Le Monde - 26.10.2019

(Wang) #1

considérée par les clientscomme la jeunefemme là pourfaireles
paquetscadeaux.Onme demandait “le vigneronn’est pas là ?” »,
racont ecettepatronne champenoise.
D’où lavolonté de permettreaux femmes deLa Transmission
d’échanger,def airevaloir«une sensibilitémoins présente chez les
hommes »,de«partager un même vécu »aussi. Cetteassociation
organise desatelierssur l’influenceducontenantsur le cont enu, par
exemple, et son intense débat :quel verrechoisirpour déguster le
champagne?«Onaplaisiràfairedes choses ensemble, on s’enrichit
mutuellement»,plaideVitalieTaittinger.Selon AnneMalassagne, son
association est très différentedes Fa’bulleuses, l’autreréseaucham-
penois.«LaTransmission veutreprésentertoutes lestendances de la
Champagne,fairedelapédagogie, alorsque l’autreassociation est
d’abordungroupe destinéàfairedelapromotion,àcréer des syner-
gies entreles maisons »,analyse-t-elle.
SophieMilesi, de la maisonGuy Méa, assume lecôté «l’unionfait
la force» des Fa’bulleuses et les opérations promotionnelles
qu’ellesréalisent,comme un très jolicoffretréunissantdes cu vées
des sept domaines.Mais elle met aussi enavant«leplaisir d’être
ensemble, de trouver des solutionsànos problèmes, de s’entraider,
de parler aussi des enfants ou decommentarticuler nos viesfami-
liales et professionnelles ».Cetteproblématiquerevient systéma-
tiquementchez cescentaines defemmes qui ontdécidé de s’or-
ganiser.À1000 kilomètres deReims, CathySisqueille vinifie (en
conversion bio) ses grenache,syrah, carignan, muscat,roussanne
et autres macabeu.Dans son Château deRey, àCanet-en-
Roussillon (Pyrénées-Orientales), la viticultricenesedit passpé-
cialementféministe, maisparticipeactivementaux activités des
Quilles duSud, cinq domaines du Languedoc-Roussillon.«On
nous interrogesur lesraisons pour lesquelles cinqfemmes se sont
réunies:sionétait des hommes, on ne nous poserait pas la ques-
tion »,s’insurge-t-elle. Et, quand on lui demande de définirce
qu’elle trouve danscesréunions, saréponse fait échoàSophie
Milesi.«Onparletechnique, œnologie,commerce,chiffons.Surtout,
il n’yapas deconcurrenceentrenous, pas d’ambiguïté, pas de
drague... »,racont eCathy Sisqueille.
Françoise Antech racont elamême histoire. Elle est membredes
Vinifilles, une association de dix-huitfemmes vigneronnes du
Languedoc-Roussillon (dontles Quilles duSud), quiafêtéenjan-
vier ses dix ans.«Les adhérentesnepeuventpas êtreresponsables
export ouchargées decom’,elles doiventintervenir dans la vigne ou
le chai »,précise-t-elle. Elle aussi se défend detout militantisme :
«Onnerevendique rien, mais on veut aider lesfemmes dans leur
métier,àcroireenelles.Sil’une d’entrenousaunproblème, elle
reçoit immédiatementdix-septréponses. »Un féminisme
pragmatique en somme. Et la vigneronne du domaine Antech,à
Limoux (Aude), d’ajouter :«Onsedit cequ’on ne sait pasfaire,
alorsquecen’est pas le truc des mecs. »Vitalie Taittinger non plus
ne serevendiqueguèreféministe.«Jenesuis pas trop “groupe de
filles”»,dit-elle. Ce qui ne l’empêchepasdepartager sesconseils en
cas deréflexion sexiste:«Ilvaut mieux en rire.Lerire,çadésarme.
Oualorsfaireappelàlaforcephysique et viser juste!»


Le cLan desBourguignonnes.


«Audébut,certainsnous sur-
nommaientleMLF du vin»,
raco nteenriantaujourd’hui
Virginie Taupenot,vice-
présidente del’association
Femmesetv insdeBourgogne,
qui regroupe40vigneronnes
implant éesduChabl isien
au Mâconnais. Co propriét aire,
avecson fr èreRomai n, du
domaineTaupenot-Merme,
àMorey-Saint-Denis,cette
rayonnante brunede47ans se
ditpourtant«plusféminine
que féministe»et«plus
égalitaire que “gir lpower”».
Si manifs et manife stes ne sont
pas sa tassedechardonnay,
il yavait pourtant àfaire
en termesdeprogression des
mentalitésquand ,en2000,
elle et cinq autres
Bourguignonnes–Anne
Parent,Chant al Mich el-
Tortochot, MireilleDesmonet-
Billard, Anne Schussler et
VéroniqueDesfontaine–
décidèrent de créerune
structurerassemblantles
vigneronnes de leurrégion.
Certes,des pionnièresau
caractèrebientrempéavaient
tracédes premiers sillons,
telles Lalou Bize-Leroy,
cogérantede1972à1992du
DomainedelaRomanée-
Conti,propriét aire du presti-
gieux DomaineLeroy et
militantedelabiodynamie,
commel’étaitlar egrettée
Anne-ClaudeLeflaive
(1956-2015), de l’ embléma-
tiqueDomaineLeflaive,
àPulign y-Montrachet .Mais
Virginie Taupenot sesouvient
aussique,iln ’y aencorepas
si longtemps,les vignerons
priaient pouravoir un fils, plus
apte ,selon eux, àreprendre
l’affa irefamiliale.
Créée afinde«desesentir
moinsseulesdansunmilieu et
desréseaux très masculins»,
l’association ad’abord été
centréesur l’ entraide.«Nous
partagions souventles mêmes
problématiques,souligne
Virginie Taupenot,liées
en particulier auxdifficultés
àconcilier vi eprofessionnelle

et maternité.»Dèslap remière
année, l’association passe
de 6à17adhérentes.
Présidéeaujourd’huipar
Nathalie Fèvre, du Domaine
Gilles Fèvre, àChabl is,
Femmesetv insdeBourgogne
ne cessederéfléchir àl’avenir
de laprofession,d’échanger
sur l’ évolution despratiques
et destechniques, en fa isant,
parexemple,inter venirdes
spécialisteslorsdes quatre
ou cinq réunions annuelles.
Ellesser egroupent parfois
pour négocier desachats
de matériel, organisent
desdégustationspubliques,
desformati onsauprèsdes
écoles. Ce rtainesont même
prisensembledes cours
de théâtrepour améliorer
leur communication.
L’adhérentetypeapeu évolué.
La plupar tdeces vigneronnes
ontreprisunpatrimo inefami-
lial,les créationsdedomai ne
étantrares dans latrès oné-
reuseBourgogne(malgré les
contre-exemplesdeBrigitte
Berthelemot etSofie
Bohrmann àMeursault ou
d’Anne-SophieDebavelaere
àRully). Si certainessont
desfigures médiatiques, telles
Anne Gros ouCécile Tremblay
àVosne-Romanée, aucune
n’essa ie d’ imposerauxautres
uneesthétiqueou unmode
de viticu lture.«Plusi eurs
tendancesviticolessont
représent ées,rappelle Virginie
Taupenot.Chacune fait part
de sesexpér iences, nous
sommes ouvertes,mais cha-
cune doitêtreenadéquation
avec elle-même.»Et n’allez
surtoutpas leurdirequ’elles
fontdes «vinsféminin s».«Ça
n’existe pas!»,clame-t-elle
face àlar ingardisedecette
vision sexuée. Ce qui ne les
empêchepas dese moquer
gentiment de certainescarac-
téristique s(prétendument)
masculines :«Pendant les
dégustation s, c’est souvent
àcelui quiplacera le plus
d’adjectifsetderéférences
techniques.» S. D.

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dossiervin

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