Le Monde - 26.10.2019

(Wang) #1

Groupementsd’intérêt fémini n.


faceàunmilieu encoretropenclinaumachisme,
Desviticult rices se sontregroupées enassociations.
Desstructuresqui leurpermettentDepartageret
Des’entraiDer.


L’uneest promueet s’enréjouit.L’autreest rejetée et très
affectée.Le sortréservéàdeux femmes de la Champagne illustre
une réalitécontrastée:alorsque la gent féminine s’impose de plus
en plus dans le monde de la viticulture,celui-ciresteencor emar-
qué parlepaternalisme,voirelemachisme.
à40ans, Vitalie Taittinger,une desfemmes puissantesde
la Champagne, vientainsi de sevoir confier lesrênes de la mai-
sonfamiliale. Elle deviendraprésidente de la prestigieuse
marquechampenoiseàlasuitedeson père,dontlemandat
prendrafinle31décembre.«Après avoir repris le contrô le du

champagneTaittinger en 2006 et selon lecalendrier qu’il s’était
fixéàl’époque ,Pierre-Emmanuel Taittinger adécid édec onfier
l’avenirdel’entreprisefamilialeàlag énérationsuivante»,aannoncé
sobrementlamaison dans uncommuniqué, le 11octobre. Celle qui,
depuis douze ans dans la société,occupait lesfonctions de direc-
tricedumarketing et était l’«ambassadricedelamarque»préfère
insister sur le«choix collectif»,sonfrèreaîné (d’un an), Clovis,
devenantdirecteur général adjointaux côtésdeDamienLesueur,
déjà efficacedirecteur général.«L’idée n’est pas d’êtreau-dessus de
quiconque,c’était déjà trèscollégial avecpapa.Chacun est là où il
est le plus utile pour la maison»,confie Vitalie Taittinger.Une belle
histoiredetransmission ne laissantplaceàaucun ostracisme.
CarolineBrun n’apas vécu le même scénario. Celle qui,à48ans,
est devenuepeintre, s’est vueévincée du domainefamilial
ChampagneRoger Brun.«J’ai travaillésur l’ exploitationfamiliale
jusqu’àlafind es années 1990, dateàlaquelle je suis partie pour
suivr emonmari»,racont e-t-elle.Toujourspropriétaired’unepar-
tie des six hectares du domaine, depuis sonretour àAy, elle n’ya
plus accès, affirme-t-elle, son frèreaîné enayantpris latête.«C’est
comme si mes parents avaientlégué une voitureaux deux enfants,
mais en ne donnantles clés qu’à l’un des deux.J’ai pourtantobtenu
lebr evetprofessionneldereprised’exploitationagricole,j’aieumen-
tion“trèsbien”entaille.Jesuisassezbonnepourtravaillerdansune
très grande maison dechampagne[dontelle souhaitetairelenom
réputé],maispasassezpourmafamille»,dit celle qui s’estréfugiée
dans lapeinture et vientd’exposer dans unegalerieparisienne.
«Mes toiles évoquentlechampagne, je peinsavec de la poudrede
liège,deverre,lesprécipitationstartriques...J’évoquelesvibrations
duvin,c’est une dégustationvisuelle»,explique CarolineBrun. Et,
si la Champenoise s’épanouit aujourd’hui, ellen’en dénoncepas
moins«lagrande souffrancedes femmes qui sontpassionnées par
le vi netl avigne et qui ne peuvents’exp rimer».
Cettedifficultéàémerger etàtenir la même placeque les hommes
compteparmi lesraisons qui ontpoussé lesfemmesàcréer des
organisations spécifiques dans le monde du vin.Pasune région
viticole qui necompteson association:Les Aliénor du vin de
Bordeaux, créée en 1994, Étoiles enBea ujolais (1999),Femmes et
vins deBourgogne (2000),FemmesVignes Rhône (2004),Les
Éléonores de Provence(2008),Vinifilles (2009) enLanguedoc-
Roussillon,LesDivines d’Alsace(2011), SOFemme&vin (2014)
dans leSud-Ouest,Dames ducœur deLoire(2015) et
LesFa’bulleuses (2015) en Champagne. Elles sontregroupées dans
le CercleFemmes de vin, créé en 2009.
Cettelisteest loin d’êtreexhaustive,s’agissantdes profession-
nelles du secteur.EnChampagne encore,Vitalie Taittingerpar-
ticipeàune association, LaTransmission.«Onest une dizaine,
représen tanttouteslesrégionsduchampagne,avecdessensibilités
différent es. Le but est de partager une analyseféminine mais
variée»,explique-t-elle. C’est AnneMalassagne, de la maison
Champagne A.R.Lenoble, qui, en 2016, décide derelancerce
réseau dontl’embryonremonte à2012.«Quandjemesuisretrou-
vée àgérer le vignoble, ilyavingt-six ans, j’étais souvent

TexteRémi BARROUX
Illustration Charlotte MOLAS
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