Le Monde - 27.10.2019 - 28.10.2019

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10 |france DIMANCHE 27 ­ LUNDI 28 OCTOBRE 2019


0123


Baisse lente mais durable du chômage


Le nombre de demandeurs d’emploi sans activité a diminué de 0,4 % au troisième trimestre


« Le fait qu’il y ait
plus de CDI est
une bonne
nouvelle, car cela
témoigne d’une
amélioration
de la qualité
de l’emploi »
PHILIPPE MARTIN
président du Conseil
d’analyse économique

2

Août 2012

Mai 2009

Février 2016 Octobre 2016
Septembre 2019

3

3,
3,

3,

Février 2015

3,


  • 28,


72,
64,

34,
22,
10,

43,
36,

51,


  • 47,

    • 26,1– 28,

      • 19,





  • 35,

  • 28,

  • 13,

  • 46,


DEMANDEURS D’EMPLOI DE CATÉGORIE A EN FRANCE MÉTROPOLITAINE (HORS OUTRE-MER)*
Total des demandeurs d'emploi,
en millions de personnes

Variation mensuelle du nombre de chômeurs,
en milliers de personnes

INFOGRAPHIE : LE MONDE SOURCES : STMT, PÔLE EMPLOI, DARES

Janv.
2008

Janv.
2009

Janv.
2010

Sept.
2019

* corrigé des variations saisonnières

Janv.
2011

Janv.
2012

Janv.
2013

Janv.
2014

Janv.
2015

Janv.
2016

Janv.
2017

Janv.
2018

Janv.
2019

2,

Le plan de formation


monte en puissance


Deux ans après sa présentation, le dispositif
s’attaque au noyau dur du chômage

D


eux ans après avoir été
présenté par le premier
ministre, Edouard Phi­
lippe, le plan d’investissement
dans les compétences (PIC) est sur
le point d’atteindre sa vitesse de
croisière. Cet ambitieux pro­
gramme, financé à hauteur de
15 milliards d’euros, a vocation à
s’attaquer au noyau dur du chô­
mage : il prévoit de former, entre
2018 et 2022, un million de de­
mandeurs d’emploi peu qualifiés
et un million de jeunes sans quali­
fication. Un chantier colossal
coordonné par un haut­commis­
saire, Jean­Marie Marx : le dispo­
sitif associe de multiples acteurs,
au premier rang desquels les ré­
gions, qui disposent de prérogati­
ves fortes en matière de forma­
tion continue, et Pôle emploi.
Après une première phase dite
d’« amorçage », le PIC est entré
dans le vif du sujet en 2018. Cette
année­là, « environ 200 000 en­
trées en formation ont pu être réa­
lisées dans le cadre du plan », af­
firme M. Marx. L’objectif est de
doubler ce chiffre en 2019 : « Nous
sommes sur le point de l’attein­
dre », assure le haut­commissaire.
Pour les exercices suivants (de
2020 à 2022, donc), il table sur un
flux annuel d’environ 450 000.

« Changement assez durable »
Parmi les bénéficiaires, il y a no­
tamment des allocataires du RSA,
des personnes en rupture avec le
monde du travail et des jeunes à la
recherche d’un poste, qui ne sont
pas inscrits à Pôle emploi. A ces
publics fragiles sont, le plus
souvent, proposées des forma­
tions longues et des formations
certifiantes, afin de leur garantir,
autant que possible, une insertion
professionnelle de long terme.
L’accent est mis sur le numérique,
à la fois sur le plan de la méthode
(cours à distance) mais aussi dans
le contenu des enseignements
(utilisation d’outils digitaux).
Le plan s’est déployé avec le
concours de la plupart des con­
seils régionaux. Seuls deux d’entre
eux n’ont pas conclu de pacte avec
l’Etat : Auvergne­Rhône­Alpes et

Provence­Alpes­Côte d’Azur. Dans
ces régions, c’est Pôle emploi qui
assure la mise en œuvre du PIC.
« Mon sentiment est positif et lar­
gement partagé par d’autres »,
confie David Margueritte, élu (LR)
de Normandie chargé du dossier à
Régions de France, l’association
qui regroupe les conseils régio­
naux. « Contrairement au plan
500 000 formations pour les chô­
meurs, engagé sous le quinquen­
nat précédent, on n’est pas dans
une logique quantitative, de rem­
plissage », estime­t­il. D’après lui,
les collectivités qui ont signé
une convention avec l’Etat dispo­
sent d’une grande liberté de
manœuvre pour définir les ac­
tions, que ce soit sur les modalités
pédagogiques ou sur les aides à
apporter aux stagiaires. Un exem­
ple, parmi beaucoup d’autres :
pour « accrocher » le public­cible,
fréquemment en butte à des diffi­
cultés pour se déplacer, « nous
avons augmenté [en Normandie]
la prise en charge des frais de trans­
port », rapporte M. Margueritte.
Quant au dialogue avec M. Marx,
il s’avère « plutôt fructueux »,
ajoute­t­il. Le haut­commissaire
connaît bien ces problématiques,
tout comme les rouages de l’Etat
et du service public de l’emploi.
Son carnet d’adresses est aussi
épais que le code du travail, ce qui
s’avère précieux pour toper des
« deals ». « Un changement assez
durable est en train de s’installer,
pense M. Margueritte. La forma­
tion est pleinement appréhendée
comme une voie vers l’emploi. »
b. bi.

Les macronistes se félicitent sans crier victoire


L’objectif d’un taux de chômage à 7 % en 2022 est atteignable, selon les proches du président


E


n arrivant au pouvoir,
Emmanuel Macron avait
choisi de prendre le contre­
pied de François Hollande et de ne
pas faire des variations du taux de
chômage la météo de son quin­
quennat. Cela n’empêche pas pour
autant l’exécutif de se réjouir
quand les rayons du soleil poin­
tent derrière les nuages. Vendredi
25 octobre, les chiffres communi­
qués par Pôle emploi, qui annonce
une baisse de 0,4 % du nombre de
demandeurs d’emploi au troi­
sième trimestre, ont ainsi été sa­
lués de manière unanime comme
une résultante de l’action menée
depuis 2017. Le taux de chômage
devrait s’inscrire, à la fin de l’an­
née, à 8,3 %, contre 8,5 % en juin.
Autant au gouvernement que
dans la majorité, les macronistes
ne cachent pas leur « satisfaction »
face à ces bons chiffres. La minis­
tre du travail, Muriel Pénicaud, es­
time maintenant que l’objectif
d’un taux de chômage à 7 % à la fin
du quinquennat est un « horizon
possible ». « La tendance s’installe »,
affirme le secrétaire d’Etat chargé
de la fonction publique, Olivier
Dussopt, en espérant « toujours
plus de 100 000 créations d’em­

plois en 2019 ». « 350 000 personnes
ont retrouvé un emploi depuis le dé­
but du quinquennat. C’est une
bonne nouvelle pour ces Français...
et pour la France, dit la vice­prési­
dente LRM de la commission des
finances à l’Assemblée, Olivia Gré­
goire. L’opposition dira que nous
n’y sommes pour rien. Je ne suis pas
sûre qu’ils auraient le même dis­
cours si le chômage augmentait. »

« Consommation forte »
Depuis la rentrée, la Macronie se
félicite de voir les voyants passer
au vert. « Nous avons fait un très
bon boulot en deux ans et demi,
estimait­on, courant septembre,
dans l’entourage du ministre
de l’économie, Bruno Le Maire.
L’investissement redémarre, la
consommation des ménages est
forte. Tout cela est lié à notre politi­
que, mais nous avons fait seule­
ment une partie du travail. »
« Les baisses successives du chô­
mage sont le fruit d’une politique
globale : code du travail, fisca­
lité des entreprises et loi Pacte no­
tamment, qui permettent aux
entreprises d’attirer des capi­
taux », juge le député LRM, Lau­
rent Saint­Martin.

Les membres de la majorité es­
pèrent que ces bons chiffres per­
mettront au chef de l’Etat de redo­
rer son image auprès des Français
dans l’optique de la présidentielle
de 2022. Mais pour l’instant, il n’est
pas crédité pour son action contre
le chômage dans l’opinion. Seuls
37 % des Français considèrent son
bilan comme « positif » sur « la
lutte contre le chômage », selon un
sondage IFOP publié vendredi.
Soit huit points de moins qu’en
avril 2018, lorsque le taux de chô­
mage était pourtant plus élevé.
« Il va y avoir un temps de latence
important entre la baisse du taux
de chômage, le fait que les Français
s’en rendent compte et encore
plus avant qu’ils accréditent cela à
l’action menée », estime un proche
d’Emmanuel Macron. Faute, no­
tamment, d’insister suffisam­
ment sur cette question? « En 2017,
le chômage de masse était le thème
central. Aujourd’hui, on n’en parle
quasiment plus », souffle un dé­
puté LRM, étonné.
Après l’annonce de ces bons ré­
sultats sur le front du chômage, les
macronistes sont pourtant loin de
crier victoire. « On ne peut se satis­
faire d’un chômage à 8,5 % », met

en garde à son tour Roland Les­
cure, président de la commission
des affaires économiques à l’As­
semblée nationale, en appelant la
majorité à « continuer le travail »,
en particulier sur la réforme de
l’assurance chômage.
Depuis la crise des « gilets jau­
nes », néanmoins, le pouvoir sait
que ces données ne sauraient suf­
fire. « Nous sommes au milieu du
gué. Il faut que tout cela donne
toute son ampleur en 2022 pour
que le président puisse être réélu »,
juge un ministre de premier plan,
qui ajoute : « La plus grande inquié­
tude, c’est la déchirure entre les
Français qui réussissent et ceux qui
ne réussissent pas. »
« Le bilan doit être bon sur les
domaines économiques et so­
ciaux, c’est la tenue des engage­
ments. Mais nous avons tous cons­
cience qu’un bon bilan économique
ne suffira pas à réélire Macron
en 2022 », observe un autre mem­
bre du gouvernement. Avant de
conclure : « Si un mauvais bilan
économique peut vous éliminer,
un bon bilan ne suffit pas à vous
faire gagner. »
olivier faye
et alexandre lemarié

L


e reflux se poursuit, lente­
ment mais sûrement. De
début juillet à fin septem­
bre, le nombre de deman­
deurs d’emploi sans aucune acti­
vité (catégorie A de Pôle emploi) a
diminué de 0,4 %, selon les chiffres
publiés, vendredi 25 octobre, par
la Dares – la direction de l’anima­
tion de la recherche, des études et
des statistiques, qui dépend du mi­
nistère du travail : il s’établit désor­
mais à un peu plus de 3,616 mil­
lions sur l’ensemble du territoire
(outre­mer compris mais sans
Mayotte). Il s’agit du quatrième
trimestre d’affilée de baisse. Sur
un an, la décrue est un peu plus
nette : – 2,4 %.
Tous les types de publics inscrits
à Pôle emploi sont concernés, à
une exception près : les jeunes. Les
moins de 25 ans (relevant de la ca­
tégorie A en métropole) sont, en
effet, un peu plus nombreux à re­
chercher un poste (+ 0,7 %, de dé­
but juillet à fin septembre). « Cela
est peut­être dû à la forte contrac­
tion des contrats aidés, qui les a
particulièrement touchés », com­
mente Eric Heyer, de l’Observa­
toire français des conjonctures
économiques (OFCE).
Pour les autres tranches d’âge,
on assiste au mouvement inverse :
le nombre de personnes privées
de travail recule de 0,6 % chez les
25­49 ans (– 3,2 % en un an), et de
0,3 % pour celles ayant au moins
50 ans (– 1,3 % sur douze mois). Le
constat est identique s’agissant
des demandeurs d’emploi qui
exercent une activité réduite (ca­
tégories B et C). Même chose, en­
fin, pour les individus inscrits à
Pôle emploi depuis au moins un
an (dans les catégories A, B et C) :
leurs effectifs ont fléchi de 0,8 % au
troisième trimestre, pour se placer
à un niveau qui demeure très élevé
(un peu plus de 2,8 millions sur
toute la France).
Ces résultats sont en ligne avec la
bonne santé du marché du travail,
comme l’attestent les dernières
statistiques diffusées, jeudi, par
l’Agence centrale des organismes
de sécurité sociale – qui coiffe le ré­
seau des Urssaf. Au troisième tri­
mestre, l’ensemble des déclara­
tions d’embauche (hors intérim) a
progressé de 0,6 %. Si les contrats
de travail de moins d’un mois sont
en léger repli (– 0,2 %), les recrute­
ments d’une durée supérieure,
eux, s’accroissent de 2,3 %. Une

tendance imputable à « l’augmen­
tation soutenue » des CDI (+ 3 %) et
de celle, « un peu plus modérée »,
des CDD de plus d’un mois (+ 1,7 %).
« Le fait qu’il y ait plus de CDI
constitue une bonne nouvelle, car
cela témoigne d’une amélioration
de la qualité de l’emploi, juge Phi­
lippe Martin, président délégué
du Conseil d’analyse économique
(CAE). Un déclic s’est produit à par­
tir de 2015. Même si la prudence
s’impose, en l’absence d’évaluation
à ce stade, un tel phénomène sug­
gère une incidence positive des ré­
formes ayant assoupli les règles
encadrant le marché du travail,
entre la loi El Khomri d’août 2016
et les ordonnances de septem­
bre 2017. » Grâce à ces textes, les
employeurs ont la faculté d’adap­
ter leurs effectifs plus aisément et
seraient, du même coup, enclins à
signer davantage de CDI. Autre
facteur susceptible d’avoir pesé :
les difficultés à pourvoir des pos­
tes dans de nombreux secteurs.
Pour y remédier, les entreprises
peuvent être conduites à propo­
ser des emplois durables, afin
d’attirer des candidats.
Ainsi se confirme une sorte de
singularité française : pour le
moment, notre pays semble rela­
tivement épargné par la dégrada­
tion de la conjoncture internatio­
nale, consécutive à la guerre com­
merciale sino­américaine qui a
des répercussions de plus en plus
perceptibles sur le commerce
mondial. Au premier semestre
2019, la croissance de l’emploi to­
tal a été très soutenue (+ 166 000),
d’après une note de l’Insee pu­
bliée début octobre.

Avenir incertain
La diminution des inscrits en caté­
gorie A tient donc en grande partie
à ce dynamisme. Elle est aussi pro­
bablement liée à la montée en
puissance du plan d’investisse­
ment dans les compétences, qui
prévoit de former, d’ici à fin 2022,
1 million de chômeurs peu ou pas
qualifiés et 1 million de jeunes
éloignés du marché du travail. Les
données de la Dares apportent du
crédit à cette hypothèse car elles
montrent un gonflement (+ 13,5 %
sur un an) de la catégorie D – celle
des chômeurs qui ne sont pas te­
nus de chercher un poste, notam­
ment parce qu’ils suivent une for­
mation. En d’autres termes, la ca­
tégorie A se serait un peu tarie au

profit de la D, à la faveur d’un jeu de
vases communicants.
« Dans ce tableau, le plus éton­
nant est de voir qu’il y a autant de
créations d’emplois avec une crois­
sance modeste – de l’ordre de 1,3 % à
1,4 % en rythme annuel », observe
M. Heyer. Plusieurs éléments
peuvent être avancés, selon lui :
« D’abord, on ne peut pas totale­
ment exclure que le taux de crois­
sance ait été sous­estimé et qu’il
fasse l’objet de corrections ultérieu­

rement – la chose s’étant déjà pro­
duite plusieurs fois au cours de la
décennie. » Un autre paramètre a
pu influer : l’affaiblissement des
gains de productivité, « qui a pour
effet d’augmenter les besoins de
main­d’œuvre pour produire une
même quantité de richesses ».
L’heure n’est toutefois pas au
triomphalisme. La France reste en­
kystée dans le chômage de masse.
Et l’avenir s’annonce incertain. Au
second semestre, la vigueur de no­
tre économie « s’atténuerait un
peu », d’après l’Insee, qui table sur
une hausse de l’emploi total de
98 000 entre début juillet et fin dé­
cembre. Le taux de chômage, lui,
continuerait de baisser de l’ordre
de 0,1 point par trimestre, passant
de 8,5 % au printemps à 8,3 % à la
Saint­Sylvestre. La question qui se
pose est de savoir si la lente éro­
sion du nombre de personnes à la
recherche d’un emploi se poursui­
vra et permettra d’atteindre la ci­
ble que s’est fixée Emmanuel Ma­
cron : un taux de chômage à 7 % à
la fin du quinquennat.
bertrand bissuel

Ce programme
prévoit de
former, d’ici à fin
2022, un million
de demandeurs
d’emploi
et un million
de jeunes sans
qualification
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