Le Monde - 26.10.2019

(Wang) #1
0123
SAMEDI 26 OCTOBRE 2019 france| 11

Une étude inédite sur les meurtres conjugaux


Le parquet général d’Aix­en­Provence a analysé les profils d’auteurs de féminicides entre 2018 et septembre 2019


marseille ­ correspondant

U


n lien clairement éta­
bli entre féminicides
et violences conjuga­
les antérieures, des
carences dans le traitement des
plaintes et des suivis judiciaires
et un défaut d’évaluation de la si­
tuation de la victime : tels sont les
enseignements d’une étude con­
duite par le parquet général de la
cour d’appel d’Aix­en­Provence
(Bouches­du­Rhône). Erigeant en
« priorité absolue » la lutte contre
les violences commises au sein
du couple, l’ex­procureur général
Robert Gelli avait sollicité en
mars une analyse sur les fémini­
cides commis dans son ressort,
qui regroupe plus de 4,2 millions
d’habitants (Alpes­de­Haute­Pro­
vence, Alpes­Maritimes, Bou­
ches­du­Rhône et Var).
Chargée de ce travail, la substi­
tut générale Isabelle Fort a exa­
miné en détail vingt­neuf dos­
siers : dix­sept meurtres et douze
tentatives de meurtre commis
par conjoint ou ex­conjoint entre
le 1er janvier 2018 et le 9 septem­
bre 2019. Vingt­six sont des fémi­
nicides, trois autres concernent
des femmes ayant tué leur con­
joint ou ex­conjoint. Son objectif :
« Analyser les circonstances, les
profils des auteurs et des victimes
ainsi que d’identifier les lacunes
dans la prise en charge des signa­
lements ou plaintes précédents et
les éventuels dysfonctionnements
dans la prise en charge ou le suivi
des mis en cause. »

« Retour d’expérience »
Le Monde a eu accès à ce docu­
ment qui démontre, une fois de
plus, que « l’homicide ou la tenta­
tive est la suite d’un comporte­
ment violent récurrent ». Près de
80 % des auteurs avaient, en effet,
déjà commis des violences répé­
tées sur leur conjoint (70 %) ou
sur un ex­conjoint (10 %). Mais,
dans un bon tiers des cas, ces vio­
lences antérieures n’avaient ja­
mais été portées à la connais­
sance d’un quelconque service
d’enquête ou de la justice et cela,
alors même que 90 % des familles
et des proches n’ignoraient rien
de la violence subie par la victime
avant les faits criminels.
L’étude montre que 55 % des
auteurs d’homicide ou de tenta­
tive avaient des antécédents judi­
ciaires de menaces ou violences
sur conjoint, sous la forme d’une
enquête en cours (43 %), d’une
procédure classée sans suite
(25 %) ou d’un suivi judiciaire

(31 %). Les classements l’ont été
du fait d’un retrait de la plainte de
la victime ou en l’absence d’un
certificat médical. « Cela illustre la
difficulté à poursuivre une procé­
dure lorsque la victime refuse de
déposer plainte, retire sa plainte
ou ne souhaite pas faire constater
ses blessures », lit­on dans cette
enquête. Cependant, les choses
évoluent puisque des procureurs
de la République ne font désor­
mais plus du dépôt de plainte la
condition indispensable au dé­
clenchement d’une enquête.
« Dans la plupart des cas, ob­
serve Mme Fort, les procédures an­
térieures pour violences n’avaient
pas bénéficié d’un circuit de traite­
ment court », même si, dans la
quasi­totalité des cas, la victime
avait bien été entendue de ma­
nière précise et circonstanciée.
Alors que la magistrate relève que
le temps écoulé entre la plainte
initiale et les faits criminels peut
varier d’un jour à plus d’un an, la
plupart du temps, la procédure
était en attente de l’audition de
l’auteur et de l’examen médical
de la victime pour établir son in­
capacité totale de travail.
Mais, en dépit de ces lenteurs en
début de procédure, « l’étude de
l’ensemble des suivis judiciaires ne
démontre pas un dysfonctionne­
ment systématique de la chaîne ju­
diciaire », note Mme Fort. La magis­
trate prend pour exemple un
meurtre commis alors que
l’auteur respectait strictement les
modalités d’un sursis avec mise à
l’épreuve prononcé pour des vio­
lences avec arme et que la vic­
time, en possession d’un télé­
phone grave danger, ne faisait
état, peu de temps avant le drame,
d’aucune difficulté. Au moment
du passage à l’acte, un autre sui­
vait au pied de la lettre les obliga­
tions imposées par un régime de
libération conditionnelle et d’un
suivi socio­judiciaire.
En revanche, l’analyse de ces
vingt­neuf cas illustre « une ca­
rence dans le circuit d’information
entre les différents intervenants,
enquêteurs, magistrats, contrô­

leurs judiciaires, associations
d’aide aux victimes ». Souhaitant y
remédier, Robert Gelli a ainsi
systématisé un « retour d’expé­
rience », qui réunit services d’en­
quête et judiciaires lorsque les
choses ont mal fonctionné. Ce fut
le cas, en 2018, pour une victime
aspergée d’acide sulfurique à Mar­
seille alors que son conjoint empi­
lait deux contrôles judiciaires et
un sursis avec mise à l’épreuve.
Ou bien dans le Var, en avril 2019 :
là, l’époux qui a tué sa femme avec
une arme à feu venait d’être placé
sous contrôle judiciaire mais le
juge de la liberté et de la détention
lui avait laissé la possibilité de se
rendre au domicile conjugal pour
des raisons professionnelles.
L’interdiction de contact n’est
pas systématiquement pronon­
cée, relève également l’étude, quel
que soit le suivi judiciaire imposé.
Dans certains des dossiers,
l’auteur avait bien interdiction de
se rendre au domicile conjugal
mais pas celle d’entrer en contact

avec la victime, ce qui, de fait,
n’empêchait pas le harcèlement
ou les violences, sans crainte des
foudres de la justice. Un homme
dont le sursis avec mise à
l’épreuve avait été révoqué, en rai­
son de multiples incidents, a vu
sa peine d’emprisonnement im­
médiatement aménagée avec le
port d’un bracelet électronique.
Mais le juge d’application des pei­
nes n’a pas réitéré, dans ce nou­
veau cadre judiciaire, l’interdic­
tion de contact avec la victime,
qui lui avait pourtant été imposée
lors de la mise à l’épreuve.

Proscrire les mains courantes
Sur un plan général, cette étude
inédite apprend que le fémini­
cide touche toutes les classes
d’âge. Parmi les auteurs de ces
vingt­neuf cas étudiés, le plus
jeune avait 21 ans et le plus âgé
78 ans. Cinq des dix­sept auteurs
de meurtre se sont suicidés
aussitôt après leur acte tandis
qu’un jeune homme qui avait

tenté de tuer sa compagne s’est
donné la mort en prison plus
d’une année après les faits.
Ces vingt­neuf meurtres et ten­
tatives ont été commis majoritai­
rement avec une arme blanche
(41 %), souvent un couteau de cui­
sine, ou avec une arme à feu (34 %)
et les faits ont été perpétrés au do­
micile conjugal (62 %), devant le
lieu d’hébergement d’un des deux
conjoints (24 %) ou bien encore
devant l’école des enfants (10 %).
Enfin, Mme Fort réserve un chapi­

tre aux enfants : « Un peu plus de
20 % d’entre eux ont été témoins du
meurtre ou de la tentative de meur­
tre de leur mère et ce chiffre monte
à 44 % s’agissant de leur présence
au moment des violences antérieu­
res, certains étant eux­mêmes victi­
mes de ces violences physiques. »
Avant même la sortie de cette
étude qui invite les différents par­
quets de la cour d’appel à la plus
totale vigilance, l’ex­procureur
général avait, le 24 juillet, adressé
aux procureurs de la République
une note destinée à améliorer le
traitement de ces affaires, notam­
ment en proscrivant les mains
courantes et en ordonnant une
évaluation systématique de la
victime dès le début de la garde à
vue du conjoint violent. Au seul
parquet de Marseille, les nom­
breuses plaintes qui étaient res­
tées en jachère – non­convoca­
tion de l’auteur à la suite d’une
plainte – sont toutes en train
d’être reprises et traitées.
luc leroux

Près de 80 % des
auteurs avaient
déjà commis
des violences
répétées sur
leur conjoint
ou ex-conjoint

CO N S T I T U T I O N
Le seuil de 5 % aux
européennes validé
Le Conseil constitutionnel a
rejeté, vendredi 25 octobre, la
question prioritaire de consti­
tutionnalité, déposée notam­
ment par le Parti animaliste et
l’Union pour la République,
contestant le seuil de 5 % re­
quis des suffrages exprimés
pour pouvoir participer à la
répartition des sièges au Par­
lement européen. Cette dispo­
sition ne porte pas « une at­
teinte excessive au pluralisme
des idées et des opinions », ont
estimé les juges.

J U S T I C E
Enquête ouverte contre
le directeur de cabinet
de Richard Ferrand
Une enquête préliminaire
a été ouverte par le Parquet
national financier contre
Jean­Marie Girier, directeur de
cabinet du président de l’As­
semblée nationale, après la ré­
vélation par Le Point d’une
note appelant à constituer
une « task force pour “chasser”
les maires » de gauche en vue
des municipales. L’associa­

tion Anticor avait saisi le par­
quet en juillet. – (AFP.)

Tefal : condamnation
confirmée pour
l’inspectrice du travail
L’inspectrice du travail Laura
Pfeiffer a de nouveau été con­
damnée, jeudi 24 octobre, à
une amende avec sursis pour
avoir rendu publics des docu­
ments confidentiels de Tefal,
à l’issue d’un troisième pro­
cès découlant de l’entrée en
vigueur de la loi sur les lan­
ceurs d’alerte.

C I R C U L AT I O N
Le code de la route
modifié pour encadrer
les trottinettes
Un décret a été publié le
25 octobre au Journal officiel
pour encadrer l’usage des
trottinettes. Selon le texte,
les véhicules peuvent trans­
porter un conducteur « âgé
d’au moins 12 ans » et
l’amende peut aller jusqu’à
1 500 euros pour quiconque
roule avec un engin conçu
pour dépasser les 25 km/h.
Rouler sur le trottoir devient
interdit. – (AFP.)

L’étude de ces
29 cas révèle
« une carence
dans le circuit
d’information
entre les
différents
intervenants »

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