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SAMEDI 5 OCTOBRE 2019 france| 11Les antiPMA pour toutes
tentent de mobiliser
Les opposants au projet de loi sur la bioéthique
ont prévu de défiler dimanche, à Paris
L
iberté, égalité, paternité »,
« Un vrai daron, pas des
échantillons », « Avis des
Français piétiné, démocra
tie en danger »... Ce sont sous ses
slogans, affichés sur 20 000 pan
cartes, que les opposants au projet
de loi de bioéthique, qui prévoit
l’extension de la procréation mé
dicalement assistée (PMA), défile
ront dans les rues de la capitale, di
manche 6 octobre. Le ministère de
l’intérieur et la Préfecture de po
lice de Paris ne donnent aucune
estimation du nombre de mani
festants attendus.
Baptisée « Marchons enfants! »,
cette manifestation « n’est qu’un
début », assure Caroline Roux, dé
léguée générale adjointe d’Alliance
Vita, l’une des vingt et une associa
tions à l’origine de l’événement,
tout en se gardant d’avancer un
pronostic quant à l’ampleur de la
mobilisation. En mars 2013,
1,4 million de personnes s’étaient
rassemblées contre le mariage
pour tous, selon les organisateurs,
plus de 300 000 selon la police.
« Les signes sont encoura
geants », estime Ludovine de la Ro
chère, présidente de La Manif pour
tous. Elle évoque 130 bus venant
de toute la France, deux TGV spé
ciaux affrétés, « sans compter le co
voiturage ». Dans l’Ouest, en Mai
neetLoire par exemple, six auto
cars sont affrétés et un septième
est en cours de remplissage. Entreceux qui partiront en train et ceux
qui iront en voiture, 400 partici
pants sont annoncés.
Les associations s’activent pour
battre le rappel. En soulignant
qu’elles n’ont pas eu beaucoup de
temps pour se préparer. « Per
sonne n’était au courant que la loi
sur la bioéthique serait inscrite
aussi rapidement au calendrier
parlementaire », assure Caroline
Roux. En trois semaines, 2,5 mil
lions de tracts ont été distribués,
60 000 drapeaux et 20 000 pan
neaux ont été commandés.
Toutes ces associations n’ont pas
la même influence. D’un côté, il y a
des organisations chrétiennes
structurées, dont le puissant col
lectif des Associations familiales
catholiques (AFC), qui revendique
150 000 adhérents et coordonne
de la majorité des transports de
puis la province. De l’autre, des as
sociations à l’existence plus floue.
Certaines étaient déjà présentes
en 2013 (Sentinelles, Veilleurs, Ga
vroches, Juristes pour l’enfance),d’autres sont moins identifiables.
La Manif pour tous s’est fait une
spécialité de multiplier les co
quilles quasi vides, afin de donner
l’impression d’un foisonnement.
Ainsi, parmi les organisations
membre du collectif figure Géné
rations Avenir, créé au printemps.
Sa présidente est aussi celle de
Trace ta route, autre association
partenaire.« Découragement »
Sur le terrain, la mobilisation
peine. Ainsi à Nantes, où Patrick de
Cibon, président de l’antenne lo
cale de l’AFC, ne cache pas ses diffi
cultés. Ce dimanche, cinq cars se
ront affrétés depuis Nantes, Saint
Nazaire et Pornic. « On avait rempli
huit cars en LoireAtlantique
en 2013 », rappelletil, avant d’im
puter cet étiolement au « découra
gement qui a suivi l’absence de
prise en compte de l’avis des
700 000 personnes signataires de
la pétition contre le mariage pour
tous remise au Conseil économique
social et environnemental. »
A Lille, Jacques Tiberghien, res
ponsable HautsdeFrance de La
Manif pour tous, se veut plus opti
miste : « On est drôlement contents
de ce démarrage comparable pour
nous aux manifestations de 2013. »
Mais samedi 28 septembre pour
tant, seule une cinquantaine d’op
posants à la PMA s’étaient rassem
blés place de la République à Lille.
A Strasbourg, la petite cellule lo
cale de La Manif pour tous a re
pris du service, après plusieurs
années de standby. C’est elle qui
coordonne l’organisation des
transports vers Paris : deux bus
de 80 et 50 places ont été affrétés,
et une trentaine de places réser
vées dans un train. Bien moins
qu’il y a six ans, quand une di
zaine de bus étaient partis vers
Paris. A trois jours du départ, l’as
sociation cherche encore des
sponsors pour boucler le finance
ment du transport, au coût rédhi
bitoire pour certains.Pourtant, « 30 % des personnes
qui se sont inscrites n’avaient pas
manifesté en 2013 », précise Roland
Margelidon, référent « jeunes » du
mouvement. Les profils mobilisés
sont plus divers. Les antennes lo
cales de l’Association familiale ca
tholique et d’Alliance Vita ont ainsi
été rejointes par le mouvement
étudiant UNI et par certaines com
munautés protestantes, évangéli
ques surtout. Les communautés
luthérienne et réformée ont re
fusé de prendre position.
La Conférence des évêques de
France, elle non plus, n’a pas tran
ché. Elle n’a pas officiellement ap
pelé les fidèles à défiler, même si
son président, Mgr Eric de Mou
linsBeaufort, a affirmé le 16 sep
tembre que les citoyens – catholiques ou non – « inquiets » avaient
« le devoir » de l’exprimer. Si cer
tains diocèses se contentent de
renvoyer les fidèles qui souhaitent
manifester vers le site des AFC,
d’autres, parmi l’aile la plus tradi
tionaliste de l’épiscopat, les enjoi
gnent à se rendre à Paris, comme
l’évêque de Bayonne, Mgr Marc
Aillé. L’archevêque de Paris,
Mgr Michel Aupetit, a déclaré
mardi, qu’à ses yeux, le projet de
loi bioéthique remettait « en cause
la filiation naturelle », mais qu’il ne
manifesterait pas contre.
Côté politique, la droite est en or
dre dispersé. Contrairement à
2013, aucun ténor du parti Les Ré
publicains (LR) ne sera présent.
« Comme politiquement ce n’est pas
rentable, beaucoup de mes collègues s’en foutent », regrette le séna
teur du Vald’Oise Sébastien Meu
rant, bien décidé à manifester aux
côtés des députés Julien Aubert,
Guillaume Larrivé, Xavier Breton
et Patrick Hetzel et de l’eurodéputé
FrançoisXavier Bellamy.
Certains voudraient éviter de re
produire les clichés de 2013, quand
des brochettes de députés UMP
marchaient en tête. « Je n’irai pas
en écharpe, derrière une banderole
au premier rang, dit M. Larrivé.
Mais je veux être là en tant que
français. » Jean Lassalle, la députée
(exLRM) Agnès Thill, le syndica
liste chrétien Joseph Thouvenel,
viceprésident de la CFTC, seront
aussi dans le défilé. Tout comme
Marion Maréchal exLe Pen.
service franceUne vendetta marseillaise devant la cour d’assises
Deux membres de la famille Tir sont accusés d’avoir commandité le meurtre de Zakary Remadnia en 2014
marseille correspondantI
ls sont cousins et, gamins, ils
jouaient au foot ensemble au
centre aéré de FontVert, dans
les quartiers nord de Marseille. Ils
ont grandi en partageant des fêtes
de famille, et plus tard leur cellule
au quartier des mineurs de la pri
son d’AixenProvence. Mais, à en
croire les policiers spécialisés dans
la lutte contre le narcobandistime,
entre les Tir et les Remadnia, rien
ne va plus. C’est une guerre sans
merci que se livrent certains
membres de ces deux familles
berbères originaires du même vil
lage des Aurès, en Algérie. Une
vendetta sur fond de trafic de dro
gue qui aurait déjà provoqué une
vingtaine de règlements de comp
tes depuis 2010.
La cour d’assises des Bouches
duRhône doit ouvrir, vendredi
4 octobre, l’un des chapitres de
cette saga sanglante : l’exécution
de Zakary Remadnia, 23 ans, le
18 juillet 2014. Alors qu’il roulait à
scooter, une Golf noire l’a percuté
pour le faire chuter. Deux hom
mes encagoulés l’ont poursuivi
sur quelques mètres, à l’entrée du
camp militaire de SainteMarthe.
Cinquantetrois balles tirées
d’une kalachnikov et d’un pisto
let 9 mm, plus de vingt impactsdans le corps du jeune homme
surnommé « l’Etudiant ».
Deux ans plus tôt, c’est son cou
sin « Jojo », Ilias Remadnia, qui a
été victime d’un règlement de
comptes alors que les stups sur
veillaient les deux cousins et pré
voyaient de les faire « tomber »
pour des « gofast » acheminant le
cannabis d’Espagne. En fé
vrier 2017, Mehdi Remadnia,
« l’Ours », a également été tué peu
de temps après sa sortie de prison.
Leur tante, Nora Preziosi, adjointe
au maire de Marseille et con
seillère régionale (LR), avait lancé
un cri d’alarme contre la violence
après la mort de Zakary, pleurant
« tous ces enfants qui meurent
mais aussi ceux qui tuent ». Dans
cette comptabilité morbide, il faut
ajouter les « lieutenants » et asso
ciés au trafic de drogue.
Devant la cour d’assises, ce sont
donc des Tir qui occupent, à partir
de vendredi, le box des accusés.
Mais cette famille compte aussi
ses morts, victimes des « matchs
retour », comme disent les poli
ciers. Jugé pour complicité de
meurtre en bande organisée, Hi
chem Tir, 34 ans, avait repris l’acti
vité de son frère Karim, alias
« Charlie », manageur du rappeur
marseillais Jul, qui a été exécuté à
Asnières (HautsdeSeine), enjuin 2014, un mois avant Zakary
Remadnia. Hichem avait déjà en
terré son demifrère Farid Tir, gé
rant d’un magasin de mode dans
les quartiers chics de Marseille,
abattu en 2012 à la Belle de Mai.
Décrit comme affable, Hichem
Tir était persuadé que Zakary Re
madnia avait pris part au meurtre
de Karim, ce frère qu’il adorait,
uni à lui par un « incroyable
amour fraternel », selon un en
quêteur. Les rumeurs du quartier,
les informations glanées dans le
marigot des trafiquants de stups
le confortaient dans sa convic
tion : « J’étais très remonté contre
[Zakary Remadnia], je ne dis pas
que je n’avais pas envie de le tuer,
j’aurais même aimé participer à
ça, à ce momentlà, je venais de
perdre mon frère, de perdre ma
vie », se confieratil, avec beau
coup d’émotion, durant sa garde à
vue, en 2017. Avant de contester
aussitôt être le commanditaire de
ce meurtre.
Hichem Tir assure ne pas être
allé au bout de son désir de ven
geance. « Remadnia avait une
haine personnelle contre nous, de
la réussite de notre famille », atil
raconté. Quelque temps avant sa
mort, Zakary partageait pourtant
encore des soirées avec Hichem
Tir, à Paris, ou des séances d’enregistrement de Jul. Hichem Tir
était à Nîmes le jour du meurtre
de « l’Etudiant », mais l’accusa
tion estime qu’il en est l’un des
commanditaires.La liste des victimes s’allonge
Sofiane Agueni, dit « Banane », est,
lui, accusé d’être l’un des exécu
tants. Ce qu’il nie. Lui n’appartient
pas au clan des Tir. Il était le lieute
nant, l’ami de Mehdi Berrebouh,
tué en avril 2014, « patron du plan
stups des Flamants », une cité voi
sine de FontVert. Le clan Berre
bouh était réputé très proche des
Tir et opposé aux Remadnia dans
un conflit de territoires de la dro
gue, dans le 14e arrondissement de
Marseille. Alliance d’intérêts, af
firme donc l’accusation. Sur les
écoutes, dans les semaines précé
dant les faits, Sofiane Agueni est à
la recherche de « schnills » (télé
phones) et de « petits œufs de Pâ
ques » (munitions)...
Les jurés de la cour d’assises
auront à décrypter des pages
d’écoutes entre Sofiane Agueni et
Eddy Tir, alias « Barabas », le petit
cousin d’Hichem, présenté par les
spécialistes du narcobanditisme
comme une « jeune tête brûlée ». Il
est jugé pour être l’autre com
manditaire présumé de la mort
de Zakary Remadnia. Eddy Tir estalors en prison et, avec « Ba
nane », il évoque ce qui s’appa
rente à un projet criminel. « Faut
commencer par les yeux et les
oreilles », ditil en évoquant deux
jeunes, très proches de Zakary Re
madnia. « Je vais te faire un plan
comme un architecte, qui, quoi,
qui reste où, qui crie contre qui, qui
fréquente qui, qui il faut tuer », af
firme Eddy Tir le 22 juin 2014.
Questionné sur ces propos,
Eddy Tir assure qu’il se savait sur
écoute. « On se foutait de la gueule
des inspecteurs qui nous écou
taient », se défendil. Quelques
heures après la mort de Zakary
Remadnia, depuis sa cellule, Eddy
a laissé un message à « Banane » :
« Néné... faut que tu me fais poser
deux bouteilles de champagne
pour que je me les fasse rentrer,
frère! Merci, bisous. »Pour décrypter cette saga de
sang, policiers et magistrats dispo
sent d’une décennie de procédu
res, de dossiers de stupéfiants. « Il
y a des choses qu’on ne comprend
toujours pas car il manque des té
moignages », constate cependant
l’un d’eux. La genèse de ce conflit
remonterait, selon ces spécialis
tes, à avril 2010 et à la séquestra
tion d’un membre de la famille Tir.
Son épouse aurait alors perdu leur
enfant dans une fausse couche.
Du côté des Tir et des Remadnia,
on assure que cette histoire d’af
frontement entre les deux fa
milles n’est qu’invention poli
cière et littérature journalistique.
Et pourtant, la liste des victimes
s’allonge... Le 30 août, deux hom
mes armés se sont introduits, à
5 heures du matin, dans une
chambre d’hôtel aux PennesMi
rabeau, près de Marseille, pour
exécuter deux hommes, dont un
frère d’Eddy.
Audelà de ces deux clans, les rè
glements de comptes sur fond de
trafic de stupéfiants demeurent
un phénomène préoccupant à
Marseille : dans les cabinets des ju
ges d’instruction spécialisés, les
enquêtes en cours – certaines de
puis une dizaine d’années – con
cernent 144 morts violentes.
luc lerouxDu côté des Tir
et des Remadnia,
on assure que
cette histoire
d’affrontement
n’est qu’invention
policièreLes associations
soulignent
qu’elles n’ont
pas eu beaucoup
de temps
pour se préparerUn amendement sur la GPA adopté
contre l’avis du gouvernement
C’est un retournement de situation dont l’Assemblée nationale a
le secret qui s’est produit, jeudi 3 octobre, lors de l’examen en
première lecture du projet de loi de bioéthique. A la surprise gé-
nérale, un amendement présenté par 14 députés LRM, prévoyant
la retranscription de la filiation des enfants nés de gestation pour
autrui (GPA) à l’étranger, a été adopté dans un hémicycle dé-
serté. L’amendement prévoit de « permettre la reconnaissance de
la filiation des enfants nés de GPA à l’étranger en faisant exécuter
une décision de justice étrangère qui établit la filiation ». Le gou-
vernement, opposé à cet amendement, a annoncé qu’une se-
conde délibération aurait lieu.