Le Monde - 26.10.2019

(Wang) #1
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SAMEDI 26 OCTOBRE 2019 planète | 7

Pollution de l’air : la France condamnée


La justice européenne considère que l’Etat n’a pas suffisamment agi « pour protéger la santé des citoyens »


A


près des années
d’avertissements sans
frais, la France vient
d’être condamnée par
la Cour de justice de l’Union euro­
péenne (CJUE) pour son incapa­
cité à protéger ses citoyens contre
la pollution de l’air.
Dans un arrêt rendu jeudi
24 octobre, la CJUE « condamne la
France pour manquement aux
obligations issues de la directive
qualité de l’air » de 2008. De fait,
la justice européenne estime que
« la France a dépassé de manière
systématique et persistante la
valeur limite annuelle pour le
dioxyde d’azote depuis le 1er jan­
vier 2010 ». Le dioxyde d’azote
(NO 2 ) est un gaz très toxique
émis principalement par le trafic
routier, et en particulier par les
véhicules diesel.
Douze agglomérations françai­
ses sont concernées par ces dé­
passements répétés : Paris, Mar­
seille, Lyon, Nice, Toulouse, Stras­
bourg, Montpellier, Grenoble,
Reims, Clermont­Ferrand, Toulon
ainsi que la vallée de l’Arve, au
pied du mont Blanc.
La Commission européenne
avait saisi la CJUE en mai 2018 sur
les cas de la France et d’autres
Etats. L’Allemagne, le Royaume­
Uni, l’Italie, la Hongrie et la Rou­
manie sont aussi sous la menace
d’une condamnation pour des dé­
passements de NO 2 ou de particu­
les fines (PM10, de diamètre infé­
rieur à 10 micromètres). Les juges
de Luxembourg n’ont pas encore
rendu leur décision en ce qui con­
cerne ces Etats. La France est dans

le viseur de Bruxelles depuis dix
ans. La première mise en demeure
remonte à 2009. D’autres ont suivi
en 2010, 2011, 2013, 2015 et 2017.
Chaque fois, le législateur euro­
péen répétait les mêmes griefs :
« La France n’a pas pris les mesures
qui auraient dû être mises en place
depuis 2005 [pour les PM10, et de­
puis 2010 pour le NO 2 ] pour proté­
ger la santé des citoyens, et il lui est
demandé d’engager des actions ra­
pides et efficaces pour mettre un
terme aussi vite que possible à cette
situation de non­conformité. » Et
chaque fois, il brandissait la même
menace : « Si la France n’agit pas
dans les deux mois, la Commission
peut décider de porter l’affaire de­
vant la Cour de justice de l’UE. »
Sommé également par le Con­
seil d’Etat de transmettre un plan
à la Commission avant le
31 mars 2018, le ministre de l’éco­
logie de l’époque, Nicolas Hulot,
avait présenté en avril de la même
année les « feuilles de route » des
quatorze zones (Saint­Etienne et
la Martinique en plus des douze
visées par l’arrêt de la CJUE) alors
concernées par des dépasse­
ments de normes. Sans mesures
radicales, ces feuilles de route
avaient été jugées insuffisantes
par la Commission européenne.
Elles l’ont été également par la
CJUE : « La France n’a pas mis à
exécution des mesures appro­
priées et efficaces pour que la pé­
riode de dépassement des valeurs
limites pour le dioxyde d’azote soit
la plus courte possible. »
La France n’est que le troisième
Etat condamné par la justice

européenne pour avoir exposé
ses citoyens à un air trop pollué.
Elle rejoint les très mauvais élè­
ves : la Pologne et la Bulgarie,
toutes deux condamnées
en 2017, mais qui, pour l’heure,
ont échappé à une amende.
Avec l’arrêt de la CJUE, une
autre menace plane désormais
au­dessus du gouvernement, fi­
nancière celle­ci. Les textes pré­
voient une sanction d’au moins
11 millions d’euros et des astrein­
tes journalières d’au moins
240 000 euros, jusqu’à ce que les
normes de qualité de l’air soient
respectées. Mais entre la con­
damnation et la sanction, la pro­
cédure peut encore durer plu­
sieurs années, voire s’éteindre.
La France bénéficie en effet
d’un nouveau sursis. Elle doit se
conformer à l’arrêt de la CJUE
« dans les meilleurs délais ». Si la
France est toujours dans l’inca­
pacité de respecter la directive de
2008 sur la qualité de l’air à l’is­
sue de cette période (à l’apprécia­

tion de Bruxelles), la Commis­
sion devra introduire un nou­
veau recours en exigeant cette
fois des sanctions pécuniaires.
Les juges de Luxembourg pour­
ront alors décider d’une amende.
Pour se rassurer, le gouverne­
ment français pourra toujours se
rappeler qu’en 2013, la France
avait déjà été condamnée par la
CJUE dans un autre dossier con­
cernant la pollution, celui des ex­
cès de nitrates dans les eaux, en
violation d’une réglementation
datant de... 1991. La menace
d’une amende s’était dissipée en
raison de la lente amélioration
de l’état de ses rivières.

48 000 morts par an
« Le gouvernement est déterminé
à améliorer rapidement et dura­
blement la qualité de l’air, qui
constitue un impératif de santé
publique et environnementale », a
réagi la ministre de la transition
écologique et solidaire, Elisabeth
Borne. En France, on estime que

la pollution de l’air est responsa­
ble chaque année de 48 000
morts. La ministre rappelle ce­
pendant qu’entre 2000 et 2018,
« les émissions d’oxyde d’azote
ont baissé de 54 % », et que
le nombre d’agglomérations
concernées par les dépasse­
ments de NO 2 a été « divisé par
deux » (11 agglomérations
en 2018, contre 24 en 2000). Elle
assure que le gouvernement a
déjà engagé une « série d’actions
structurantes » pour améliorer la
qualité de l’air, comme la prime à

la conversion, censée inciter les
Français à troquer leurs vieilles
voitures contre des modèles
moins polluants.
Elisabeth Borne est égale­
ment convaincue que la loi
d’orientation sur les mobilités
accélérera ce mouvement. Le
texte prévoit notamment le dé­
ploiement de zones à faibles
émissions (ZFE) dans toutes les
agglomérations concernées par
des dépassements.
Ces ZFE visent à restreindre
progressivement la circulation
des véhicules les plus polluants
sur la base de la fameuse vi­
gnette Crit’Air. Après Paris, où
tous les diesels seront interdits
d’ici à 2024, Strasbourg et Greno­
ble se sont fixé 2025 et 2030 pour
atteindre cet objectif. D’ici là,
comme le déplorent les associa­
tions environnementales, les
habitants des grandes agglomé­
rations continueront à respirer
un air toxique.
stéphane mandard

La France rejoint
les très mauvais
élèves :
la Pologne
et la Bulgarie,
déjà condamnées
en 2017

Normandie Logistique


a commis des infractions


Le parquet relève huit contraventions à
l’encontre de l’entreprise voisine de Lubrizol

N


ormandie Logistique a
commis « plusieurs in­
fractions pénales », a
révélé Patrick Berg, le directeur de
la Direction régionale de l’envi­
ronnement, de l’aménagement
et du logement (Dreal) de Nor­
mandie lors de son audition,
mercredi 23 octobre, devant les
députés dans le cadre de la mis­
sion d’information mise en place
après l’incendie de Lubrizol à
Rouen. « Il n’appartient pas à la
Dreal de qualifier une infraction
pénale, mais aux autorités judi­
ciaires », a réagi l’entreprise jeudi.
Quelques heures plus tard, le par­
quet de Paris, qui a ouvert une en­
quête préliminaire pour détermi­
ner les causes de l’incendie, a con­
firmé les infractions.
Normandie Logistique est l’en­
treprise mitoyenne de Lubrizol.
Une partie de ses hangars, où
étaient stockées plusieurs tonnes
de produits appartenant au fabri­
cant de lubrifiant, ont également
brûlé durant l’incendie du 26 sep­
tembre. Elle est soupçonnée par le
patron de Lubrizol, Eric Schnur,
d’être le point de départ du feu.

« Défaillance administrative »
Deux visites d’inspection ont été
réalisées par la Dreal le 30 sep­
tembre et le 7 octobre. Au total,
huit contraventions (de cin­
quième classe, punies de
7 500 euros d’amende pour une
personne morale), dont six sus­
ceptibles d’avoir été commises
avant l’incendie, ont été consta­
tées. Le procès­verbal vise égale­
ment « le délit d’exploitation non
conforme par une personne mo­
rale d’installation classée ayant
porté une atteinte grave à la santé,
la sécurité ou dégradé substantiel­
lement la faune, la flore, la qualité
de l’air, du sol ou de l’eau ». Ces

éléments établis à l’encontre de
Normandie Logistique sont désor­
mais joints à l’enquête principale.
Lors de son audition, le direc­
teur de la Dreal a également dé­
claré que Normandie Logistique
s’était rendue coupable d’une
« défaillance administrative ».
Contrairement à sa voisine Lubri­
zol, elle n’est pas classée Seveso.
Elle aurait en revanche dû se ma­
nifester auprès des autorités pu­
bliques lors d’un changement de
la réglementation des installa­
tions classées pour la protection
de l’environnement en 2011, rap­
porte M. Berg, pour passer du re­
gistre de la « déclaration » à celui
plus contraignant de « l’enregis­
trement ». Le registre de la déclara­
tion est beaucoup plus permissif :
il n’impose aucun contrôle obli­
gatoire, et des visites sont diligen­
tées uniquement à la suite de la
plainte d’un riverain ou d’un élu.
La Dreal avait cependant réalisé
deux visites chez Normandie
Logistique. La première en 2013 et
la seconde en 2017. Cette dernière
avait été effectuée car Lubrizol
avait émis le souhait d’acquérir
l’emprise du site pour y entrepo­
ser ses fûts. A cette occasion, la
Dreal avait fait des observations
sur l’état des hangars.
Normandie Logistique a mis
plus de dix jours pour fournir à la
préfecture de Seine­Maritime la
liste des substances qui sont par­
ties en fumée dans ses entrepôts
dont 1 600 tonnes de produits
appartenant à Lubrizol. Dans une
note du 7 octobre dévoilée par Le
Monde, la direction générale de la
prévention des risques reconnais­
sait que « l’exploitant de ces
entrepôts n’a jamais indiqué clai­
rement à l’administration les
quantités stockées ».
st. m.

UN FILM DEMARCO BELLOCCHIO

Adaptation

:TROÏKA

© 2019 TOUS DROITS RÉSERVÉS IBC MOVIE - KAVAC FILM - GULLANE ENTRETENIMENTO - MATCHFACTORY PRODUCTIONS - AD VITAM PRODUCTION - ARTE FRANCE CINÉMA - ZDF / ARTE

AU CINÉMA LE 30 OCTOBRE


IMPRESSIONNANT
LES INROCKS

★★★★★
CINÉMA TEASER

UN FILM MONUMENTAL
TRANSFUGE

UN CHEF D’ŒUVRE
LE MONDE

UN FILMSPECTACULAIRESUR LAMAFIA ITALIENNE
TÉLÉRAMA

UNEFRESQUE


FASCINANTE
LE JDD

★★★★
LE PARISIEN
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