18 |économie & entreprise SAMEDI 5 OCTOBRE 2019
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I M M O B I L I E R
Champs-Elysées :
Groupama vend un
immeuble 613 millions
Le groupe d’assurance mu
tualiste Groupama a annoncé,
jeudi 3 octobre, la vente pour
613 millions d’euros d’un im
meuble situé au 79, avenue
des ChampsElysées – un
montant record – au fonds
souverain norvégien Norges
Bank Investment Manage
ment. L’immeuble accueillera
le siège de l’équipementier
sportif Nike, où seront re
groupées les équipes euro
péennes et françaises, ainsi
qu’une surface de vente de
4 300 mètres carrés. – (AFP.)
I N F O R M AT I Q U E
HP va supprimer
9 000 emplois
Le fabricant d’ordinateurs et
d’imprimantes américain HP
a annoncé, jeudi 3 octobre, un
vaste plan de restructuration
qui va conduire à la suppres
sion de jusqu’à 9 000 emplois
(sur 55 000). L’entreprise sou
haite se développer dans le
numérique et les services. Les
suppressions de postes, dans
le monde entier, vont s’étaler
sur trois ans. – (AFP.)
Apple n’a pas l’intention
de créer sa monnaie
Le géant américain de l’infor
matique, Apple, n’a pas l’in
tention de créer sa propre
monnaie, à l’image de Face
book et de son projet libra, a
déclaré son PDG, Tim Cook,
dans une interview aux
Echos, publiée vendredi 4 oc
tobre. « Je pense profondé
ment que la monnaie doit res
ter dans les mains des Etats. Je
ne suis pas à l’aise avec l’idée
qu’un groupe privé crée une
monnaie concurrente », atil
précisé. – (Reuters.)
Les surgelés Picard changent
encore de mains
La société suisse Aryzta, deuxième actionnaire de l’enseigne,
a vendu l’essentiel de ses parts au groupe français Zouari
L
e pavillon suisse ne flottera
plus sur le fronton de Pi
card. En effet, le groupe hel
vète Aryzta a annoncé, vendredi
4 octobre, la cession de 43 % du ca
pital de la chaîne de magasins de
surgelés. Il avait fait son entrée
dans cette enseigne très prisée
des Français en mars 2015. Si la
transaction se concrétisait, la
suite de l’histoire de Picard s’écri
rait avec l’appui d’un groupe fran
çais (la famille Zouari) expert du
secteur, puisqu’il est propriétaire
de franchises Monoprix, Franprix
et Leader Price, et, à ce titre, le plus
gros franchisé du groupe Casino.
Il reprend 43 % des parts du distri
buteur, Aryzta gardant 4,5 % et le
fonds d’investissement Lion Ca
pital conservant ses 51 %.
En soi, la cession ne constitue
pas une surprise. Depuis le début
de 2017, Aryzta, le spécialiste de la
boulangerie industrielle, dont le
siège se trouve à Zurich, est con
fronté à de graves difficultés fi
nancières. Très endetté, il s’est en
gagé dans un programme de ces
sions d’actifs pour se remettre à
flot. Il a donc décidé de mettre en
vente sa pépite, à savoir ses parts
dans Picard. Pressé par le temps,
le groupe suisse a dû revoir ses
prétentions à la baisse.
Aryzta n’avait pas hésité à dé
bourser 447 millions d’euros
pour s’offrir 49 % du capital de Pi
card. Alors plein d’appétit, il pré
voyait, dans un second temps – à
un horizon de trois à cinq ans –,
d’acheter le restant des titres de
Lion Capital. L’ensemble de la
transaction était évalué à
910 millions d’euros plus une re
prise de la dette de Picard, soit un
total de 2,25 milliards d’euros.
Potion amère
Aujourd’hui, avec cette vente, le
groupe suisse récolte 156 millions
d’euros. « Le conseil d’administra
tion d’Aryzta estime que les termes
de cette transaction sont équita
bles et raisonnables, et dans l’inté
rêt du groupe dans son ensemble »,
a précisé l’entreprise dans un
communiqué. Pour adoucir la po
tion amère, elle met en exergue le
montant des dividendes que lui a
versés l’enseigne de surgelés de
puis son acquisition, soit 91 mil
lions d’euros.
Picard, qui revendique 1 100 ma
gasins et un chiffre d’affaires quasi
stable de 1,4 milliard d’euros, dé
gage un excédent brut d’exploita
tion (Ebitda) plus que confortable.
Au total, Aryzta estime avoir en
grangé un montant total de
380 millions d’euros de son plan
de cessions, ce qui représente 80 %
des objectifs qu’il s’était fixés.
Pour l’enseigne fondée en 1906
par Raymond Picard, sous le nom
de « Glacières de Fontainebleau »,
l’arrivée de la famille Zouari mar
que une nouvelle étape de son
aventure. Une histoire aux multi
ples rebondissements. Le spécia
liste du surgelé a appartenu à Car
refour entre 1994 et 2001, puis il
est passé de main en main, au gré
du bon vouloir des fonds d’inves
tissement – dans l’ordre Cando
ver, BC Partners et Lion Capital.
Lion Capital avait signé l’acqui
sition de l’enseigne de magasins
en 2011 pour 1,5 milliard d’euros.
Chaque fois, les fonds d’investis
sement avaient procédé par LBO,
ces montages financiers qui per
mettent de racheter l’entreprise
en l’endettant du montant de
l’opération et en tablant sur ses
résultats récurrents pour rem
bourser l’emprunt. En 2018, Pi
card devait encore honorer les
échéances d’une lourde dette de
1,45 milliard d’euros.
« Par cette opération, nous sou
haitons mettre notre expérience et
notre savoirfaire au service de la
construction du Picard de demain :
une entreprise robuste et inno
vante, à la pointe du marché du
commerce premium », a dit le re
preneur MoezAlexandre Zouari,
cité dans un communiqué.
laurence girard
Les magasins Habitat
de nouveau à vendre
Cafom a annoncé son intention de céder
l’enseigne qu’il n’a pas réussi à redresser
E
nseigne emblématique des
années 1990, Habitat s’ap
prête une nouvelle fois à
changer de propriétaire. Le
groupe Cafom, qui avait racheté la
marque de mobilier et accessoi
res déjà en grande difficulté au
fonds américain Hilco en 2011, a
annoncé, jeudi 3 octobre, son in
tention de la céder. Celui qui se
présente comme « leader de la dis
tribution d’équipements de la mai
son en outremer », avec ses maga
sins But, Darty..., veut se recentrer
sur ces activités dont le site de
vente en ligne de mobilier, Vente
unique.com.
Malgré plusieurs tentatives, la
Cafom n’a pas réussi à enrayer le
lent déclin de l’enseigne créée,
en 1964, par Terence Conran. Avec
ses 36 magasins, dont 27 en
France, et ses 39 franchises à tra
vers le monde, Habitat a réalisé
un chiffre d’affaires de 109,5 mil
lions d’euros en 2018, contre
112,6 millions un an plus tôt. « La
restructuration d’Habitat s’est
poursuivie avec l’arrêt des activités
de l’enseigne en Norvège et la fer
meture de certains magasins » en
France et à l’international, expli
quait le groupe à la fin de l’année
dernière. Sa filiale allemande, qui
s’était déclarée insolvable en dé
cembre 2018, a fini par y fermer
ses six magasins.
La Cafom venait de recruter
François Rosset, un ancien de
LVMH et de Kering, pour diriger
Habitat, en septembre 2018. Con
currencé en France par le succès
d’enseignes de décoration telles
que Maisons du Monde et la su
prématie de mastodontes de
l’ameublement comme Ikea, Ha
bitat a pris, année après année, du
retard, avec une offre ni trop
chère ni trop bon marché.
Baisse de la consommation
En France, la consommation de
meubles a enregistré une baisse de
2,7 % en valeur en 2018. JeanChar
les Vogley, secrétaire général de la
Fédération française du négoce de
l’ameublement et de l’équipement
de la maison, constate « un rebond
de 4,3 % sur les huit premiers mois
de l’année », mais, « depuis fin août,
un àcoup sérieux, tant dans
l’ameublement que dans l’électro
ménager, avec des baisses de fré
quentation et de commandes ».
Le secteur est surtout très mor
celé, avec, d’un côté, des géants
historiques et, de l’autre, des cen
taines d’acteurs sur Internet, y
compris très spécialisés. « En 2018,
Ikea, Conforama, But et Alinea
réalisaient 49,7 % du marché en
valeur, indique M. Vogley. Et la
vente en ligne représente 12 %, en
incluant les sites Internet des gran
des enseignes. »
Depuis plusieurs décennies,
surtout, le secteur a connu une
évolution structurelle qui l’a fait
passer, selon M. Vogley, d’« une
forme de pyramide à celle d’un sa
blier », avec une contraction des
ventes pour les enseignes de mi
lieu de gamme.
cécile prudhomme
La croissance française continue
de résister aux turbulences
Selon l’Insee, l’activité progressera de 1,3 % cette année.
Une performance supérieure à celle attendue pour la zone euro (1,2 %)
L
a guerre commerciale et
le ralentissement mon
dial aurontils raison de
la croissance française?
Pour le moment, il est permis d’en
douter. Malgré des perspectives
très assombries, l’Institut natio
nal de la statistique et des études
économiques (Insee) a maintenu,
jeudi 3 octobre, ses prévisions
pour 2019. Avec une progression
attendue du produit intérieur
brut (PIB) de 1,3 % cette année,
l’Hexagone devrait même faire
un peu mieux que la moyenne de
la zone euro (1,2 %).
Rien de flamboyant, certes : à
0,3 % au troisième puis au qua
trième trimestre, la tendance est
identique à celle du début d’an
née et dans la continuité de la ca
dence imprimée en 2018. Mais
cette inertie a ses vertus : elle té
moigne d’une bonne résistance
tricolore aux soubresauts de la
conjoncture. Résistance d’autant
plus appréciable que d’autres éco
nomies européennes patinent.
La première d’entre elles, l’Alle
magne, peine en effet de plus en
plus à jouer son rôle de locomo
tive. Plombée par l’affaiblisse
ment de la demande chinoise et
les difficultés des constructeurs
automobiles, l’activité outreRhin
devrait stagner entre 0 et 0,1 %
d’ici à la fin de l’année. Résultat :
en septembre, le climat des affai
res dans l’industrie manufactu
rière a atteint son niveau le plus
bas depuis dix ans, selon les en
quêtes menées auprès des direc
teurs d’achat par l’institut Markit.
L’Italie, deuxième partenaire
commercial de la France sur le
continent, n’est pas beaucoup
mieux lotie : le PIB est au plan
cher depuis plus d’un an.
Et l’Europe n’est pas la seule à ac
cuser le coup. Les effets de la re
lance fiscale de 2018 commencent
à s’essouffler aux EtatsUnis. Con
séquence des tensions commer
ciales, l’activité ralentit en Chine.
Quant aux émergents... « La pro
duction industrielle est en berne au
Brésil, la hausse de TVA en Russie a
pénalisé la consommation, la Tur
quie n’est pas encore complète
ment sortie de crise et l’Argentine y
demeure », égrène l’Insee.
Comment, dans ce contexte mo
rose, la France peutelle tirer son
épingle du jeu? Deux éléments
jouent. D’abord, le pays n’est pas
aussi exposé que ses grands voi
sins aux poussées protectionnis
tes. Le solde commercial sera, cer
tes, à nouveau dans le rouge cette
année, mais les exportations de
vraient s’améliorer un peu au der
nier trimestre grâce aux livrai
sons aéronautiques et navales.
Ensuite, la demande intérieure
reste solide. Encouragées par les
taux bas et un accès facilité au cré
dit, les entreprises investissent.
Dopées par le doublement excep
tionnel du crédit d’impôt pour la
compétitivité et l’emploi (CICE),
leurs dépenses augmenteraient
cette année de 3,3 %, après 3,9 %
en 2018. Signe qu’elles n’ont pas
fini de renouveler leurs équipe
ments et préparent l’avenir.
La consommation moins allante
Elles ne sont pas seules : la pers
pective des élections municipales,
en mars 2020, pousse les exécutifs
locaux à mettre la main à la poche.
Le rebond des investissements pu
blics, déjà amorcé en 2018, se pour
suit cette année, avec une hausse
attendue de 3,8 %. Une bonne nou
velle pour les acteurs de la cons
truction et du bâtiment, alors que
les permis de construire pour les
particuliers marquent le pas.
Côté dépenses, ce sont les ména
ges qui sont les moins enthousias
tes. Principale composante de la
demande intérieure, la consom
mation n’augmenterait que de
1,1 % en 2019, selon l’Insee. Une
progression étonnamment faible,
si on la compare à celle du pouvoir
d’achat. Au cœur des revendica
tions des « gilets jaunes » depuis
l’automne 2018, l’indicateur s’est
en effet nettement redressé cette
année, affichant une hausse de
2,3 % en moyenne.
Seulement ces gains ont été
pour l’essentiel mis de côté. Con
trairement aux attentes des éco
nomistes, qui anticipaient un re
bond de la consommation après
les annonces du président Emma
nuel Macron sur la prime de fin
d’année, la prime d’activité et la
baisse de la fiscalité, c’est le taux
d’épargne qui a décollé. A la fin de
l’année, il atteindrait le niveau
très élevé de 15,3 %.
Cela s’explique : d’après l’Insee,
il faut entre un et deux ans avant
qu’une telle progression du pou
voir d’achat dope les dépenses
des particuliers. On peut donc
s’attendre à ce que la consomma
tion fasse plus que frémir dans les
mois à venir. D’autant que les mé
nages peuvent compter sur la
bonne tenue du marché du tra
vail. Les comptables nationaux
prévoient en effet 264 000 créa
tions nettes d’emplois en 2019.
Dans la foulée, le taux de chô
mage poursuivrait sa baisse pour
s’établir à 8,3 % en décembre.
Combien de temps va encore
durer cette résilience française?
Tout dépendra des évolutions in
ternationales. Le spectre d’un
Brexit dur, le 31 octobre, « de
meure l’aléa majeur », selon
l’Insee. A moins que les sanctions
contre l’Europe décidées par les
EtatsUnis, dans la foulée du feu
vert donné par l’Organisation
mondiale du commerce (OMC),
ne soient le coup de trop.
élise barthet
Mark Zuckerberg ne connaissait
pas Jacques Chirac, mais le patron
de Facebook pourrait reprendre la
formule du président français :
« Les emmerdes, ça vole toujours
en escadrille. » Entre les menaces
de démantèlement, les doutes sur
sa monnaie libra et les accusa
tions de complicité de manipula
tion politique avec l’affaire Cam
bridge Analytica, « Zuck » traverse
une passe difficile. C’est mainte
nant la complaisance pour les
propos injurieux pullulant sur le
réseau social qui est épinglée.
La Cour de justice de l’Union
européenne (CJUE) a estimé, jeudi
3 octobre, que Facebook et les
autres hébergeurs de contenus
pourront être contraints de sup
primer des commentaires jugés
diffamatoires, injurieux ou hai
neux par une juridiction d’un
pays de l’Union ; et que cette mo
dération pourra s’étendre audelà
des frontières de l’Union euro
péenne. Une extraterritorialité
que la Commission nationale de
l’informatique et des libertés
n’avait pas obtenue des juges de
Luxembourg, fin septembre, dans
l’épreuve de force qui l’opposait à
Google sur le « droit à l’oubli ».
Tout est parti, en 2016, de la
plainte d’une députée écologiste
autrichienne, Eva Glawischnig
Piesczek, gratifiée sur la page
d’un internaute de noms
d’oiseaux aussi délicats que « traî
tre moche ». Des termes jugés in
jurieux par un tribunal local
avant que l’affaire ne remonte à
la Cour suprême de Vienne, qui a
saisi la CJUE pour savoir si de tel
les attaques n’étaient pas contrai
res à la directive de 2000 sur l’e
commerce.
Un tribunal d’un pays euro
péen « peut enjoindre à un héber
geur de supprimer » du contenu
ou des informations reprodui
sant ce qui a été « déclaré illicite
précédemment », a répondu la
Cour en évoquant des contenus
« équivalents ». Facebook a dé
noncé une décision qui « sape le
principe de longue date selon le
quel un pays ne peut pas imposer
à un autre sa législation sur le
droit d’expression » et invite les
juridictions nationales à donner
des « définitions très claires » du
terme « équivalents ».
Liberté d’expression
Les dirigeants de Facebook sont
ils disposés à plus de vigilance?
Ils ont toujours eu un temps de
retard dans leurs réponses – in
suffisantes – aux critiques, arc
boutés sur l’idée qu’ils n’ont
aucune responsabilité sur les
contenus hébergés, contraire
ment à la presse. Une position
intenable quand ses 2,4 milliards
d’utilisateurs donnent à la firme
une énorme influence sur la so
ciété. La nouvelle Commission
européenne va s’atteler à une
« loi sur les services numéri
ques ». Nul doute qu’elle resser
rera le contrôle sur Facebook.
Non sans risque. Les réseaux so
ciaux vont devoir fortement ac
croître les moyens consacrés à la
traque des contenus inappropriés
à l’aide de systèmes de filtrage
automatique aussi coûteux que
difficiles à utiliser. Ces outils peu
vent, à l’évidence, limiter la liberté
d’expression quand un automate,
par exemple, relèvera comme in
jurieux un propos relevant de la
satire. Et quel usage de ce nou
veau droit d’ingérence pourront
faire les régimes autoritaires et les
démocraties illibérales ?
jeanmichel bezat
PERTES & PROFITS|FACEBOOK
p a r j e a n m i c h e l b e z a t
Quand « les emmerdes
volent en escadrille »
Picard
revendique
1 100 magasins
et un chiffre
d’affaires quasi
stable de 1,
milliard d’euros
264
C’est le nombre d’emplois (en net) que devrait créer l’économie
française en 2019 selon les estimations de l’Insee. La tendance a été
particulièrement dynamique au 1er semestre avec 166 000 créations
nettes, mais ce dynamisme devrait fléchir dans la deuxième partie
de l’année. L’Insee table pour le second semestre sur 98 000 créa-
tions de postes seulement.