornudet
V
iser l’Etat pour
atteindre Macron.
Les opposants ne sont
peut-être plus très nombreux,
mais ils disent cette fois
la même chose. « L’Etat s’est
effondré », constate Marine
Le Pen (Sud Radio).
« Il y a un délitement de l’Etat
républicain », relève Adrien
Quatennens, en pensant plus
au social qu’à la sécurité.
Attention à ne pas fragiliser
l’Etat en appelant à une
« société de vigilance », ajoute
Xavier B ertrand. « La
responsabilité de l’Etat et de
son chef ne se délègue pas et ne
se partage pas », dit-il dans le
« JDD ». Emmanuel Macron,
chef d’un Etat faillible? « On
ne peut incarner une “start-up
nation” et une nation forte
à la fois : on voit bien ce qu’on
nous reproche », décode un
ministre. Le questionnement
est pris très au sérieux par
le chef de l’Etat. Il explique son
virage régalien affirmé à l’été.
Mais la réponse ne se trouve
pas en un jour, ne serait-ce que
parce que ses proches ont
des approches très différentes.
Ceux qui ont regardé la
télévision dimanche peuvent
en témoigner. Jean-Michel
Blanquer estimant que
le « voile n’est pas souhaitable
dans notre société, même si,
bien sûr, ce n’est pas interdit »
(BFMTV) ; Sibeth Ndiaye
défendant l’idée
qu’accompagner des sorties
L’attentat de la préfecture remet au premier plan la
question de l’autorité de l’Etat. Comment la restaurer
quand les troupes sont divisées? C’est l’équation
de Macron à mi-mandat.
scolaires était pour les mères
voilées l’o ccasion de s’ouvrir à
des personnes ayant d’autres
pratiques (France 3).
Comment restaurer l’autorité
de l’Etat quand des ministres
venus de la droite veulent
lutter contre le
communautarisme mais qu’il
faut attendre 24 heures pour
qu’une manifestation
de soutien à un terroriste soit
interdite, quand certains
pensent que la réponse
est dans le durcissement sur
l’immigration mais quand
la majorité est friable sur le
sujet? C’est l’équation à mille
inconnues que doit résoudre
Emmanuel Macron.
Pour l’heure, il entend avancer
sur l’immigration et pousse
ses troupes à des mesures
concrètes dès la discussion sur
le projet de loi de finances. Les
premières analyses sur l’Aide
médicale d’Etat confirmeraient
l’existence de fraudes, contre
lesquelles des décisions
seraient prises. L’idée d’une
personnalité ministérielle
dédiée à ce dossier (un haut-
commissaire? Le secrétaire
d’Etat Laurent Nuñez ?)
n’est pas enterrée. Il y a aussi
le double anniversaire de la
mi-novembre. Celui de la mi-
mandat d’Emmanuel Macron,
celui, au même moment, de
la première manifestation des
« gilets jaunes » il y a un an.
L’Etat défié par le jaune d’un
côté, un président qui bascule
dans la préprésidentielle
de l’autre. Autant dire que
les équipes du chef de l’Etat
entendent préempter
l’événement. Par un grand
discours sur la République?
Cela fait partie des
préconisations.
[email protected] Dessins Kim Roselier pour
« Les
Echos »
Le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, à l’Assemblée. Photo Dominique Faget/AFP
time « pour relancer la machine » en
pleine crise, mais il n’y a pas de rai-
son de la pérenniser, estime-t-il.
La fin de cette réduction de coti-
sations ciblée sur ces salaires rap-
porterait plus d e 3 milliards
d’euros, et les députés proposent
dans leur amendement de « les
redéployer afin de compenser le défi-
cit de 3,1 milliards d’euros des bran-
ches maladie, famille, vieillesse, acci-
dents du travail et maladies
professionnelles du régime général ».
Efficacité non prouvée
Ce n’est pas la première fois que les
deux jeunes députés partent à
l’offensive sur ce sujet polémique.
Dans leur rapport « Soutenir les
hommes et leurs entreprises », un
travail qu’ils ont lancé de leur pro-
pre chef, et qui est paru en juillet, ils
proposaient de revenir sur les bais-
ses de charges au-delà de 1,7 ou
2,5 SMIC, en raison de leur faible
effet sur la création d’emplois. Avec
les recettes ainsi empochées, souli-
gnaient-ils, il serait possible d e bais-
ser des impôts de production tels
que la C3S.
Ce rapport s’appuyait sur une
série d’auditions, et faisait suite à
une note du Conseil d’analyse éco-
nomique publiée en janvier, selon
laquelle seule pouvait être prouvée
l’efficacité des exonérations de coti-
sations en dessous de 1,6 SMIC. Au-
delà, rien de probant, ni dans un
sens ni dans l’autre.
Mais en juillet, Sacha Houlié et
Pierre Person ont essuyé une fin de
non-recevoir de l’exécutif. Le gou-
vernement n’a pas souhaité revenir
sur les allégements l’année même
de la bascule du CICE en baisse de
charges, optant plutôt pour une sta-
bilisation des prélèvements. Selon
nos informations, sa position n’a
pas varié depuis. Le ministre des
Finances, Bruno Le Maire, s’est
même engagé, fin août, à l’univer-
sité d’été du Medef à ce qu’il n’y ait
aucune modification des allége-
ments de charges d’ici à 2022.
Si l’exécutif n’y est pas favorable,
la mesure a de quoi séduire un cer-
tain nombre de députés de la majo-
rité. « Il y a un sujet sur la question
des allégements supérieurs à
2,5 SMIC, avec un effet d’aubaine qui
coûte cher sans s’accompagner de
créations d’emplois », commente
Olivier Véran, le rapporteur général
du budget de la Sécurité sociale, qui
est « d’accord pour en débattre ». Le
député LREM rappelle que plu-
sieurs scénarios ont été évoqués
pour « recentrer un peu l’investisse-
ment afin qu’il crée de la richesse ».
Plutôt qu’une suppression abrupte
des allégements a u-delà de
2,5 SMIC, lui penche pour une
dégressivité qui rapporterait quel-
ques centaines de millions
d’euros.n
lLes députés LREM Sacha Houlié et Pierre Person ont déposé un amendement au projet de loi de financement
de la Sécurité sociale pour supprimer la réduction de cotisation famille patronale entre 2,5 et 3,5 SMIC.
lLe gouvernement n’y est pas favorable, mais la majorité y est sensible.
Nouvelle offensive contre les allégements
de charges sur les salaires élevés
Isabelle Ficek
@IsabelleFicek
et Solveig Godeluck
@Solwii
On peut dire que la Cour des comp-
tes a déroulé le tapis rouge à Sacha
Houlié et Pierre Person. Les deux
députés LREM ont d éposé vendredi
dernier un amendement au projet
de loi de financement de la Sécurité
sociale pour 2020 qui vise à suppri-
mer la réduction de cotisation
famille patronale de 1,8 point pour
les salaires compris entre 2,5 et
3,5 SMIC. Trois jours auparavant,
les magistrats d e la rue C ambon ont
mené une charge contre les niches
sociales dans leur rapport annuel
sur la Sécurité sociale, et demandé
une revue en profondeur de l’effica-
cité des 52 milliards d’euros d’allé-
gements généraux.
« Le rapport de la Cour des comp-
tes nous a encouragés dans notre
démarche, car il montre que d epuis la
création du crédit d’impôt compétiti-
vité emploi, plusieurs dispositifs de
réduction de cotisations sont deve-
nus permanents alors qu’ils auraient
dû rester conjoncturels », explique
Sacha Houlié. La politique d e baisse
des charges visant à restaurer les
marges des entreprises et à favori-
ser l’emploi était parfaitement légi-
Bruno Le Maire s’est
engagé, fin août, à
l’université d’été du
Medef à ce qu’il n’y ait
aucune modification
des allégements de
charges d’ici à 2022.
SUR
ÉDITO ÉCO DU JOURNAL DE 7H
DANS LE 6H-9H DE MATTHIEU BELLIARD
NICOLAS BARRÉ
cap de sa réforme était « le bon ».
Dans l’immédiat, pour désengorger
les urgences, la ministre a annoncé
un numéro d’accès unique aux
soins « effectif avant l’été ». « Nous
travaillons aujourd'hui avec les pom-
piers, avec les responsables du Samu,
avec les médecins libéraux ; je leur ai
donné deux mois pour me faire une
proposition, elle doit arriver avant
décembre », a expliqué Agnès
Buzyn. Le système sera arrêté dans
la foulée. « 20 % des passages aux
urgences le sont pour de mauvaises
raisons, ils seront évités grâce à ce
numéro », a-t-elle estimé.
Mesures sociales
Agnès Buzyn a par ailleurs annoncé
qu’elle allait « engager un travail » sur
les rémunérations des professions
médicales à l’hôpital. Interrogée sur
ces élus tentés de faire appel au privé
pour gérer l’hôpital, comme en Mai-
ne-et-Loire, elle a qualifié ce cas
d’« exception » et assuré : « Mon pro-
jet n’est pas de faire entrer des capi-
taux privés dans l’hôpital public. »
Alors que la Sécurité sociale est à
nouveau dans le rouge, avec plus de
5 milliards d’euros de déficit, la
ministre a admis que les comptes
ne seront « pas à l’équilibre dans le
délai qui était imparti », soit pas
avant 2023. Elle a mis en avant les
« mesures sociales » de sa réforme
« qui répondent à de nouveaux
besoins » : pensions alimentaires,
LE GRAND RENDEZ-VOUS//EUROPE 1 - CNEWS - « LES ÉCHOS »
Marion Kindermans
@MaKindermans
« Je s uis venue au ministère pour gué-
rir l’hôpital. » Alors que mercredi,
plus de 260 services d’urgences
étaient encore en grève, Agnès
Buzyn, ministre des Solidarités et de
la Santé, invitée dimanche du
« Grand Rendez-Vous » Europe 1 -
CNews - « Les Echos », a dit « com-
prendre l’impatience » des acteurs
de la santé, tout en affirmant que le
Alors que la crise des
urgences n’est toujours pas
éteinte, la ministre des
Solidarités et de la Santé
estime que le cap de sa
réforme du système de
santé « est le bon ».
branche par branche, régime par
régime, ce sera long », a-t-elle indi-
qué tout en reconnaissant que
« cette réforme va forcément coûter
un peu » financièrement.
Enfin, à propos d’une éventuelle
candidature aux municipales, la
ministre a déclaré que ce ne serait
pas pour cette fois. Mais elle a laissé
la porte ouverte sur le fait de se pré-
senter un jour à Paris. « Je suis
contre les parachutages, je suis pari-
sienne, je ne me vois pas aller
ailleurs », a-t-elle lâché.n
congés de trois mois pour les pro-
ches aidants, parcours de soins de
l’après-cancer.
Interrogée sur le phénomène de
radicalisation islamiste dans les
hôpitaux, la ministre a expliqué
avoir reçu « relativement peu de
signalements » et « avoir demandé
une évaluation dans les s ervices s ani-
taires et psychosociaux ».
Sur la réforme des retraites,
Agnès Buzyn a martelé que « ce
n’était pas une question budgétaire
mais d’équité ». « Nous travaillons
Agnès Buzyn annonce un numéro unique
d’accès aux soins « avant l’été 2020 »
Agnès Buzyn a annoncé qu’elle allait « engager un travail »
sur les rémunérations des professions médicales à l’hôpital.
Photo Wlad Simitch/Capa Pictures
FRANCE
Lundi 14 octobre 2019Les Echos