Le Monde - 05.10.2019

(Marcin) #1

20 |argent SAMEDI 5 OCTOBRE 2019


0123


IMMOBILIER


Le nouveau visage d’Argenteuil


L


a préfecture du Val­d’Oise
vient de rendre un arrêté
autorisant le projet Cap Hé­
loïse à Argenteuil, à condition
que ce dernier soit modifié « à la
marge », précise le document.
Une déception pour les riverains,
mais une victoire pour le maire
Les Républicains de la ville, Geor­
ges Mothron. Livré à l’horizon
2022, Cap Héloïse prévoit la créa­
tion de 40 000 m² tournés vers le
commerce, les loisirs, la restaura­
tion et l’immobilier résidentiel.
Un peu plus loin, ce sont les an­
ciennes friches SNCF de la ville qui
subiront, toujours d’ici à 2022, une
transformation de grande am­
pleur dans le cadre de l’opération
Argenteuil littoral : « Le projet
comprendra des locaux d’activités
pour les petites entreprises et des
laboratoires de recherche et déve­
loppement, ainsi qu’un hôtel haut
de gamme », souligne Georges
Mothron. Dernier exemple, le pro­
gramme Urban Valley, lauréat du
concours « Inventons la métro­
pole du Grand Paris 2 », sortira de
terre à l’horizon 2025 avec ses
17 800 m² d’immobilier mixte (bu­
reaux, commerces, activités...).
Les grues et les marteaux­
piqueurs n’ont pas fini de redessi­
ner la ville, tant les projets sont
nombreux. Depuis 2016 et l’inté­
gration d’Argenteuil à la Métro­
pole du Grand Paris, la ville a re­
trouvé sa compétence pour amé­
nager le territoire et s’en donne à
cœur joie. La plupart des opéra­
tions seront livrées entre 2022 et
2030.

L’objectif du maire est simple :
tout faire pour attirer des inves­
tisseurs et maintenir la popula­
tion à Argenteuil. « Nous ne négli­
geons aucun levier et dès cette an­
née, nous allons faire baisser la
taxe foncière de 6,3 % », ajoute le
maire. Une stratégie payante, la
ville étant déjà la troisième com­
mune la plus peuplée d’Ile­de­
France. Sur le plan démographi­
que, selon le dernier recense­
ment de l’Insee, la population
d’Argenteuil a augmenté de 5,9 %
sur la période 2011­2016.
Cet afflux de Franciliens a un
impact sur le secteur immobilier.
Depuis 2017, les transactions dans
la commune dépassent les mille
ventes à l’année, une première
dans le Val­d’Oise, dans le neuf
comme dans l’ancien. « Cette an­

née encore, nos ventes progressent
de 15 % à 20 % », se réjouit Marc
Colatosti, directeur de l’agence
Guy Hoquet d’Argenteuil. « Nos
clients sont à 70 % des Parisiens et
des habitants des communes voi­
sines dans les Hauts­de­Seine, où
les prix sont bien plus chers qu’ici,
comme Colombes ou Asnières. »

Un bon placement
Avec un mètre carré moyen es­
timé à 3 107 euros, Argenteuil fait
figure d’exception dans le dépar­
tement. « Surtout si l’on tient
compte du fait que la ville est si­
tuée à moins de dix minutes de la
gare Saint­Lazare depuis la li­
gne J », ajoute le maire. « Les prix
les plus élevés se trouvent dans le
centre­ville et dans le quartier
d’Orgemont, où le mètre carré os­

cille de 3 000 euros à 3 500 euros.
Si l’on s’éloigne vers Val­du­Nord,
on est plutôt sur des prix entre
1 200 euros et 1 500 euros/m² »,
souligne Marc Colatosti.
Si pour l’instant les prix bougent
peu (+ 1 % sur un an), Argenteuil
constitue un bon placement pour
les investisseurs qui veulent louer.
« Le marché locatif est porté par les
nombreux bassins d’emplois de la
ville et le centre d’affaires de la Dé­
fense », indique Philippe Denis, di­
recteur général adjoint de la com­
mercialisation chez Cogedim.
Ainsi, dans l’ancien, les rende­
ments bruts oscillent entre 6 % et
8 % pour des studios de 25 m²
achetés 100 000 euros et loués
600 euros en centre­ville. Autre
stratégie, se tourner vers un pa­
villon du quartier des Coteaux, à
moins de 270 000 euros, et le met­
tre en colocation.
Sans surprise, dans le neuf, c’est
près de la gare que les investis­
seurs ont intérêt à se positionner,
sans oublier de se tourner vers le
dispositif Pinel. Dans le neuf, les
rendements seront plus proches
de 4 % brut, que l’on soit en cœur
de ville, où le mètre carré moyen
est estimé à 4 200 euros, ou à un
quart d’heure à pied des trans­
ports, où les prix tournent plutôt
autour de 3 800 euros/m². « Les in­
vestisseurs ont d’ailleurs intérêt à
acheter dans une résidence princi­
palement occupée par des proprié­
taires usagers. Ainsi, ils seront sûrs
que l’immeuble conservera sa qua­
lité », conseille Philippe Denis.
ludovic clerima

Les épargnants face aux taux d’intérêt négatifs


La chute des taux obligataires a des répercussions sur le rendement des produits financiers


U


n taux d’intérêt néga­
tif? La formule tient
de l’oxymore. Et pour­
tant, le taux de l’em­
prunt d’Etat de référence sur le
marché français, l’obligation assi­
milable du Trésor (OAT) à 10 ans,
est passé sous la barre des 0 % le
25 juin, pour s’établir actuelle­
ment aux environs de − 0,30 %.
Cela signifie que les investisseurs
paient pour prêter de l’argent à
l’Etat. Parallèlement, la Banque
centrale européenne (BCE) a
baissé son taux de dépôt à − 0,5 %
en septembre pour soutenir
l’économie européenne. Bref, les
taux d’intérêt sont durablement
installés en territoire négatif, et
ce n’est pas bon signe.
Les particuliers ont cependant
une raison de se réjouir : les taux
des crédits immobiliers sont eux
aussi sur une pente descendante.
En effet, la baisse des taux d’inté­
rêt à long terme sur les marchés
incite les banques à proposer des
crédits toujours plus attrayants à
leurs clients dans un contexte de
forte concurrence entre les éta­
blissements financiers.
Actuellement, les taux des cré­
dits immobiliers sur vingt ans
sont compris entre 0,58 % et
1,25 %, selon Meilleurtaux.com et
ils devraient encore baisser d’ici à
la fin de l’année! Un contexte fa­
vorable à la pierre. « Le marché
immobilier va rester florissant sur
tous les segments – le résidentiel,
le commerce et les bureaux –

grâce au niveau des taux d’inté­
rêt », confirme Jean­Maximilien
Vancayezeele, directeur général
délégué du groupe de conseil pa­
trimonial Crystal.
Côté épargne financière, en re­
vanche, les conséquences de la
baisse des taux se font durement
ressentir. Aucun espoir d’obtenir
du rendement sur vos placements
de court terme, dont le niveau dé­
pend plus ou moins de celui des
taux directeurs de la BCE.

Mission impossible
Détenir trop de liquidités com­
mence même à être un fardeau
pour l’épargnant : la banque pri­
vée Lombard Odier a annoncé
qu’elle taxerait les dépôts en cash
de ses clients à partir du 1er octo­
bre pour répercuter les taux de la
BCE. Seuls les dépôts supérieurs à
1 million d’euros, hors mandat de
gestion, sont concernés. D’autres
banques privées devraient suivre.
Une décision qui ne concerne pas
le grand public. Le gouverneur de
la Banque de France, François Vil­
leroy de Galhau, a jugé bon de pré­
ciser sur RTL « qu’il n’est pas ques­
tion que cela s’applique aux parti­
culiers habituels ».
Reste que placer son argent sur
un placement sécuritaire mais
performant est désormais mis­
sion impossible. A 0,75 %, le Liv­
ret A est certes largement supé­
rieur au niveau des taux d’intérêt
à court terme. Mais il demeure un
pis­aller puisque les épargnants

perdent de l’argent si l’on tient
compte de l’inflation, qui atteint
1,2 %. « La formule de calcul plaide
pour une baisse du taux du Livret A
à 0,50 % au 1er février, mais il est
probable que les pouvoirs publics
préféreront le laisser inchangé
pour éviter la colère des épar­
gnants », analyse Philippe Crevel,
directeur du Cercle de l’épargne.
Rien à attendre non plus du côté
des livrets bancaires, dont la ré­
munération moyenne atteint
0,11 % avant impôt, d’après le site
d’information MoneyVox.
Mais il y a plus grave : l’installa­
tion des taux d’intérêt à long
terme en territoire négatif met
en difficulté le fonds en euros de
l’assurance­vie, dont le rende­
ment va encore s’effriter. Cela fait
des années que les assureurs in­
vestissent la nouvelle collecte
dans des obligations d’Etat de
moins en moins rentables, et
même désormais négatives.
Cette baisse des taux est peu à
peu répercutée sur les épargnants.
Generali a donné le ton, fin sep­
tembre, en déclarant que le rende­
ment de ses fonds en euros allait
« sensiblement reculer » cette an­
née. Pour mémoire, le rendement
moyen du marché s’est établi à
1,80 % pour 2018. « Entre les prélè­
vements sociaux et les frais de ges­
tion, le fonds en euros couvre dé­
sormais tout juste l’inflation. Il ne
doit plus avoir une place centrale
dans le patrimoine des particu­
liers », martèle Benoît Vesco, direc­
teur général de Meeschaert AM.

Un message difficile à entendre
pour les particuliers, qui détien­
nent 72 % de leurs contrats d’assu­
rance­vie sur le fonds en euros.
Les assureurs utilisent désor­
mais la manière forte pour les
convaincre : « Pour limiter la col­
lecte, les compagnies d’assurances
exigent que les épargnants sous­
crivent une part de plus en plus im­
portante d’unités de compte pour
accéder au fonds en euros. Ce
dernier va devenir un produit de
luxe difficile à obtenir », explique
M. Vancayezeele. De plus, Gene­
rali a annoncé étudier la mise en
place de frais d’entrée sur les
fonds en euros pour 2020.

« Une dose de risque »
Le moment est donc bien choisi
pour se repositionner vers les uni­
tés de compte, c’est­à­dire des ac­
tifs qui rapportent davantage (ac­
tions, immobilier, devises, matiè­
res premières, etc.), mais sans
protection du capital investi.
« Dans le contexte actuel de taux
bas, les marchés actions offrent en­
core une espérance de rendement
meilleure que la classe d’actifs obli­
gataires en contrepartie d’un ris­
que plus élevé. Investir en unités de
compte constitue une opportunité
pour les épargnants acceptant une
dose de risque et ayant un horizon
d’investissement long terme », es­
time Olfa Maalej, directrice du
pôle produits & solutions de la
banque Neuflize OBC.
Enfin, la chute des taux d’intérêt
a aussi des conséquences sur le
cours de l’or. L’once est passée de
1 279 dollars (1 173,40 euros) fin
2018 à 1 510 dollars (1 385,30 euros)
actuellement, soit une hausse de
18 %, sous le double effet de la
baisse généralisée des taux d’inté­
rêt dans le monde et des craintes
géopolitiques, notamment de la
guerre commerciale entre les
Etats­Unis et la Chine. Une situa­
tion qui devrait perdurer, confir­
mant le statut de valeur refuge du
métal jaune.
agnès lambert

Des prix abordables

SOURCE : MEILLEURSAGENTS

Prix du m^2

Evolution des prix
sur un an

Rendement
locatif
(studio-2 pièces)

3 107 €


6 % + 1 %


Argenteuil

Nombre
de transactions
(2017)

1 047


Evolution du nombre
d’habitants
(2011-2016)


  • 5,9 %


QUESTION  À  UN  EXPERT


Quelles sont les conséquences


patrimoniales du remariage?


olivier rozenfeld, président de Fidroit

En cas de remariage, n’oubliez pas de modifier la clause bénéficiaire
des contrats d’assurance-vie, de prévoyance, ou le testament que
vous aviez rédigé en son temps... Sont concernés tous les produits ou
dispositions patrimoniales où vous avez nommément désigné votre
précédent conjoint. Au moment du divorce, vous avez peut-être sou-
haité maintenir le bénéfice de la donation entre époux. C’est irrévoca-
ble et profitera à votre ex! Soyez vigilant s’il y a des enfants nés de la
première union, le conjoint survivant ne profitera que du quart en
pleine propriété de la succession future de son mari ou de son épouse,
et non pas de l’option en usufruit. Il perd alors l’accès aux revenus.
Des enfants d’une précédente union, c’est aussi le risque d’une « ac-
tion en retranchement », c’est-à-dire qu’ils peuvent vous empêcher de
prendre des mesures trop favorables à votre nouveau conjoint, si elles
rognent sur leurs propres droits légaux lors de la succession. Pensez
aussi impôts. L’année du mariage, vous devrez ne réaliser qu’une dé-
claration ou former encore deux foyers fiscaux distincts. Enfin, en cas
de remariage, vous ne pourrez plus prétendre à la pension de réver-
sion des régimes complémentaires de votre ex-conjoint. La pension
du régime de base se répartira entre les ex-conjoints successifs du dé-
funt au prorata de la durée des différents mariages...

I M M O B I L I E R
La possibilité d’une bulle à Paris
Selon une étude de la banque suisse UBS analysant les
prix des biens immobiliers dans 24 grandes villes à tra­
vers le monde, une bulle pourrait exploser à Paris sur
le marché résidentiel. Le marché des propriétaires rési­
dents s’y découple de plus en plus des fondamentaux
en termes de revenus et de rendements locatifs. En
outre, depuis 2006, les prix sont découplés du reste du
pays. Les perspectives d’évolution des prix du résiden­
tiel vont être mises à « rude épreuve » par la difficulté
d’accéder à la propriété. Sur ce plan, « Paris est la ville
européenne la moins abordable », conclut l’étude.

AVEC UN TAUX DE 0,75 %, 


LE LIVRET A DEMEURE UN 


PIS­ALLER PUISQUE LES 


ÉPARGNANTS PERDENT DE 


L’ARGENT SI L’ON TIENT 
COMPTE DE L’INFLATION, 

QUI ATTEINT 1,2 %


60 %
C’est la proportion minimale d’unités de compte exigée par l’as-
sureur Generali pour les nouveaux versements des clients sur leur
contrat d’assurance-vie : autrement dit, pour 10 000 euros dépo-
sés sur un contrat, 4 000 euros seulement peuvent alimenter le
fonds en euros, le solde étant forcément investi en unités de
compte (UC), c’est-à-dire sur des actifs plus risqués (actions, im-
mobilier, devises, matières premières, etc.), sans garantie sur le
capital investi. Une pratique courante dans le marché, mais dans
des proportions moindres : les compagnies requièrent générale-
ment entre 20 % et 40 % d’unités de compte.

SOS CONSO 
CHRONIQUE PAR RAFAËLE RIVAIS

Quand le client de l’hôtel


tombe du balcon et se tue


L


a veuve et les enfants d’un analyste financier,
Alain X, mort pendant son séjour dans un palace
de la Côte d’Azur, viennent d’obtenir réparation,
après une longue procédure judiciaire. C’est le
5 juillet 2004, vers 22 heures, selon la police, qu’Alain X se
tue accidentellement : alors qu’il se trouve sur son balcon,
un orage éclate ; mais il ne peut revenir dans sa chambre, car
la porte­fenêtre, qu’il a refermée derrière lui, s’est bloquée. Il
enjambe son balcon, pour se rendre sur celui de la chambre
voisine, dont la fenêtre est ouverte, et retourner à l’intérieur
de l’hôtel ; c’est alors qu’il tombe, et que son corps s’écrase
sur des rochers, cent mètres plus bas.
Sa veuve et ses enfants assignent le gérant de l’hôtel. Ils af­
firment qu’il a manqué à son obligation de sécurité en ne
faisant pas changer le système de fermeture de la porte­fe­
nêtre, dont il connaissait le caractère défectueux, puisque,
en mars 2003, déjà, un client de la chambre avait ainsi été
« enfermé dehors ». Pour regagner sa chambre, il avait brisé
la vitre à l’aide d’une chaise se trouvant sur le balcon. Les X
ajoutent que, faute d’avoir procédé à ce
changement, l’hôtel aurait dû informer
son client du problème, afin qu’il évite de
refermer la porte derrière lui.

« Imprudence »
L’hôtelier répond qu’Alain X a commis
une « imprudence » en « choisissant la
voie périlleuse d’une tentative de passage
sur un balcon voisin, de nuit, par un temps
de pluie et de vent, au­dessus d’une corni­
che, au lieu d’utiliser une chaise disponible
pour briser la vitre ou d’attendre le passage de la femme de
ménage, le lendemain matin ».
La cour d’appel d’Aix­en­Provence considère, le 13 fé­
vrier 2014, que les torts sont partagés. Mais la Cour de cassa­
tion juge, le 17 février 2016, que l’hôtelier est tenu à la « répa­
ration intégrale » du préjudice, pour avoir « manqué à son
obligation de sécurité ». La cour d’appel de Montpellier le
condamne à payer quelque 850 000 euros, le 16 janvier 2018.
Mme X demandait beaucoup plus, au titre du « préjudice
économique » lié à la disparition de celui qui faisait vivre sa
famille. Mais les magistrats appliquent la règle selon la­
quelle la « réparation intégrale » doit se faire « sans perte ni
profit ». Ils considèrent qu’allouer aux X une somme supé­
rieure générerait pour eux un profit, du fait que leur « préju­
dice économique » a été presque entièrement indemnisé par
la caisse primaire d’assurance­maladie et par l’assurance­
décès qu’Alain X avait contractée.
Le 12 septembre 2019, la Cour de cassation valide leur déci­
sion : les 850 000 euros indemniseront principalement le
« préjudice moral » des proches du défunt.

LA FAMILLE 


AFFIRME QUE


LE GÉRANT A 


MANQUÉ À SON 


OBLIGATION


DE SÉCURITÉ 


CLIGNOTANT

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