Les Echos Lundi 14 octobre 2019 PLACEMENTS// 39
Les sociétés foncières sont-elles des
valeurs de rendement? Dans l’esprit
de beaucoup d’épargnants, elles
représentent l’actif au plus fort
potentiel de distribution. L a
réponse doit être cependant plus
nuancée. Par construction, les
sociétés foncières s ont très g énéreu-
ses. Leur statut juridique, créé en
2003, leur impose en effet de distri-
buer aux actionnaires 95 % des
loyers perçus et 60 % des plus-va-
lues encaissées.
Résultat, le taux de distribution
(pourcentage du résultat net versé
aux actionnaires) dépasse bien sou-
vent les 80 %. Mais les foncières peu-
vent également violemment réagir
aux aléas des marchés. « Les sociétés
foncières sont à la confluence de trois
univers : l’immobilier, les a ctions et les
obligations », rappelle Stéphanie
Galiègue, directrice générale
adjointe du centre d’études sur
l’immobilier IEIF. Autrement dit,
l’immobilier reste proche d’une
obligation, avec des flux de trésore-
rie réguliers (loyers) sur un échéan-
cier et, en même temps, la compo-
sante action induit un e ffet
valorisation non négligeable.
C’est pourquoi, sur longue
période, « l’immobilier, même physi-
que, reste plus proche des actions que
des obligations en termes de perfor-
mances», constate l’experte.
Selon les données de l’IEIF, les
sociétés foncières cotées sont les
actifs les plus performants sur lon-
gue période mais également les plus
volatils, donc les plus risqués. Sur
très longue période (30 et 40 ans),
les actions et les foncières présen-
tent des niveaux de performance et
de volatilité très proches. Et, sur des
horizons plus courts (10 ou 20 ans),
les foncières présentent des perfor-
mances supérieures aux actions
(11,7 % de taux de rentabilité interne
par an sur 10 ans).
Valorisations extrêmement
contrastées
Toutefois, toutes les sociétés fonciè-
res ne sont pas logées à la même
enseigne. La concentration du sec-
teur (25 SIIC actuellement) s’est éga-
lement traduite par un mouvement
de spécialisation. Pour les foncières
spécialisées dans l’immobilier de
bureau, comme Covivio ou Gecina,
les signaux restent au vert.
La promotion immobilière
donne quant à elle des signes de flé-
chissement. Mais c’est l’immobilier
commercial qui focalise toutes les
inquiétudes. Les centres commer-
ciaux sont non seulement soumis
au pouvoir d’achat des ménages
mais ils surtout attaqués de front
par de nombreux concurrents en
ligne, comme Amazon. A la fin 2018,
le géant Unibail-Rodamco, très
exposé à l’immobilier commercial
de détail, se traitait avec une décote
de 40 % sur son actif net réévalué
(ANR), une sanction boursière équi-
valente à celle connue en 2008, en
pleine récession. Et le titre a encore
cédé plus de 3 % depuis janvier.
A l’inverse, Gecina a bondi de plus
de 30 % depuis le début de l’année.
Une hausse davantage liée aux anti-
cipations du marché qu’à la revalo-
risation de son patrimoine immobi-
lier. Ces valorisations extrêmement
contrastées se reflètent sur le rende-
ment : quand Unibail-Rodamco
affiche un rendement de p lus d e 8 %,
compte tenu de sa décote, Gecina,
une des pépites de la c ote, se
« contente » de moins de 4 %.
« L’immobilier, dans le monde
entier, délivre en moyenne un rende-
ment compris entre 4 et 5 %, quelque
soit le support. La différence vient de
la composante boursière, qui est la
plus volatile », observe Stéphanie
Galiègue. Le statut de valeur de ren-
dement d’une foncière dépendra in
fine du point d’entrée et de l’horizon
d’investissement. La baisse des taux
a été un facteur de soutien d es cours.
Mais, sur un horizon de dix ans et
plus, la revalorisation du patri-
moine assure la performance.
—E. B.
Championnes du dividende,
les sociétés foncières
restent très corrélées
aux actions en termes de
performance et de risque.
Les riches
dividendes
des sociétés
foncières
IMMOBILIER COTÉ
Europe, où les entreprises préfèrent
le versement du d ividende au rachat
d’actions, pratique courante aux
Etats-Unis. Et la France fait figure de
championne du dividende : le
record des 50 milliards d’euros dis-
tribués par les sociétés du CAC 40 a
été franchi en 2019 (au titre de l’exer-
cice de 2018), en progression d e 10 %,
soit un taux de distribution de 48 %,
selon les données de Factset.
Attention à la hausse
des taux!
Les valeurs de rendement ne sont
pas cependant gagnantes à tous les
coups. Le dividende n’est jamais
garanti : il est lié à la cyclicité de
l’activité de la société et à l’évolution
du résultat. Mais la baisse des divi-
dendes est en moyenne inférieure à
celle des résultats. Certaines socié-
tés peuvent cependant présenter
des rendements élevés en raison de
la forte décote de leur cours de
Bourse ou d’un taux de distribution
trop élevé pour être pérenne.
Enfin, les valeurs de rendement
ont tendance à sous-performer le
marché en cas de hausse des taux.
Cette réalité de marché doit être
nuancée par un fort biais sectoriel.
De fait, certains poids lourds de la
thématique « rendement », comme
les télécoms et les services aux col-
lectivités (« utilities »), profitent
moins du rebond de la croissance et
du retour de l’inflation. Quant aux
sociétés foncières, autre secteur
emblématique, leur actif net rééva-
lué est directement impacté par la
hausse des taux.
Les valeurs de rendement sont
souvent attachées à des métiers peu
attractifs sur le moyen et long
terme. C’est typiquement le cas du
secteur télécoms où les perspecti-
ves de croissance sont faibles mais
les cash-flow importants. Toute-
fois, il existe de nombreuses socié-
tés, qui n’apparaissent pas sponta-
nément comme des valeurs de
rendement, mais s’engagent sur
une dynamique de croissance du
dividende sur le long terme.
Ainsi, des groupes d e luxe,
comme L’Oréal ou LVMH (proprié-
taire des « Echos »), plutôt présen-
tés comme des valeurs de crois-
sance, avec des rendements faibles,
compte tenu du cours élevé de
l’action, assurent une croissance
régulière de leurs dividendes
depuis des années et affichent leur
volonté de poursuivre cette politi-
que. De même, dans le secteur de la
santé, les groupes pharmaceuti-
ques, comme Sanofi, assurent une
croissance régulière du dividende
sans dégrader leurs ratios finan-
ciers. Des valeurs de rendement se
trouvent en réalité d ans tous l es sec-
teurs, avec un niveau de risque plus
ou moins important.
Les obligations souveraines
offrent aujourd’hui un rendement
négatif et les obligations d’entre-
prise les mieux notées rapportent
au mieux 1 % à 2 %. Il faut donc
désormais investir dans les seg-
ments les plus risqués du marché
de crédit pour trouver un rende-
ment équivalent à celui des actions.
Mieux, sur les cinq dernières
années, le rendement sur les
actions est apparu autrement plus
stable que celui des obligations, qui
présentent de faibles perspectives
de plus-value, voir un réel risque en
capital en cas de remontée des taux.
Enfin, les valeurs de rendement ont
moins profité de la revalorisation
des marchés actions, et sont donc
moins vulnérables à une consolida-
tion boursière (et à une remontée
des taux). Dans une optique de pla-
cement de long terme, notamment
pour préparer sa retraite, les
valeurs de rendement peuvent pré-
senter une bonne alternative aux
obligations. Et dans le cadre d’un
contrat d’assurance-vie, « arbitrer
en faveur des valeurs de rendement
dans un contrat en unités de compte
me paraît faire sens », conclut Flo-
rian Allain.n
ACTIONS// Dans un contexte de taux bas et de soubresauts du CAC 40, les valeurs de rendement se présentent
comme une alternative aux obligations dans une optique de placement à long terme.
Valeurs de rendement : le dividende,
amortisseur de la volatilité
« L’immobilier
délivre en
moyenne, dans
le monde entier,
un rendement
compris entre
4 et 5 %, quel que
soit le support. »
STÉPHANIE GALIÈGUE
Directrice générale adjointe
du centre d’études
sur l’immobilier IEIF
Eric Benhamou
S
i le CAC 40 s’inscrit dans le
vert depuis le début de
l’année, les épargnants res-
tent frileux... Quels sont aujourd’hui
les meilleurs choix pour investir en
Bourse? Entre des valeurs de crois-
sance, dorénavant très chères, et des
valeurs cycliques décotées, toujours
sous la menace des tensions com-
merciales et du ralentissement éco-
nomique, une troisième thématique
d’investissement mérite l’attention :
les valeurs de rendement.
De qui s’agit-il? La valeur de ren-
dement est une a ction dont le r ende-
ment, c’est-à-dire le dividende rap-
porté au cours de Bourse, est
supérieur à la rémunération des
emprunts d’Etat. A l’heure où ces
derniers sont à taux négatifs, cette
définition n’a plus guère de sens. La
valeur de rendement peut être alors
comprise comme les sociétés dont
le rendement est supérieur à la
moyenne du marché, soit actuelle-
ment de 3,75 % sur l’indice Stoxx des
600 meilleures capitalisations euro-
péennes. Un niveau qui s’inscrit
dans la moyenne historique. Pour
Florian Allain, gérant chez Manda-
rine Gestion, « cette approche est trop
restrictive : il faut également prendre
en compte la capacité et la volonté de
la société à faire progresser régulière-
ment son dividende ». En clair, une
valeur de rendement doit à la fois
offrir un bon rendement et assurer
une croissance stable et pérenne du
dividende.
Pour Mandarine Gestion, les
valeurs de rendement présentent
un atout de taille pour un porte-
feuille patrimonial : elles ont la
capacité d’accompagner les phases
haussières de la Bourse et d’amortir
les chocs baissiers. Autrement dit,
ce sont des actions moins volatiles
que la moyenne du marché. De fait,
le dividende constitue un puissant
matelas de sécurité sur le long
terme. « Le rendement représente
40 % du gain sur une action à long
terme », souligne Florian Allain.
C’est particulièrement vrai en
Banque ou assurance?
Le secteur financier a particulièrement souffert en
Bourse de la baisse des taux. Les grandes valeurs du
secteur se trouvent très largement décotées par rapport
à leur actif net mais proposent à nouveau des dividendes
plus généreux. C’est le cas du secteur bancaire qui peut
désormais soigner ses actionnaires après avoir reconsti-
tué les fonds propres après la crise de 2008. Ainsi, les
banques françaises affichent des rendements supérieurs
à 6 % et Société Générale frôle même les 10 %. Toutefois,
les incertitudes sur le secteur sont encore nombreuses,
comme la transformation digitale, la pression sur les
marges et des coûts élevés.
Les assureurs présentent la même décote et des rende-
ments tout aussi élevés (6 % pour AXA). Toutefois, leur
diversification (assurance-vie, dommages, prévoyance)
leur permet d’amortir les chocs conjoncturels.