Les Echos Executives
P
our une entreprise, savoir faire
preuve de réactivité en contexte
de forte concurrence et d’incerti-
tude est un avantage compétitif inégalé.
A tel point qu’un nombre grandissant de
sociétés s’évertuent aujourd’hui à sim-
plifier leurs process devenus bien trop
complexes afin de gagner en flexibilité.
Dans cette optique, à condition bien
entendu d’être correctement appliquées
- et non partiellement ou dévoyées –
avec le soutien sans faille de la direction
générale, des méthodes font florès dans
le milieu du travail, en particulier le lean
management, la méthode agile et le
design. « Il s’agit de trois approches de
même famille de pensée de la souplesse et
de la réactivité », estime Franck Regis,
associé fondateur de REFLEXE Techno-
logies, un éditeur de solutions d’agilité
d’entreprise. « Mais il ne faut surtout pas
oublier de vérifier, au préalable, la capa-
cité d’adaptation notamment des ressour-
ces humaines et des infrastructures tech-
niques, qui sont essentielles à la souplesse
d’ensemble », avertit l’expert. Zoom sur
ces trois approches.
#LE LEAN MANAGEMENT
Cette méthode – lean signifie « maigre »
en anglais – vise à améliorer la perfor-
mance opérationnelle en faisant colla-
borer personnel, équipements et sites,
de manière à créer de la valeur avec le
moins de gaspillage possible. Née dans
l’industrie automobile, elle touche
différents secteurs d’activité et fonc-
tions, y compris les services financiers.
Avantages
Bien mené, le lean management permet
aux salariés de se sentir davantage
impliqués au sein de leur organisation.
La satisfaction des clients étant un des
piliers de la méthode, celle-ci contribue
à générer un gain de chiffre d’affaires,
même en période de croissance faible.
Et la traque du gaspillage conduit méca-
niquement à un accroissement des
marges opérationnelles.
Limites
Il arrive trop souvent que l’entreprise
dévoie ce système en ne pensant qu’à la
productivité. Augmentation des caden-
ces, stress, troubles musculo-squeletti-
ques, risques psychosociaux, etc...
Appliqué d’une façon brutale, le lean
peut détériorer les conditions de travail.
Le bât blesse tout particulièrement
quand les entreprises s’abstiennent de
s’adresser directement aux opérateurs
de terrain en contact avec les clients. Or,
ce sont eux les plus à même de proposer
des solutions aux problèmes rencon-
trés. Point important : une méthodolo-
gie s’impose pour la mise en œuvre du
lean, car c’est lorsqu’il n’est que partiel-
lement appliqué qu’il présente le plus
grand danger.
Formations
Les trois mastères spécialisés du Cesi,
des Arts et Métiers et de l’Ecam
Lyon. Ainsi que les formations Lean Six
Sigma et Lean Management Blended
Learning de Centrale Supélec.
A lire
« Lean pour les managers »
(Afnor éditions), par Marc Babic.
#L’APPROCHE AGILE
Cette méthode a d’abord séduit les entre-
prises du Web et les start-up dans les
années 2000, puis s’est développée avec
succès au sein d’entreprises tradition-
nelles. Issu du Manifeste Agile de 2001,
ce concept regroupe douze principes qui
permettent aux entreprises de déployer
de manière rapide de nouvelles idées.
Parmi eux, la satisfaction du client par la
livraison rapide et régulière de fonction-
nalités à grande valeur ajoutée, l’auto-
organisation des équipes, ou encore
l’intelligence collective.
Avantages
La méthode agile crée de la valeur en
intégrant le client au cœur de l’équipe
projet grâce à des échanges planifiés
réguliers avec lui et ses fréquents feed-
back, précieux pour rester en phase
avec les besoins du marché (page 41).
Autre avantage : l’agile favorise la coo-
pération grâce à la constitution d’équi-
pes pluridisciplinaires et autonomes.
Enfin, cette approche réconcilie engage-
ment des collaborateurs et productivité.
Et change les modes de fonctionne-
ment, y compris la façon de travailler
avec les prestataires.
Limites
Pas d’efficacité sans méthode et rigueur.
L’entreprise doit se poser la question de
son intérêt à emprunter une telle
démarche et du périmètre qu’elle
entend lui soumettre. Ne pas perdre de
vue non plus, avertit Vinciane Beau-
chene, directrice associée au Boston
Consulting Group (page 41), que, sans
alignement de tous sur les objectifs et
sur les sources de création de valeur
pour l’entreprise, il n’y a pas d’agilité
possible.
Formations
Le cursus MBA bientôt proposé par
Wemanity et la business school de
l’Ecole des Ponts.
A lire
« Culture agile » (éditions Publis-
hroom), par Jean-Claude Grosjean et
« Le Changement agile » (Dunod), par
David Autissier et Jean-Michel Moutot.
#LE DESIGN
C’est le procédé qui aboutit à la création
d’un produit ou d’un service qui prend
en considération trois éléments : « la
désirabilité – autrement dit, les besoins et
désirs du client –, la faisabilité et la viabi-
lité économique », résume Valérie Legat,
directeur de projets design et innova-
tion chez McKinsey. Pour être efficace,
cette approche doit pouvoir se diffuser
dans toutes les strates de l’entre-
prise. Voilà ainsi une dizaine d’années
que Thuasne, ETI spécialiste textile
technique médical, l’a intégrée en
amont de son processus industriel. Et
même des cabinets d’avocats internatio-
naux comme Herbert Smith Freehills
s’y mettent! (page 42)
Avantages
A l’inverse d’une démarche linéaire classi-
que, qui se base sur une étude marketing
débouchant sur un long process de créa-
tion, le design – qui donne, très en amont,
priorité à l’écoute et à l’empathie avec le
client – permet de tester rapidement non
seulement la viabilité opérationnelle
d’une solution, mais aussi sa faisabilité.
Clef : l’itération continue – un ingrédient
agile – pour accompagner le produit dans
tout son cycle de vie.
Limites
L’erreur la plus grave est de confondre
design et procédé artistique et de se lancer
dans une démarche dépourvue d’objectifs
quantitatifs et d’indicateurs. (page 43).
Attention aussi au design hermétique à
ses futurs usagers : « Les parties prenantes
doivent nécessairement être impliquées
dans la démarche, avertit Kristy Anamou-
tou, du cabinet d’innovation managériale
Bluenove. Par exemple, la page de réserva-
tion d’Airbnb répond à chaque question du
client, mais aussi de l’hôte. » Il ne s’agit pas
uniquement de penser le design, comme
pourrait le laisser supposer l’expression
« design thinking », mais de le faire vivre
pour le confronter aux retours des utilisa-
teurs.
Formations
Programmes d’executive education à
HEC (Design thinking & Innovation)
et de stratégie d’innovation par le design
thinking à l’emlyon business school. De
son côté, Audencia, en partenariat avec
l’école de design de Nantes, propose un
master spécialisé en Design, Marketing
Création. Enfin, les formations conti-
nues en design thinking de l’école de
l’image Gobelins et de l’école de design
de Nantes.
A lire
« Passez au design thinking » (Eyrolles),
par Mélissa Aldana, Vincent Dromer et
Yoann Leméni.n
Zoom sur le lean management,
l’approche agile et le design.
Trois démarches ancrées
sur la réactivité de l’entreprise
et la « centricité » client.
F
ini les initiatives de type usine à gaz sur des mois,
voire des années! La tendance au sein des
entreprises les plus innovantes, c’est l’itération
continue : on saucissonne les projets, que l’on confronte
à intervalles réguliers aux besoins du client. L’objectif
étant de rendre l’organisation bien moins lourde dans
son fonctionnement et plus réactive à son marché, les
schémas de pensée nécessairement évoluent. Même le
processus budgétaire n’est a priori plus inamovible!
Il n’est bien sûr pas question d’outrepasser la limite
arrêtée, mais dès lors qu’un produit ou un projet se
révèle générateur de valeur, l’entreprise se réserve la
faculté de procéder à un nouvel arbitrage pour
réallouer des ressources. Question de souplesse d’esprit.
L’intérêt suscité par les méthodes agiles – en
environnement toujours aussi complexe, imprévisible
et concurrentiel – peut s’expliquer par cette promesse :
combiner la réalisation de projets ambitieux et la
mobilisation des salariés. Le rêve de toute entreprise!
Mais pour y parvenir, le travail le plus difficile est
d’ordre culturel. Car le processus de décision repose sur
de nouvelles priorités : les retours d’expériences client
et les connaissances terrain des collaborateurs. Autant
dire que, dans un premier temps, cela suppose de
convaincre le top management – indicateurs à la clef –
du bien-fondé de cette nouvelle orientation. Puis de
l’inviter à lâcher du lest pour se montrer plus
collaboratif – donc moins « vertical » – et diffuser ce
nouvel état d’esprit d’un bout à l’autre de la chaîne
hiérarchique. Il devrait s’y retrouver puisque, à terme,
capitaliser sur les observations des salariés permettrait
de leur redonner de la marge de manœuvre, de les
responsabiliser, et donc de doper leur engagement et
rasséréner les managers. Quant aux clients, chacun
s’accorde à dire que leurs observations et leurs données
sont clefs pour forger l’avenir. Rien ne serait mieux,
pour les conquérir puis les fidéliser, que leur proposer
une grande qualité de produits et une personnalisation
de services. Pour y parvenir et innover, le design se
présente comme un levier essentiel. Le design cible
l’expérience utilisateur et le ressenti client, l’agile réagit
en déployant un projet. Itératives, pragmatiques,
collaboratives et centrées sur le client ou l’utilisateur, les
démarches agiles et design ont des points communs.
Pourquoi ne les combine-t-on pas davantage ?n
Souplesse d’esprit
TRANSFORMATION
L’ÉDITO de Muriel Jasor
Shutterstock
Trois méthodes pour
réinventer l’entreprise
EXECUTIVES
BUSINESS.LESECHOS.FR LUNDI 14 OCTOBRE 2019